Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a effectué mercredi une visite d’une journée à Maurice à la tête d’une délégation d’une quinzaine d’officiels. Il a, à cette occasion, annoncé que son pays ratifiera l’accord post-Cotonou après avoir obtenu la garantie légale que les décisions concernant la migration et les droits sexuels relèvent des considérations nationales. Il a profité de sa visite à Maurice pour jeter les bases d’une coopération bilatérale. Il a annoncé, entre autres, l’octroi de 15 bourses d’études aux étudiants mauriciens et le développement d’un partenariat en vue de la fabrication des batteries électriques à Maurice.
C’est la première fois qu’un ministre des Affaires étrangères de la Hongrie visite Maurice. Peut-on dire que c’est le début d’un chapitre concernant un partenariat éventuel entre la Hongrie et Maurice ?
Vous avez raison. En fait, nous sommes à Maurice parce que votre ministre des Affaires étrangères, Alan Ganoo, est le président du conseil des ministres de l’Organisation du Groupe Afrique, Caraïbes et Pacifique. Cette organisation a eu des discussions sur des questions très importantes avec l’Union européenne durant les cinq dernières années, à savoir l’accord post-Cotonou.
La Hongrie a des réserves sérieuses, non pas en raison de l’importance d’un accord amélioré et rehaussé. Nous sommes en faveur d’une coopération entre l’Afrique et l’UE, en raison des chapitres de l’accord concernant la migration et les droits sexuels. Nous avons besoin de garanties légales que toutes les décisions concernant la migration relèvent des compétences nationales.
Nous avons aussi besoin de garanties que les droits sexuels ne donnent pas lieu à une propagande agressive en nous mettant sous pression. Si nous obtenons des garanties pour ces deux questions et si nous ne sommes pas obligés de mettre en œuvre des règlements internationaux sur la propagande des genres et que cela est approuvé par les autres pays, nous sommes prêts à signer l’accord.
Avez-vous obtenu ces garanties légales ?
Oui, nous les avons eues. Le Conseil européen a présenté ce mercredi une résolution à Bruxelles qui inclut ces amendements légaux. Une déclaration nationale unilatérale doit être faite durant la signature. Ma visite me permet également de discuter des questions concernant les relations bilatérales entre nos deux pays. J’ai eu l’occasion de rencontrer le Premier ministre, le Premier ministre adjoint, le ministre des Affaires étrangères, le ministre des TIC. Ce qui a permis d’identifier les domaines de coopération.
Est-ce que vous allez signer l’accord post-Cotonou ?
Oui, nous le ferons. Les procédures au niveau de l’Union européenne en vue d’approuver les amendements prendront six semaines. D’après ce que je comprends, les Samoa ont proposé d’accueillir la cérémonie de signature.
On peut donc dire que vous êtes porteur d’une bonne nouvelle pour Maurice ?
Oui tout à fait.
Quels sont des domaines de coopération bilatérale identifiés lors de votre visite ?
Nous avons opté pour le contact avec les populations parce qu’il n’existe pas encore. Nous avons décidé d’inclure Maurice parmi les bénéficiaires des bourses d’études en Hongrie. Quinze bourses seront offertes annuellement à Maurice. De plus, Maurice bénéficiera des facilités pour la promotion touristique en Hongrie.
Le ministre du Tourisme a fait comprendre qu’une campagne de promotion sera lancée en Hongrie. Il est intéressant de noter que l’année dernière, Maurice a accueilli 2 500 touristes en provenance de la Hongrie.
Durant le premier trimestre de cette année, 3 000 touristes hongrois ont déjà visité le pays, ce qui est supérieur au nombre de touristes qui ont visité Maurice durant toute l’année dernière. Il est évident que le record de 4 000 touristes enregistrés avant le Covid sera battu. Nous sommes tombés d’accord sur une coopération dans le domaine de la production des batteries électriques pour la région de l’océan Indien.
La lutte contre le changement climatique ne sera pas gagnée à moins que nous puissions transformer notre système de transport. Le Premier ministre a pris des engagements forts à ce sujet. La Hongrie est le troisième plus grand producteur de batteries pour les véhicules électriques dans le monde après la Chine et les États-Unis.
Nous comptons devenir le deuxième plus important producteur avec les investissements croissants venant de Chine et de la Corée du Sud en Hongrie. Nous sommes d’accord pour créer un partenariat et comptons soumettre conjointement une demande en faveur des fonds européens. Ce qui nous permettra d’accélérer la transformation du système de transport de la combustion à l’électrification.
Sans batterie électrique, il n’y aura pas de voitures électriques. Nous sommes tombés d’accord concernant la coopération dans le domaine spatial. Votre pays envisage de lancer un nouveau satellite. Nous sommes nous aussi très intéressés par le développement spatial. D’ailleurs, au début de 2025, un astronaute hongrois passera un mois dans le centre spatial international. Nous sommes intéressés à recueillir des données à partir des satellites de communication.
Envisagez-vous de conclure des accords de coopération bilatérale avec Maurice ?
Oui. Nous sommes tombés d’accord concernant la signature d’un accord de coopération dans le domaine de la recherche, du développement et de l’intelligence artificielle. Une délégation mauricienne est attendue à Budapest en vue de la signature d’un accord.
Maurice se positionne comme une plateforme régionale en ce qui concerne les services financiers. Une coopération est-elle envisagée dans ce domaine ?
À ce propos, je voudrais dire que la Hongrie est un des leaders mondiaux dans la création des logiciels utilisés dans les banques. La Banque commerciale de Maurice utilise des logiciels hongrois depuis huit ans déjà. La compagnie hongroise compte prolonger l’accord avec la MCB pour trois ans encore.
Comptez-vous également passer par Maurice pour les investissements en Afrique ?
Oui, nous comptons utiliser Maurice pour des investissements dans les pays de l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe. Nous travaillons déjà avec des pays comme l’Éthiopie, le Ghana et l’Afrique du Sud, et très peu avec les pays de la région. Maurice constitue une plateforme idéale pour le faire.
Quelles sont les possibilités de coopération sur le plan de la politique internationale ?
Nous soutenons la candidature de Maurice pour un siège sur le conseil d’administration de l’Unesco. Nous envisageons de soutenir la candidature de Maurice comme un membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies également.
Le dossier concernant l’exercice de souveraineté de Maurice sur les Chagos a-t-il été évoqué durant votre séjour ?
J’ai été informé de ce dossier par le Premier ministre. L’intégrité territoriale et la souveraineté sont des questions très sensibles pour nous, d’autant plus que la Hongrie a eu à se battre pour sa liberté et sa souveraineté dans son histoire. Nous comprenons très bien ce que cela veut dire de rechercher la justice auprès de grandes puissances. We always look at it very carefully and we hope that this is going to be resolved very soon.
Quid de l’impact de la guerre en Ukraine sur votre pays ?
Il est intéressant de noter que malgré le fait que 11 heures de vols et des milliers de kilomètres nous séparent, nous sommes confrontés aux mêmes défis lorsqu’il s’agit de l’impact de la guerre en Ukraine. Nous sommes des voisins directs de l’Ukraine.
Par conséquent, l’impact de la guerre est considérable, surtout lorsqu’il s’agit des coûts de l’énergie électrique, de l’inflation, des prix des produits alimentaires. Nous avons accueilli plus d’un million de réfugiés alors que nous sommes un pays de moins de dix millions de personnes.
Nous avons évoqué cette question avec les dirigeants mauriciens et sommes d’accord qu’une solution négociée est nécessaire aussi vite que possible. Plus vite la guerre prend fin, moins nous serons confrontés à des impacts négatifs.
J’ai aussi informé mes collègues mauriciens que nous insistons non seulement en raison de l’impact négatif sur notre pays et notre économie, mais aussi parce que des citoyens hongrois sont en train de mourir dans cette guerre. Il y a une importante communauté hongroise qui vit en Ukraine. Ils sont près de 150 000. Comme ce sont des citoyens ukrainiens, ils ont été mobilisés dans l’armée ukrainienne et ils meurent sur le front. Notre priorité est donc de sauver la vie des personnes.
Est-il possible d’envisager une coopération dans les domaines culturel et sportif avec la Hongrie ?
La Hongrie est une nation sportive. Nos deux pays ont une passion pour le football. Nous sommes ouverts en vue d’un échange des jeunes athlètes dans le domaine sportif. Nous sommes également fiers de notre culture millénaire. Nous comprenons que vous ayez également un riche patrimoine culturel. Nous sommes très conscients que la culture permet de faciliter le contact entre les peuples, ce qui sert de base pour les relations d’État à État.
Comment voyez-vous l’avenir de la coopération entre nos deux pays ?
Nous sommes tombés d’accord concernant la visite d’une délégation du ministère des TIC et de l’Innovation dirigée par le ministre en Hongrie. Un protocole d’accord sera signé concernant la coopération entre nos deux pays.
Pouvons-nous conclure que nos deux pays envisagent une coopération prometteuse ?
Nous avons beaucoup de similarités dans notre façon de penser. Nos deux pays considèrent que la souveraineté est très importante, que le patrimoine culturel ainsi que notre spécificité nationale doivent être respectés. Notre coopération peut être basée sur une compréhension mutuelle et le respect mutuel.