Dans cette interview accordée cette semaine à Le-Mauricien, Patrick Assirvaden réagit dans le contexte de la révocation ministérielle de Vikram Hurdoyal par le PM Pravind Jugnauth et la démission de l’Assemblée nationale. « Nous sommes là pour accueillir tous ceux qui veulent travailler pour sauver ce pays. Que vous vous appelez Vikram Hurdoyal, Rama Valayden, Ashok Subron, Dev Sunassy, Patrick Belcourt, nous sommes là pour ouvrir nos bras et vous dire qu’il faut travailler ensemble. Donc Vikram Hurdoyal est Most Welcome s’il veut aider le pays » lance-t-il. Sur le plan de la transition énergétique, Patrick Assirvaden estime que l’objectif de 60% d’énergies renouvelables en 2030 ne sera pas atteint.
Comment accueillir tant la révocation ministérielle que la démission parlementaire de Vikram Hurdoyal cette semaine ?
Nous avions senti qu’il y avait un malaise dans le gouvernement et en général dans le pays depuis quelque temps. Nous avons vu tantôt les agents consigner des déclarations à la police contre un ministre pour se rétracter ensuite; Alan Ganoo qui déplore les agissements de certains par rapport à la députée de son parti Tania Diolle ; des ex-MMM qui sont dans le gouvernement et qui essaient en vain de se regrouper au sein de la majorité ; les remous autour de l’élection du président du conseil de district de Flacq, entre autres.
Ce qui nous a surpris est la violence avec laquelle Pravind Jugnauth a révoqué Vikram Hurdoyal. Au moment où nous parlons, nous ne savons toujours pas la raison pour laquelle il a été révoqué. Est-ce qu’il a diffusé une information du Cabinet ? A-t-il fauté comme ministre ? Y a-t-il quelque chose de louche au niveau de son ministère ? Est-ce que soi-disant, il a rencontré Navin Ramgoolam? Est-il soupçonné d’infidélité ? Autant de questions qui n’ont pas encore été élucidées.
La manière de faire du Premier ministre ne cadre pas une démocratie. Ensuite il n’y a aucune transparence. Pravind Jugnauth devrait avoir un respect pour le peuple mauricien envers qui il est redevable. Hurdoyal était payé des fonds publics par les contribuables pendant tout le temps qu’il était ministre. La révocation d’Ivan Collendavelloo et le départ de Vishnu Lutchmeenaraidoo avaient donné lieu à des explications.
Pourquoi dans le présent cas n’y a-t-il aucune collaboration ? Ne pense-t-il pas que moralement il doit à la population une explication concernant un ministre qui a travaillé avec lui pendant quatre ans au lieu de laisser libre cours aux spéculations? Le Premier ministre et son ex-ministre – qui se sont rencontrés – sont-ils engagés dans un complot ou une combine pour cacher la vérité au peuple ?
Avez-vous de la sympathie pour l’ex-ministre Hurdoyal ?
Certainement. J’ai une sympathie pour lui parce qu’il a déclaré ouvertement qu’il est malade. Il s’affiche avec son T-shirt orange. Ce qui veut dire qu’il est fidèle au MSM. Il affirme ouvertement qu’il apprécie le travail du Premier ministre. Et pourtant il a été révoqué sans savoir pourquoi… Il faut avoir de la sympathie pour lui bien que nous ne soyons pas du même bord politique. Je respecte son courage politique de n’avoir pas hésité à démissionner deux jours après avoir été révoqué.
D’autres qui occupaient des postes plus importants que lui et qui étaient censés avoir une plus grande expérience et une connaissance accrue de la chose politique n’ont pas osé démissionner. Ivan Collendavelloo est encore accroché à son siège de backbencher alors qu’il est humilié depuis des années. Il doit apprendre de Vikram Hurdoyal. Nus devrions avoir une dose de dignité pour nous-mêmes, pour nos enfants, pour nos partisans, pour tout.
Devrons-nous nous attendre à un rapprochement entre le PTr et Vikram Hurdoyal ?
Vikram Hurdoyal est officiellement encore membre du MSM. Donnons le temps au temps. Nous ne pouvons pas cacher que dans le passé Hurdoyal avait évolué dans le sérail du PTr. Il est proche de plusieurs membres du PTr. C’est un gentleman. Il est courtois. Mais la politique, c’est la politique.
Le PTr ne dira pas non si les partisans de Vikram Hurdoyal dans les circonscriptions Nos 9 et 10 décident de nous donner un coup de main. Nous sommes là pour ouvrir nos bras et pour accueillir tous ceux qui veulent travailler pour sauver ce pays. Que vous vous appelez Vikram Hurdoyal, Rama Valayden, Ashok Subron, Dev Sunassy, Patrick Belcourt, nous sommes là pour vous dire qu’il faut que nous travaillons ensemble. Donc Vikram Hurdoyal est Most Welcome s’il veut aider le pays. Nous ne parlons pas de ticket, mais de sauver le pays !
Quel regard jetez-vous sur la situation politique en général ?
Le pays est mûr pour les élections générales. Pravind Jugnauth bluffe avec sa carte d’élection partielle. Je crois qu’il n’y a pas une personne à Maurice qui croit à une élection partielle à quelques mois de la dissolution du Parlement. Le pays demande des élections générales parce que le pays est anbalao.
Aujourd’hui, avant l’annonce d’une augmentation salariale, les prix de tous les produits, dont des médicaments, prennent l’ascenseur. L’argent entre dans nos poches pour sortir par le trou créé par l’inflation galopante. Les prix ont plus que doublé. Le prix d’un chou a atteint Rs 225, le piment a atteint le prix de Rs 400 le kg. Toutes les augmentations obtenues par les personnes âgées se sont diluées dans les hausses des prix des commodités et des médicaments.
Par ailleurs, il y a deux catégories de pensionnés : un premier groupe 75 ans+ et celui des 60-74 ans. Le pays n’est pas en banqueroute mais nous nous demandons comment la Silver Bank a-t-elle pu obtenir un permis d’opération alors que la presse et des institutions européennes le critiquaient et le taxaient de fraude? À quelques mois des élections générales, comment expliquer qu’une compagnie comme le CEB – qui avait des réserves de l’ordre de Rs 13 milliards – peut avoir plus de Rs 7 milliards d’Overdraft.
Je ne parle pas de l’eau 24/7 ni de Law and Order ou de la drogue qui est devenue le cancer de cette société et des dégâts causés par la drogue synthétique chez les jeunes dans tous les quartiers de Maurice. Il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir du pays. Jugnauth pense qu’il en est le propriétaire. Il a tout confisqué y compris les élections municipales. Pour vivre dans ce pays, il faut appartenir au clan MSM. Le pays est mûr pour les législatives et la population attend avec impatience cette occasion avec cette impatience.
L’Alliance PTr-MMM-PMSD a-t-elle été acceptée sur le terrain par les partisans de chaque parti ?
La synergie entre la base de trois partis politiques est visible et palpable. Les cinq ou six manifestations organisées ensemble en témoignent. Il y a eu des congrès, des meetings, des dépôts de gerbes sur les tombes des tribuns. Nous l’avons vu lors de notre dernière sortie à Pointe-Canon le 1 er février. Tout s’est passé très bien même si nous n’avons pas les mêmes moyens financiers. Nous nous préparons à affronter les élections générales dans la proximité avec la population. Les trois partis préparent les élections générales comme une équipe soudée.
Le programme électoral est bien avancé. Sa préparation se fait sous la direction de Xavier-Luc Duval. Un comité de campagne se penche, avec les secrétaires généraux et les chefs des partis, sur l’organisation même des activités. Nous mettons l’accent sur le meeting du 1er-Mai. Nous avons déjà rendu public un programme en cinq points concernant les engagements fermes que nous avons pris. Nous avons promis que la pension de vieillesse sera accordée et revue à la hausse. La différence entre ceux âgés entre 60 et 74 ans et les autres sera éliminée et nous donnerons à tous les retraités des facilités pour combattre les problèmes qui se présenteront.
Les nominations importantes passeront par un comité parlementaire. Le problème concernant quatre ou cinq Credits sera résolu. Quant au combat contre la drogue, il faut donner à la police les moyens de le faire. Sur le plan économique, nous pratiquerons un langage de vérité. Nous avons une équipe composée de jeunes et de vétérans. C’est une équipe de jeunes bien rodée. Le plus vite les élections pour le pays, le mieux ce sera. Ramgoolam, Duval et Bérenger ont été de hauts dirigeants du pays et ont la tête bien sur les épaules. Ce sont des politiciens expérimentés et non des novices. Ils ont la maturité pour diriger un pays. Ce ne sont pas des personnes avec des caprices. Puis, il y a des jeunes et des moins jeunes qui complètent l’équipe – qui dirigera le pays.
Nous avons l’équipe nécessaire pour apporter des réformes en profondeur dans le pays. Nous avons en tête la situation au Parlement. Il n’est pas acceptable que les Standing Orders permettent au Speaker de faire ce qu’il veut comme tel est le cas actuellement. Il faudra changer la loi en conséquence afin que quelque soit le parti qui prenne le pouvoir à l’avenir il y ait un Speaker indépendant.
Il reste encore à établir la liste des candidats. Ce qui ne sera pas une mince affaire…
S’il y a la bonne volonté il n’y aura aucun problème. Il faut en premier lieu savoir quelle est notre priorité. Je l’ai dit au bureau politique du PTr : notre priorité consiste à botter le MSM hors du pouvoir. Nous ne pouvons pas permettre au MSM de continuer à finir le pays. Une fois que ces priorités sont bien comprises, nous pourrons faire face à tous les problèmes qui se présenteront. Bien sûr chaque parti de l’alliance a sa propre identité et sa propre culture politique. Il ne faut pouvoir faire la part des choses, faire la place pour certains et faire comprendre à d’autres qu’ils ne seront pas sur la liste des candidats afin que nous puissions retourner le PTr au pouvoir.
Ce parti ne pourra améliorer la vie des Mauriciens que s’il est au pouvoir. Nous pouvons dire la même chose aussi bien pour Navin Ramgoolam que pour Paul Bérenger ou pour Xavier-Luc Duval. Il faut pouvoir mettre de l’eau dans notre vin. Je lance un appel aux aspirants du PTr qui sont à la recherche des tickets. Il y a des camarades qui devront accepter de faire des sacrifices. Cela ne veut pas dire que le parti n’a pas besoin de votre aide et de votre expertise. Nous avons besoin de tout le monde. Je suis convaincu que dans l’intérêt du pays nous parviendrons à un accord.
Tout laisse croire que nous allons vers une lutte à trois. Est-ce que cela ne va pas affaiblir l’opposition face à l’appareil du MSM ?
Je relance un appel aux partis extraparlementaires. Ralliez-vous derrière le PTr. Il faut dans la vie revoir sans arrêt nos objectifs premiers. Notre objectif est de gérer ce pays. Nous ne pouvons avoir un gouvernement pire que celui dirigé par Pravind Jugnauth avec tout son lot de népotismes et qui interfère autant dans les institutions.
Je demande aux partis extraparlementaires de cesser de personnaliser les choses. Regardons les choses dans sa globalité. La personne la mieux placée pour barrer la route à Pravind Jugnauth est Navin Ramgoolam. Pourquoi s’engager dans la division des voix au détriment de l’opposition. Pensez au pays, aux enfants.
Dans le cadre de la campagne menée par l’opposition, il faudra reconnaître que le gouvernement a aussi des réalisations, notamment sur le plan des infrastructures ?
De quelles réalisations parlez-vous ? Voulez-vous parler du complexe sportif de Côte d’Or? C’est un éléphant blanc qui a coûté Rs 5 milliards. À part les Jeux des Îles de l’océan Indien avez-vous déjà vu une activité sportive susceptible d’attirer les foules? Est-ce que ce centre a été utilisé pour le bien-être de la population ? Le Metro-Express a créé plus d’embouteillage à Vacoas dans ma circonscription que je connais bien. Il est devenu un cauchemar pour les automobilistes de Vacoas. Je ne parle pas de Quatre-Bornes ou de Beau-Bassin/Rose-Hill alors que le coût atteint des milliards.
Prenons le Covid. J’ai entendu quelqu’un dire que le gouvernement a bien géré la situation. Avez-vous oublié la Molnupiravir Saga, qui a été dénoncée par le leader de l’opposition au Parlement. En plein Covid, certains abusaient de la population. Avez-vous oublié l’achat des Ventilators? C’est cela que vous appelez bilan de réalisations… Jusqu’aujourd’hui nous ne savons pas comment la MIC a investi Rs 159 milliards dépensées et quel a été le retour sur ces investissements?
En matière de démocratie nous vivons le martyre avec un Speaker au Parlement. Dès que nous acculons le Premier ministre, c’est l’expulsion du Parlement. Rs 20 milliards ont été investies dans les drains sans l’aide des volontaires, et il y aurait beaucoup plus de victimes que nous ne le pensions à Port-Louis. Allez voir l’état des routes à Vacoas-Phoenix alors que les municipalités disposent un budget pour les infrastructures routières.
Toujours dans ma circonscription, sur 17 terrains de football seulement deux sont éclairés. À Port-Louis les avocats ne peuvent plus plaider en Cour suprême faute d’un système de climatisation adéquat. Il est clair que le gouvernement Jugnauth a failli dans sa tâche.
Un mot sur un sujet que vous affectionnez, à savoir la transition énergétique.
La transition énergétique a été mal entamée. Les 60% d’énergies renouvelables prévus en 2030 ne seront pas atteints. Le ministre Lesjongard reconnaît lui-même que la transition se fait lentement. Nous régressons et utilisons davantage de charbon et d’huiles lourdes. Nous nous retrouvons dans une situation où le CEB n’a pas un sou. Il est à genoux. Il vit sur les prêts garantis par le gouvernement. Or, le CEB a un rôle de facilitateur dans le pays. Sans électricité, le port, l’aéroport et le pays ne fonctionneront pas.
Certains milieux se plaignent du monopole du CEB dans la vente de l’électricité dans le pays. Qu’en pensez-vous ?
Le CEB dispose du réseau de distribution. Il n’y a rien de méchant à ce sujet. Ce qu’il faut c’est un équilibre entre l’énergie produite par le privé et le public afin que l’État ait un contrôle sur la production d’énergie et la distribution des énergies. Le CEB a travaillé pendant longtemps avec des Independent Power Producers. Un CEB fort peut rendre beaucoup de service à la population et à l’État. Il peut avoir une vision et assurer son développement ainsi que la Security of Supply. Malheureusement, le CEB est à genoux et le ministre Lesjongard ne fait rien pour résoudre ses problèmes en termes de personnel, de service et de réseau. Le gouvernement a dit qu’il donnera Rs 2 000 à 45 000 familles privées d’électricité pendant 12 heures lors du passage de Belal.
Combien de familles ont bénéficié de cette aide? Or 80 000 familles ont été touchées par le petit cyclone Belal pendant plus de 12h. Ce qui veut dire que notre réseau est à risque. Si rien n’est fait et si par malheur nous avons un cyclone un peu plus fort que Belal, le réseau sera à terre et le pays connaîtra un black-out complet.
Actuellement, il n’y a pas de maintenance du réseau. Ce qui explique qu’il y a des fautes régulières dans les transformateurs. Le ministre Lesjongard a failli dans sa tâche complètement en termes de transition énergétique. Il a détruit tout ce que Collendavelloo avait fait en investissant Rs 1,5 milliard. Pendant le cyclone, beaucoup de régions ont été privées d’électricité en raison des branches. Ce qui veut dire que le Tree Lopping n’a pas été fait professionnellement alors qu’un budget de Rs 200 millions est prévu à cet effet.
Quel est votre mot de la fin?
Il y a de nombreuses questions auxquelles les membres du gouvernement devront répondre à la rentrée parlementaire. Ils devront rendre des comptes avec les prochaines élections générales y compris sur la Silver Bank. Il semble que Rs 800 millions seront jetées à l’eau. Pravind Jugnauth devra expliquer comment cette banque a eu sa licence alors qu’elle était interdite ailleurs. Atann parlman ouver ou pou trouve.
« Il faut avoir de la sympathie pour lui (Hurdoyal) bien que nous ne soyons pas du même bord politique. Je respecte son courage politique de n’avoir pas hésité à démissionner deux jours après avoir été révoqué. »
« Le pays est mûr pour les élections générales. Pravind Jugnauth bluffe avec son élection partielle. Je crois qu’il n’y a pas une personne à Maurice qui croit à une élection partielle à quelques mois de la dissolution du parlement. Le pays demande des élections générales parce que le pays est Anbalao »