Depuis l’avènement du gouvernement de l’Alliance du Changement à l’issue des élections législatives du 10 novembre, un secteur a littéralement accaparé tout le temps des nouveaux dirigeants du pays : la diplomatie. Mine de rien, elle a monopolisé le temps et les ressources disponibles en tous genres au niveau du Prime Minister’s Office, du Deputy Prime Minister’s Office et de l’Attorney General’s Office. Et cela sans compter le ministère de tutelle, soit celui des Affaires étrangères.
Évidemment, il s’agit de la diplomatie, avec les différentes étapes de négociations intensives entre Port-Louis et Londres sur le Chagos Much Better Deal, reléguant au second plan le Chagos Draft Political Agreement du 3 octobre, rendu public juste la veille de la dissolution de l’Assemblée nationale pour ces mêmes élections.
Dès son installation au Treasury Building, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, avait en face de lui une liste de dossiers, les uns plus prioritaires que les autres, affectant le quotidien du Mauricien. La diplomatie pouvait attendre.
Néanmoins, l’urgence s’est fait et continue de se faire sentir. Dès la confirmation de la possibilité du Chagos Deal devant être signé entre Port-Louis et Londres, les vestiges du colonialisme sous différents habits se sont manifestés de manière véhémente avec des arguments à géométrie variable, allant de la non-consultation des Chagossiens ayant choisi de vivre sous le ciel britannique à la parade de la Port-Louis/Beijing Connection avec la dernière trouvaille : l’ombre de l’Iran sur Diego-Garcia.
Autant d’arguments avancés dans une tentative de retarder, pour ne pas dire geler, la fin du processus de décolonisation en Afrique. Le camp des Anti-Chagos Deal, avec un Nigel Farage, leader du UK Reform Party, se vantant de ses connexions, politiquement organiques, avec la nouvelle administration américaine de Donald Trump, aura-t-il déjà épuisé ses dernières balles en s’époumonant sur le danger venant de Chine, qu’il a dû décider, At the Last Resort, de sortir au fond de son sac l’ennemi juré des Américains qu’est l’Iran ?
Probablement, la réponse viendra cette semaine avec les premiers échanges outre-Atlantique entre le président Donald Trump et le Premier ministre, Sir Keir Starmer. Le suspense est de mise quant à la première réaction officielle de Washington aux propositions pour la restitution de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos et le bail de 99 ans alloué aux Américains pour Diego-Garcia.
En coulisses, face aux clameurs en tous genres avec un seul objectif, clore le dossier des Chagos Post-Advisory Opinion de la Cour internationale de justice de La Haye, le No 10 Downing Street laisse diplomatiquement transparaître sa confiance dans la bénédiction de Donald Trump au Chagos Deal.
Pas plus tard que dans la soirée de jeudi dernier, intervenant lors des débats à la House of Lords, la porte-parole du gouvernement britannique, Baroness Chapman of Darlington, soutenait que « we prioritised security and defence when we made our decisions », ajoutant en même temps que « it is far better to deal with that ahead of any binding ruling, where the UK was likely to lose support, than to wait for a binding ruling and negotiate from a position that would have been far weaker ».
À Port-Louis, la position du gouvernement de l’Alliance du Changement, avec en point de mire une No-Rush Policy entérinée depuis la fin de l’année dernière, se résume au paragraphe 14 de la Presidential Address, intitulé A Bridge to the Future: Restoring the sovereignty and territorial integrity of the Republic of Mauritius will be a major priority for Government.
Mais pour ce qui est de la revendication de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de Maurice sur les Chagos, ce pont demande à être solidifié sur le plan de la diplomatie. Le poids de l’Afrique et cette cohésion pour lutter en faveur de la complète décolonisation en Afrique, donc en faveur de Maurice, constituent un atout incontournable.
Maurice en a récolté des dividendes. D’abord devant la Cour internationale de justice de La Haye. Ensuite, avec la motion pilotée par le Sénégal devant l’Assemblée générale des Nations unies.
Mais aujourd’hui, la décision de la Southern African Development Community (SADC) de suspendre le statut de membre de la République de Maurice est un impair politique et diplomatique devant être corrigé dans les meilleurs délais. Dans la conjoncture, Maurice ne peut se permettre le luxe d’être un Outcast de ce puissant regroupement régional des États africains.
Et ensuite croire pouvoir solliciter l’appui effectif de l’Union africaine et en bénéficier comme ce fut le cas jusqu’ici.
En tout cas, raccommoder les liens politiques et diplomatiques de manière significative avec l’Afrique n’est nullement A Bridge Too Far, pour reprendre le titre du film de Sir Richard Attenborough, tourné en 1977.
La diplomatie demeurera encore une priorité, car il y va de l’honneur politique et diplomatique de la République de Maurice.