Un des arguments utilisés par le gouvernement pour imposer le Metro Express est le coût de la congestion routière sur l’économie du pays. Cependant, le gouvernement dans son
premier discours du budget en 2015 avait mis l’accent sur une politique sectorielle, consistant à décongestionner les accès urbains le long du corridor Port-Louis-Curepipe en construisant de nouvelles routes, échangeurs et ponts, entre autres, et connue comme le Road Decongestion Programme (RDP). Mais point de mention du système de transport de masse Light Rail Transit (LRT) ou Metro Express. Le RDP, version du gouvernement MSM/ML, ressemble au RDP version du gouvernement PTR/PMSD/MSM de 2005-2010 lorsque le LRT est abandonné. Un système de péage sur les routes congestionnées (Toll Road Project) et un Bus Rapid Transit avec bus lanes sur l’autoroute étaient aussi au programme entre 2005 et 2010. En 2009, le montant d’investissement total pour le RDP (incluant le Bus Rapid Transit) était estimé à près de Rs 25 milliards.
Rs 22 milliards pour le Road Decongestion Programme et Rs 20,9 milliards pour le Metro Express
Si on se réfère à la stratégie de transport intégrée de Halcrow Fox de 2001, la solution pour répondre à la congestion routière dans la conurbation Curepipe – Port-Louis est un système de transport de masse ; soit un Bus Rapid Transit (BRT) ou un Light Rail Transit (LRT) avec le LRT comme solution ayant un léger avantage. Mais la stratégie ne comporte pas de solution RDP tel que préconisée par les gouvernements PTR/PMSD/MSM et MSM/ML. La stratégie intégrée de 2001 propose comme projets de construction routière des mesures de contournement de la conurbation sur l’ouest, des mesures de contournement de Port-Louis à peu près équivalentes au Ring Road et à la route Verdun-Terre-Rouge, ainsi qu’un pont sur la GRNO pour rallier l’autoroute M1 et contourner Port-Louis par la Ring Road.
Au cours de la législature 2010-2014, le gouvernement en place revient avec le LRT, abandonne le Toll Road Project, et maintient le « massive road investment programme ». En additionnant le coût des constructions RDP menées depuis une dizaine d’années et projetées, le chiffre total avoisine les Rs 22 milliards ; les Rs 8 milliards du Harbour Bridge abandonné ayant été remplacées par le coût d’autres projets, les surcoûts (cost overruns) associés à ce genre de projets infrastructurels, et par ceux des réparations de la route Terre-Rouge–Verdun d’une valeur de Rs 1,5 milliard à ce jour et de la Ring Road Phase I. Le coût du Metro Express, quant à lui, est estimé aujourd’hui à Rs 20,9 milliards.
Si un RDP, tel que proposé aujourd’hui, plus un système de transport de masse (LRT ou ME) ne figurent pas dans la stratégie de transport intégrée, est-ce qu’une étude a évalué si l’implémentation simultanée du RDP et du LRT/ME est justifiée économiquement et financièrement ? En l’absence d’une telle étude, de nombreuses questions restent sans réponse, et le public est dans le flou total quant à la cohérence entre l’ensemble des projets du RDP avec le LRT/ME.
Est-ce que le RDP et le ME sont complémentaires ou contradictoires ?
En 2015, lorsque le gouvernement actuel revient avec le LRT baptisé Metro Express, les projets du RDP non encore enclenchés qui ont un lien direct avec le Metro Express sont les suivants : l’upgrading du flyover à Ebène; la A1-A3 Link Road entre Coromandel et Gros-Cailloux ; l’échangeur à Coromandel et le pont sur la Grande-Rivière-Nord-Ouest (GRNO) pour relier la A1 à l’autoroute M1 au niveau de Sorèze ; l’échangeur au niveau de la rue Decaen à Port-Louis ; l’échangeur de Pont Fer Phoenix-Jumbo; la Ring Road Phase II et Phase III qui comprend le percement d’un tunnel dans la montagne (les 2 phases sont estimées à Rs 7,1 milliards).
Parmi les 19 stations du Metro Express, celles de Petite-Rivière, Nelson Mandela et de Beau-Bassin se trouvent dans la zone du réseau routier Coromandel/Gros-Cailloux ; celles de Vacoas, Phoenix et St-Jean/Trianon dans la zone du rond-point de Phoenix-Jumbo. Les habitants de Rose-Hill et de Beau-Bassin quant à eux auront le choix d’utiliser le réseau routier vers Coromandel ou vers Ebène pour rejoindre l’autoroute M1.
Les interrogations que soulève ce système de transport terrestre bi-modal (ME et voitures privées) sont nombreuses.
Si le RDP atteint son but de fluidifier la circulation et de réduire le temps de transport d’un point à un autre, où se trouve l’incitation pour un propriétaire de voiture de laisser son véhicule au garage ? L’extension et l’amélioration du réseau routier vers et de Port Louis offrent une flexibilité sans pareil pour un propriétaire de voiture ; pour quelles raisons délaisserait-il le confort de sa voiture pour prendre un feeder bus et le Metro Express (et inversement sur le trajet du retour) dont la vitesse moyenne serait faible, autour de 20–30 km/h selon certaines estimations (les autorités n’ont avancé aucun chiffre, se contentant de dire que la vitesse maximale serait de 85km/h) ? Pourquoi une personne habitant Belle Etoile, par exemple, délaisserait-elle sa voiture chez elle pour prendre un feeder bus pour rejoindre la station de Beau-Bassin ou de Petite Rivière alors qu’elle peut prendre le pont entre Coromandel et l’autoroute M1 ; idem pour un habitant de Beau-Bassin ?
Autres questions sans réponse : les feeder buses seront-ils payants, et dans l’affirmative, quel sera le prix des trajets ; les parkings aux abords des 19 stations de Metro Express seront-ils payants et quel sera le tarif éventuel ?
Le RDP n’impactera-t-il pas défavorablement sur le Metro Express en réduisant le nombre d’usagers potentiels de ce dernier ? Sachant que déjà, la masse critique d’usagers présente dans la conurbation desservie n’est pas encore acquise selon plusieurs observateurs, qui soulignent que dans les villes étrangères où existe le LRT, la population desservie est de 2 millions à monter. Les autorités ont-elles modélisé les impacts et interactions entre les différentes composantes du RDP et le Metro Express ?
Le public est en droit de savoir si les Rs 42,9 milliards représentant le coût combiné estimé du RDP et du Metro Express et dont il aura à rembourser la majeure partie ne constituent pas un gaspillage de fonds publics. Surtout que ce chiffre n’inclut pas les coûts environnementaux, sociaux et humains de ces projets.
A suivre : Les conditions de la réussite d’un Alternative Mode of Transport selon la stratégie intégrée de Halcrow Fox.