La décision de l’OCDE de placer Maurice sur la liste des pays présentant un risque élevé pour l’intégrité de la norme commune de déclaration (Common Reporting Standard) a permis à tout un chacun de prendre conscience du contexte difficile dans lequel opère Maurice dans ce monde globalisé. De la même manière que les citoyens mauriciens évoluent désormais sous très haute surveillance dans le cadre du Safe City Project, avec caméras haute définition dotées d’intelligence artificielle et capables de détecter instantanément l’identité des personnes ciblées, ou encore que les usagers de la route, en particulier les automobilistes et les motocyclistes, qui doivent suivre scrupuleusement le code de la route afin de se déplacer en toute sécurité et d’éviter des pénalités susceptibles de mettre à mal leur budget mensuel, la juridiction mauricienne avance sur la route du développement sous la haute surveillance des Big Brothers internationaux. La route qui doit nous permettre de sortir d’un pays à revenu moyen pour atteindre le niveau d’un pays à revenu élevé est pleine d’embûches. Nous n’avons pas le droit à l’erreur.
Chaque faux pas est dénoncé sans pitié au niveau international, mettant en péril l’image de marque que nous voulons projeter de notre pays à l’étranger. Nous devons nous plier aux exigences internationales, même si, souvent, nous pouvons avoir l’impression d’être mis injustement à l’index sous la pression des lobbies internationaux ou par des gens malintentionnés. Aujourd’hui, notre route est balisée par un nombre incalculable de normes et de protocoles définis par des organisations internationales et régionales. Aucun secteur économique, politique ou social n’est épargné, aucune activité locale ou internationale n’échappe aux critiques d’Esaamlg, de l’OCDE, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, des instances des Nations unies, de l’Organisation mondiale du commerce… Ajoutez à cela une pléthore d’indices, les uns aussi importants que les autres, comme ceux de Moody’s pour les banques. On doit également y ajouter l’indice de facilitation des affaires de la Banque mondiale, l’indice de compétitivité du Forum économique mondial, l’indice Mo Ibrahim de la Bonne gouvernance, l’indice de la perception de la corruption de Transparency international, le rapport d’Amnesty international sur les droits humains, celui du comité des droits de l’homme des Nations unies, les rapports du Département d’État américain sur les droits de l’homme et sur le trafic de personnes, le mécanisme d’évaluation par nos pairs de l’Union africaine… Sans compter que, dans un pays comme l’Inde, avec qui nous entretenons des relations privilégiées, ni le SEBI ni une section de la presse indienne ne ratent l’occasion de descendre notre pays à la moindre erreur ou si les autorités indiennes pensent que nous n’adhérons pas à leurs stratégies géopolitiques dans la région.
Dans ces rapports et indices, aucune différence n’est faite entre les grands et les petits pays. On fait peu de cas de la vulnérabilité des petits États insulaires en développement. Au contraire, c’est souvent le règne du plus fort. Qui peut en effet empêcher les États-Unis d’imposer des sanctions contre un pays parce qu’il n’adhère pas à leur stratégie ? Qui aura le courage de condamner et de sanctionner l’Arabie saoudite après la disparition de Jamal Khashoggi, qui s’est volatilisé l’intérieur du consulat de ce pays en Turquie ? Même à Maurice, à l’exception du MMM, tous les autres partis, en particulier ceux actuellement au pouvoir, restent étrangement très silencieux. Tout cela pour dire que la gestion d’un pays nécessite beaucoup de rigueur, de discipline, de compétences et de professionnalisme. D’où l’importance d’institutions solides et crédibles capables de prévenir et d’éviter des pièges. Et surtout d’avoir une équipe capable de s’assurer que les bonnes mesures soient vulgarisées au niveau des instances et institutions appropriées à l’international. Jean Marc Poché