Les temps ont vraiment changé

C’est le cas de le dire. Les temps ont vraiment changé. Que ce soit dans le monde entier, ou encore dans cette partie du bassin de l’océan Indien. Il faut s’en rendre compte. Les faits sont indéniables. Les îles des Mascareignes, notamment Maurice et La Réunion, subissent l’une des pires sécheresses de ces dernières années.

- Publicité -

À Maurice, le début de ce mois de février aurait dû détenir la clé pour remettre les réservoirs à niveau, non seulement pour la saison estivale, mais aussi pour assurer sans ambages les besoins en eau potable et autres de Maurice jusqu’à la fin de l’année.

Mais en ce mois de février 2025, la population doit se préparer à la pire expérience en matière de fourniture d’eau. Faute d’au moins deux jours d’affilée de grosses pluies, susceptibles de remonter le niveau du stockage d’eau à hauteur de 50 %, les autorités mettront en vigueur un plan drastique de coupures d’eau, tout en gardant l’espoir de la concrétisation d’une saison de grandes pluies vraiment tardive.

Pourtant, les bandes de nuages accompagnant la dépression tropicale n° 7, qui ne sera même pas baptisée Faida — puisqu’elle ne le mérite pas — avaient entretenu une illusion en fin de semaine. Finalement, le passage de ce phénomène d’Est en Ouest de l’océan Indien — comme ça a été le cas de Chido ou encore Dikiledi — se conjugue en désillusion. En plus, ces phénomènes climatiques évitent de descendre sous la latitude 20° Sud pour arroser les îles des Mascareignes.

Depuis l’arrivée de l’été austral, Maurice aura attendu en vain cette manne pluvieuse. Mais force est de constater que les temps ont changé. Ce n’est plus comme auparavant.

Les aînés, ou encore ceux qui sont férus d’histoire auront encore en mémoire ce que fut la période du 1er au 6 février 1975. La catastrophe Gervaise avait balayé l’île du Nord au Sud avec des rafales atteignant une pointe de 280 km/h, enregistrées à Mon Désert. La moyenne des rafales était de l’ordre de 100 à 120 km/h.

Bonjour les dégâts. Mais pour l’eau, les réservoirs affichaient complet, avec notamment 573 mm de pluies enregistrées à Alma en 24 heures.

Le bilan était des plus lourds. Gervaise, qui avait fait également dix victimes, avait mis littéralement le pays à genoux. Les images d’archives des dégâts à travers l’île donnent froid dans le dos et ravivent des détails de ce cauchemar de cette nuit du 5 au 6 février 1975. Compte tenu des conditions de logement de l’époque, il n’y a pas une famille qui aura dormi à poings fermés.

Personne ne pouvait rien contre les éléments de cette nature déchaînée, qui avait pris naissance le 1er février 1975 au Sud de Diego Garcia. Tiens, celui-ci est encore et toujours d’actualité 50 ans après.

La gifle Gervaise administrée à Maurice a été cinglante, mais tout aussi bien salutaire. Le parc de logements, aujourd’hui présentés comme des logements sociaux, allait subir une nette transformation avec des constructions en béton pour une meilleure protection contre les cyclones. Une sécurité non négligeable.

Mais l’héritage qu’a laissé Gervaise est ce sens de solidarité entre Mauriciens pour remettre leur pays debout. Les Américains de la base militaire de Diego Garcia ont été les premiers à accoster Port-Louis avec leur logistique post-calamité. Leur apport pour la remise en ordre de l’infrastructure, soit réseau d’électricité et de télécommunications, entre autres, a été déterminant.

Mais ce sens de solidarité, pour venir en aide à son voisin, bien que soi-même ayant été victime du passage de Gervaise, était tangible à travers l’île. Cette dimension du partage dans la détresse, As One People, As One Nation, constituait la fibre pour le programme de reconstruction et la réhabilitation post-Gervaise.

Le symbole de cette volonté d’entraide s’était manifesté parmi ce groupe de jeunes, étudiant à l’Université de Maurice à l’époque. Ils faisaient partie de l’élite post-indépendance. Certes, il faut le dire. L’un des principaux animateurs, Raj Madhoo, encore étudiant, allait par la suite grimper les échelons de la hiérarchie au sein de la fonction publique, pour conclure sa carrière aux fonctions de Secretary for Home Affairs.

Ces jeunes étudiants avaient délaissé les amphithéâtres du campus du Réduit pour descendre sur le terrain, outils d’ouvriers en mains. Objectif : aider à reconstruire des maisons complètement rasées.

Chaque week-end, rendez-vous était pris. L’administration de l’Université de Maurice avait mis le bus à la disposition de ces étudiants volontaires. Un jour Canot à côté de Petite-Rivière à l’Ouest. Un autre jour Vieux-Grand-Port au Sud-Est. La liste des endroits identifiés pour la démonstration de cette solidarité à toute épreuve est longue.

Ceux qui étaient de ces expéditions ont aujourd’hui 70 ans. Les temps ont bien changé. Avec le changement climatique aux effets dévastateurs, la solidarité post-catastrophe pourrait ne servir à rien.

La sévère sécheresse et le niveau des réservoirs sous la barre du seuil critique de 40 % imposent une attitude altruiste en anticipation, car l’heure est grave au robinet. Demain ne pourra exister sans l’eau qui coule, même si l’on peut se réveiller au lendemain du passage d’un cyclone…

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour