30 mars 2013 – 30 mars 2018 : cinq années se sont écoulées depuis que les vies de 11 Mauriciens, Sylvia Wright, et son fils, Jeffrey, Keshav Ramdharri, les frères Amrish et Trishul Tewary, leur cousin, Vikesh Khoosye, Simon Henriette, Rabindranath Bhobany, Vincent Lai Kin Wong Tat Chong, Retnon Sithanen et Christabel Mooghen, se sont arrêtées. Et avec leur disparition, dans des circonstances atroces; voire, indicibles pour certains, l’existence de leurs parents et proches a été à tout jamais bouleversée.
Une rupture, brutale, inattendue, inimaginable, s’est produite. Plongeant irrémédiablement ces pères et mères, époux et épouses, fils et filles, sœurs et frères des disparus, autant que leurs proches, dans un abysse. Avec leurs seules larmes comme armes de défense. Les années passent, mais leurs plaies demeurent béantes. Cinq ans et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts… C’est bien le cas de le dire !
Et ce n’est pas que sous les ponts que l’eau a coulé depuis ce début 2018; mais bien dans nos rues, dans nos villes comme dans nos villages. Et pas qu’à Port-Louis, mais à travers l’île. Les innombrables déplacements des pompiers, sollicités à tour de bras, tantôt pour évacuer des maisons, tantôt des écoles, en attestent. En témoignent également ces centres communautaires, entre autres, transformés en centres de refuges pour des familles entières habitant des régions à risque. Cette année, les pluies ont été très fortes et denses; ramenant dans l’actualité et le quotidien des milliers de Mauriciens, le spectre d’une montée des eaux dangereuses, sinon fatale…
Si l’on ne déplore heureusement pas de mort d’homme, depuis ce 2 janvier 2018, avec cette saison des pluies qui a été particulière, en revanche, cela ne devrait pas nous brouiller la mémoire. Sylvia et Jeffrey Wright, Keshav Ramdharri, les frères Amrish et Trishul Tewary, leur cousin, Vikesh Khoosye, Simon Henriette, Rabindranath Bhobany, Vincent Lai Kin Wong Tat Chong, Retnon Navin Sithanen et Christabel Mooghen sont morts dans des circonstances très peu courantes. Et avant eux, à Mont Goût, Pamplemousses, en 2008, les trombes d’eau avaient fait plusieurs autres victimes… Quelles leçons ont été tirées de ces drames ? Quelles mesures, concrètes et anticipatrices, dans l’immédiat et dans le temps, ont été préconisées par les autorités ? Comment survivent les familles des victimes ? Quelles leçons la société civile a-t-elle retenues ?
Quelques développements ont eu lieu, dans la capitale. Mais est-ce suffisant ? Alan Wright, qui a perdu femme et fils dans ce «flash flood», qualifie les 11 morts de mars 2013 d’« apôtres de Maurice ». Des déclencheurs, des catalyseurs de la mémoire autant que du développement infrastructurel. Car une chose est sûre : si toutes les conditions et règlements avaient été respectés, ces morts auraient peut-être pu être évitées…
Par exemple, si les Mauriciens arrêtaient de prendre nos canaux, cours d’eau et rivières pour des «dumping grounds», l’issue du 30 mars 2013 aurait pu être autre. Si les autorités qui gèrent le tunnel du Caudan, le parking souterrain du Harbour Front et le Ruisseau du Pouce avaient été plus strictes et vigilantes, peut-être que les vies qui ont été emportées par les eaux déchaînées auraient été épargnées. Hélas !, force est de constater que cinq ans après, les mauvaises habitudes perdurent. Les travaux d’assainissement et de nettoyage ne sont pas toujours réguliers. Attendons-nous qu’une autre catastrophe survienne pour réagir ?
Pravind Jugnauth, qui s’est joint aux parents des victimes au Caudan, hier matin — politisation de l’événement, ou pas — joue à fond la carte du citoyen respectueux de ses devoirs civiques. Il avait participé à une campagne de ramassage d’ordures, souvenez-vous, gants et bottes de caoutchouc à l’appui. Exercer une vigilance plus accrue sur ceux qui dérogent aux lois et encouragent les mauvaises pratiques, comme obstruer les cours d’eaux avec des déchets et ordures, et le non-respect des règles de base de la construction n’est qu’un début. Encore faut-il des études calibrées et scientifiques, un peu partout dans l’île, dorénavant, pour dresser un tableau réel des zones à risques dans le pays, afin d’y ériger des structures destinées à éviter des éventuelles montées des eaux. Et dans la foulée, refaire l’éducation civique d’un grand nombre d’entre nous en ce qu’il s’agit de discipline et de respect de l’environnement.
Mais n’est-ce pas trop demander à ceux-là même qui ont accepté de sacrifier notre faune et notre flore — la mutilation de la promenade Roland Armand à Rose-Hill — au profit d’un développement dont on ne comprend toujours pas l’urgence ?