Le tueur silencieux

Si entre sept et dix millions de personnes décèdent chaque année du fait de la pollution de l’air, dont 500 000 rien que pour avoir été trop longtemps exposés à l’ozone, il est un autre tueur aussi invisible que ne l’est ce dernier : le réchauffement planétaire. Car, et c’est une évidence, quand les températures grimpent, le nombre de décès suit la même courbe ascendante. Tout comme il est aujourd’hui indéniable que la planète enregistre, année après année, de nouveaux records de chaleur. Ainsi les experts rappellent-ils que le stress thermique est, de tous les phénomènes climatiques, celui qui tue le plus, avec près d’un demi-million de morts par an. Et encore, ne tenant en compte que les relevés officiels.
Depuis le début de l’année, les records de température ne cessent de tomber les uns après les autres partout à travers la planète, y compris donc dans l’hémisphère nord, particulièrement touché. Le mois de mai dernier aura même été le plus chaud jamais enregistré, faisant craindre le pire pour le dernier semestre de l’année. Ainsi, dans une récente animation révélant les régions les plus exposées aux chaleurs extrêmes et couvrant la période du 15 au 25 juin 2024, la Nasa montre un globe d’un rouge vif sur plus de 80% de sa surface. Histoire de mettre en image une réalité qui, bien qu’échappant à l’œil, s’avère être bien physique. Avec un Delhi affichant 35,2 °C en pleine nuit le 18 juin ou encore un 49 °C dans la région de La Mecque (avec les funestes conséquences que l’on connaît).
Pour autant, ce lourd tribut humain payé au changement climatique ne pèsera vraisemblablement rien face aux projections pour les décennies à venir. Car en termes de taux de mortalité induit par les hausses de températures, les chiffres, déjà alarmants en l’état, risquent de rapidement exploser. Ainsi, si environ 14% de la population mondiale âgée de 70 ans et plus vivaient en 2020 dans des zones où la température moyenne dépassait de 10 °C les limites de la dangerosité, d’ici les 25 prochaines années, nous devrions dépasser les 23%. À ce titre, il est bon de rappeler qu’en ce qui concerne notre espèce, les scientifiques ont fixé la température létale à 42 °C. Au-delà, l’on atteint les limites physiques de ce que le corps humain peut supporter en termes de combinaison température-humidité.
Face aux réalités chiffrées, les solutions ne sont pas légion. Soit nous revoyons de fond en comble les codes de notre fonctionnement socio-économique en réduisant drastiquement notre dépendance aux ressources non nécessaires, soit nous nous accommodons des nouvelles donnes climatiques. Or, au vu des piètres avancées constatées en termes de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre (GES), il semble évident que nous nous dirigeons davantage vers les mesures d’adaptation. Ce qui est non seulement un non-sens dans la conjoncture, mais constitue même ce que l’on pourrait appeler un « génocide assisté ».
Pour preuve, et pour en revenir à la hausse graduelle des températures, les « spécialistes » de l’adaptation au réchauffement climatique appellent à « multiplier les logements de haute qualité équipés de climatisation » et à adopter des mesures préventives, tels que d’éviter de sortir aux heures les plus chaudes et boire régulièrement. Dès lors, il paraît clair que ces mêmes experts condamnent de facto une bonne partie de la planète. En d’autres termes, tous ceux qui, aujourd’hui déjà, ne peuvent s’offrir la clim ni n’ont un accès constant à l’eau potable. Dit autrement : ces mesures ne s’adressent qu’aux seuls pays développés (et encore). Pour les autres, ce sera l’enfer, et puis tant pis !
À ce titre, rappelons que l’Accord de Paris sur le climat prévoyait une hausse limite de +2 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle, et que nous n’en sommes pas loin, la limite ayant même déjà été franchie fin 2023. Dans le même ordre d’idées, il est admis que si nous ne réduisons pas nos émissions de GES, nous pourrions atteindre un dangereux +3,2 °C d’ici les prochaines décennies à l’échelle mondiale, avec des pics par endroits (comme en France) à +4 °C. Sachant qu’une simple hausse de deux degrés multiplierait par cinq le nombre de décès, on imagine sans peine à quel point il sera impossible de garder intacte toute la diversité du vivant. Quand on vous disait que le changement climatique était un tueur silencieux…

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Michel Jourdan

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