Le monde de l’art

Hubert Joly,

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Conseil international

de la langue française, Paris

Un des très rares avantages de la vieillesse est qu’étant détaché des tâches quotidiennes de la vie active, l’esprit peut vagabonder enfin et aborder des sujets de préoccupation qui lui étaient, jusqu’alors, demeurés à peu près étrangers. Je veux parler du monde de l’art dans lequel il est vrai que le commun des mortels ne s’aventure pas souvent et dont, de fait, il ignore combien il est vaste et immensément riche. Or, notre époque a le privilège de disposer de toutes les ressources de l’Internet pour pouvoir, en quelques clics, voyager du Machu-Picchu à Angkor et de la vallée du Nil au Parthénon sans oublier les bronzes d’Ifé au Nigéria, Zurbaran, les ivoires des Inuits et, bien entendu, tous les autres.

Sans mésestimer les arts de l’immense Asie si variée et si prolifique, je cantonnerai mon évocation à ce que je connais le moins mal, la civilisation européenne, à un sens très large, puisqu’elle englobe la Mésopotamie et l’Egypte qui sont de l’autre côté de Suez. Pour nous, Européens, nous commençons plutôt à la Crête et à Cnossos pour vraiment nous épanouir dans les drapés et les nus de la Grèce antique. Après Alexandre et les Ptolémées, on arrive vite à l’Empire romain qui nous donne son architecture, ses cirques, ses arènes, ses voies, ses thermes. Plus européo-centriste, le monde roman se développe surtout en Gaule et en Germanie, le gothique en France et en Grande Bretagne, l’explosion de la Renaissance italienne inondera toute l’Europe au moins pendant cinq siècles jusqu’à pousser des bourgeons en Amérique latine. La guerre de 1914-1918 changera à nouveau notre petit monde avec des retombées excellentes ou exécrables pour toute la planète. Mais, malgré tout, il nous reste un immense espace, aussi bien réel que virtuel, pour nous permettre d’explorer, de gouter et… d’enrichir ce monde de l’art, parfois même de tenter de le sauver.

Dans tous les méandres qu’il nous faut parcourir, on ne peut manquer de faire preuve de boulimie, de vouloir tout voir, tout savoir, tout dévorer. Et, on peut être amené à se poser des questions qui ne sont sans doute pas existentielles : Michel-Ange est-il un plus grand artiste que Lorenzo Bernini ou le contraire ? Mais la question est peut-être idiote… Importe-t-elle ? Ce qui compte c’est que l’Italie a donné naissance à deux génies exceptionnels et qu’on pourrait aussi en trouver ailleurs d’autres d’un calibre analogue.

Ce qui compte encore c’est de nous donner, par la culture, la capacité de les admirer et de nous en nourrir, d’en rassasier et d’en abreuver ceux qui nous côtoient, de façon qu’ils puissent profiter de cette immense ressource à laquelle notre monde informatisé nous permet désormais d’accéder. Il existe des quantités de vidéos et de conférences d’un grand intérêt pédagogique sur beaucoup de sujets. Dans un domaine qui est plus proche de moi comme l’Italie et la France des XVIe et XVIIe siècles, je citerai deux noms, celui d’Hector Obalk pour ses travaux de comparatiste photographique qui mettent merveilleusement en lumière les manières, le style et le génie des grands artistes et celui de Nicolas Milovanovic, conservateur au Louvre, qui fait un tableau éblouissant de l’art au XVIIe siècle. Il y en a bien d’autres… Si j’avais à donner des conseils, ce que je n’aime pas trop faire car La Rochefoucauld dit qu’il faut se méfier des conseilleurs, je suggèrerais à ceux que la curiosité pourrait pousser vers l’art d’aller patrouiller sur Internet. S’ils en ont le gout, ils trouveront plus d’informations sur les arts que Louis XIV ou Ramsès II n’en ont jamais eues. Pour s’initier aux arts, il me semble que le spectacle de la nature (tropicale ou autre) est un bon début : de son admiration, on peut passer à l’art, c’est-à-dire à la beauté que les humains sont capables de lui ajouter : le tatouage d’un crâne maori, les fresques des grottes de Lascaux ou Cosquer, l’enroulement d’une feuille d’acanthe en bronze doré, l’art peut tout transfigurer. Un berger de marbre de Marly jouant de la flûte a peut-être plus d’avenir que la plus grosse fusée de M. Musk…

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