Les scandales se suivent, mais ne se ressemblent pas. Les turfistes ne s’étaient pas encore remis de ce qui se passe au Champ-de-Mars – dont des personnes proches du pouvoir, notamment un bookmaker, s’apprêtent à prendre le contrôle des courses hippiques – que voilà que la population se retrouve maintenant devant les images d’actes de tortures, en circulation depuis une semaine. Cela fait très longtemps que les brutalités policières, qui jusqu’ici ont causé la mort de plusieurs personnes – dont la plus connue est le chanteur Kaya –, sont dénoncées aussi bien à Maurice qu’à l’étranger. Le rapport sur les droits de l’homme, publié annuellement par le département d’État américain, en fait état régulièrement. Mais personne n’avait pu imaginer le niveau de barbarie à laquelle pouvait descendre toute une section de la police pour pousser leurs suspects aux aveux.
La condamnation unanime, venant de toutes les personnalités politiques, aussi bien du gouvernement que de l’opposition, mais aussi des religieux et d’organisations des droits de l’homme et socioculturelles, sont à la mesure de l’horreur dont la population est témoin. « Avec la population, j’ai été horrifié par les tortures infligées par des membres de la force policière à des citoyens qui étaient sous leur garde », lance ainsi l’évêque de Port-Louis. Ce faisant, il dénonce la violation effrayante des droits humains élémentaires par les autorités policières, supposées faire respecter le droit, « et qui plonge la population dans un sentiment d’insécurité », dit-il.
« Impossible de visionner ces horribles vidéos sans éprouver un sentiment profond de dégoût et de révolte quand ceux censés protéger les citoyens deviennent des tortionnaires », lance pour sa part le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval. Quant au Premier ministre, Pravind Jugnauth, il a lui aussi, à plusieurs reprises, affirmé que les officiers qui ternissent l’image du pays seront punis. Hier, le leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, se disait de son côté « choqué », qualifiant ces actes de barbarie de « révoltants, dégoûtants et révulsifs ». Avant de dire condamner de tels actes « sans réserve ». Tous les autres leaders politiques ont parlé dans le même sens.
La torture, comme le fait ressortir le Conseil des Religions, et ce, quelles que soient les circonstances ou l’époque où elles se produisent, « constitue une dérive sérieuse et grave ». Elle est non seulement une violation des droits de l’homme, garantie par la Constitution de Maurice, poursuit-il, « mais elle déshumanise aussi les victimes ».
Il est évident que les actes barbares commis par un groupe d’officiers doivent provoquer un sentiment d’embarras, voire de honte, chez la majorité des officiers, qui sont intègres et ont le sens du devoir et du respect vis-à-vis de la population, qu’ils ont pour mission de protéger. C’est d’ailleurs sans doute pour ne pas répondre à des questions embarrassantes que les journalistes n’ont pas été admis mercredi dans l’enceinte du Gymkhana, où se déroulait la cérémonie destinée à annoncer la promotion de quelque 700 officiers. Davantage de policiers impliqués dans ces actes horribles ont été arrêtés.
Mais au-delà des condamnations verbales, le public s’attend à ce que des actions concrètes soient prises pour que tous les coupables, sans exception, reçoivent une punition exemplaire. Personne n’a en effet confiance dans le fait que la police enquête sur leurs propres pairs. Il est d’ailleurs rare que ce genre d’enquête débouche sur des résultats concrets. Raison pour laquelle plusieurs propositions ont été formulées par les partis de l’opposition.
L’équipe d’avocats des Avengers ainsi que les dirigeants de Linion Pep Morisien (LPM), dont Bruneau Laurette, continuent de leur côté leurs actions afin de faire la lumière sur ce qui s’est passé. Les dirigeants de l’Entente de l’Espoir, eux, ont réclamé cette semaine l’institution urgente d’une commission d’enquête, présidée par un ancien chef juge. Quant au leader du Ptr, il ne partage pas cette proposition, qui « risque de prendre un temps infini », dit-il, et réclame des mesures urgentes, comme l’institution d’une enquête judiciaire par le DPP.
Il revient par la même occasion à la charge concernant la présentation et l’adoption du Police and Criminal Evidence Bill afin, dit-il, de se prémunir contre ces actes horribles, car la transparence dans la conduite des enquêtes est essentielle. Une chose est sûre, l’institution policière en a pris un sacré coup.