Laborieux redécollage !

La sortie d’Air Mauritius de l’administration sous laquelle la compagnie aérienne avait été placée depuis mars 2020 a été accueillie de part et d’autre avec soulagement. Il semblerait que les administrateurs aient entendu la voix de la raison, car prenant en compte l’importance de MK comme transporteur national, il était totalement déraisonnable de convoquer le “watershed meeting” pour janvier, alors que l’ouverture des frontières aux touristes et aux autres voyageurs a lieu ce 1er octobre.

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Pour les profanes en la matière, un “watershed meeting” est une assemblée des créanciers convoquée par les administrateurs volontaires pour décider de l’avenir d’une société et, en particulier, de la question de savoir si la société et les créanciers doivent exécuter un titre de convention de société. Dans le cas présent, les créanciers étaient appelés à approuver un plan de remboursement. Les créanciers avaient été divisés à cet effet en trois catégories, soit : 1) les sociétés de leasing d’avions; 2) les “hedges counterparties” et; 3) la masse générale des créanciers. Le plan de remboursement, lui, s’établit comme suit ; 35% du montant des créances à la catégorie 1, 60% de celui à la catégorie 2 et 50% pour la catégorie 3, payables d’ici le 31 octobre. Il a été approuvé par une majorité des créanciers présents.

Cette sortie n’est toutefois que la fin d’une étape. Pour le Premier ministre, Pravind Jugnauth, il y avait un choix à faire entre, soit le sabordement de la compagnie aérienne nationale, soit son sauvetage afin qu’elle puisse poursuivre sa mission. « Nous avons fait ce que nous pouvons pour sauver cette compagnie », s’est-il réjoui. L’heure est désormais au bilan du travail abattu par les administrateurs, avant de tracer les voies que devrait adopter la compagnie pour les années à venir.

En termes de bilan, les administrateurs se contentent de dire qu’ils sont restés concentrés sur la tâche à accomplir pour que la compagnie puisse poursuivre ses activités à court terme et rester viable à moyen terme et au-delà. Pour eux, le fait qu’Air Mauritius ait survécu à la pandémie de Covid-19 témoigne de l’engagement et des sacrifices consentis par les différentes parties prenantes de l’entreprise, et que la société dispose désormais d’une base commerciale plus solide pour faire face aux défis qui l’attendent.

L’opposition, de son côté, ne l’entend pas de cette oreille et veut savoir si les contribuables ont obtenu “value for money”. Les administrateurs, observe-t-elle, ont déjà touché un pactole de Rs 47 millions, et les services aux compagnies auxquelles ils ont eu recours s’élèvent à Rs 111 millions. Les noms de ces compagnies sont d’ailleurs réclamés. Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, se demande ainsi comment les pertes de Rs 2,5 milliards enregistrées par Air Mauritius avant l’arrivée des administrateurs sont passées à Rs 9,5 milliards aujourd’hui. Il veut aussi savoir pourquoi les appareils d’Air Mauritius ont été vendus pour « dipin diber ». Arvin Boolell, pour sa part, réclame un débat à l’Assemblée nationale.

Quant à l’avenir, le Premier ministre, avant de donner des détails sur les mesures que compte prendre le gouvernement, a fait comprendre qu’un travail colossal doit être abattu. Dès le lendemain du “watershed meeting”, il a corrigé la décision prise par les administrateurs de mettre 18 pilotes en congé sans solde de cinq ans. Au dire des bénéficiaires, c’est un bon signal pour l’avenir.

Mais on n’est toujours pas sorti de l’auberge. On assiste en effet à une levée de boucliers contre l’inclusion d’Air Mauritius dans un conglomérat qui comprend également Airports of Mauritius, l’Airport Terminal Operations Ltd et Mauritius Duty Free Paradise. Plusieurs commentateurs, dont l’ancien ministre des Finances Rama Sithanen, réclament ainsi qu’Air Mauritius soit une compagnie autonome, avec un conseil d’administration et un CEO véritablement indépendant et libre de toute pression gouvernementale et politique.

Plus important encore, les contribuables veulent savoir comment les Rs 12,5 milliards que le gouvernement injectera seront dépensées et si cela se fera en toute transparence. Il y a donc du pain sur la planche. Souhaitons qu’Air Mauritius puisse reprendre son envol dans l’intérêt de la compagnie, de ses employés et de l’économie mauricienne dans son ensemble.

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