La croissance des inégalités

Diplal MAROAM

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Classée actuellement septième au niveau mondial, l’économie indienne devrait, dès cette année, se hisser à la 5e place, reléguant ainsi la France et le Royaume-Uni à la 6e et 7e place. C’est, en tout cas, ce que révèle une étude de recherche publiée fin décembre 2017 par le Centre for Economics and Business Research (CEBR) de Londres. Cependant, si cette progression économique, à l’œuvre depuis plusieurs années, ne constitue pas vraiment une surprise car bénéficiant, entre autres, du dividende démographique intimement lié à une main-d’œuvre relativement jeune et abondante mais aussi à un marché interne d’environ 1,2 milliard de personnes, la Grande Péninsule demeure néanmoins une des économies les plus inégalitaires de la planète. En effet, avec plus de 60% de la population vivant avec moins de USD 2 par jour et environ 10%, détenant plus de la moitié des richesses du pays, la plus grande démocratie au monde est aussi la plus imparfaite.

Certes, la révolution digitale a permis de tirer vers le haut des millions d’Indiens mais l’écart entre les deux extrémités de l’échelle sociale reste toujours très important. Et si Narendra Modi, connu comme l’architecte du développement économique de Gujarat, État de plus de 60 millions d’habitants qui l’avait élu chef ministre en 2001 et qui a été porté au pouvoir au niveau national en 2014, dans une grande mesure par les votes des États les plus pauvres et des personnes exclues de la croissance économique, veut conserver sa majorité parlementaire aux prochaines législatives, il a intérêt à ne pas négliger une des promesses phares de sa dernière campagne, notamment, la réduction des disparités au niveau des États. Et de nombreux observateurs sont d’avis que la méthode la plus appropriée d’y parvenir est celle suscitant le ruissellement de la croissance vers toutes les couches sociales de la population. Dans ce contexte, un combat acharné contre la corruption, les « vested interests », le « red tapism », entre autres – fléaux qui ont énormément contribué à la déroute du parti du Congrès en 2014 – constitue un levier indispensable.

En ce qu’il s’agit de la Chine, autre géant asiatique, l’étude du CEBR indique qu’elle devrait ravir la première place aux États-Unis d’ici 2030. Mais la question toute légitime qui émerge est de savoir si cette progression économique entraînerait dans son sillage une réduction des inégalités dans le pays le plus peuplé au monde. Il convient de constater que si l’ouverture des frontières commerciales de la Chine dans le cadre de la mondialisation a permis d’améliorer la qualité de vie des millions de citoyens, elle a simultanément accentué la précarité dans le secteur du travail.

Que l’inégalité gagne du terrain dans le monde ne fait plus l’objet de débat. En effet, l’écart salarial et la concentration de la richesse n’ont jamais été aussi conséquents qu’ils ne le sont aujourd’hui. Un rapport de l’ONG Oxfam, publié le 22 janvier dernier en marge de la conférence de Davos, indique que 82% de la richesse créés l’an dernier ont été accaparés par 1% de la population de la planète. Alors que la tendance ces temps-ci est plutôt de restreindre au maximum le « welfare state » dans le cadre de la politique d’austérité généralisée, de socialiser les pertes et privatiser les gains, la croissance comme panacée contre l’inégalité et la précarité ne tient désormais plus la route. L’institution d’une économie inclusive requiert des mesures radicales fortes axées, entre autres, sur une politique de restructuration en profondeur de l’économie et du monde du travail incluant le système salarial et fiscal, etc. Il n’est plus possible, par exemple, de tolérer une évasion fiscale qui est à l’origine d’un manque à gagner de USD 170 milliards dans les pays en développement seulement, toujours selon le rapport de l’Oxfam.

Petit État d’Asie, perché dans l’Himalaya et manifestement conscient de l’insuffisance de la croissance économique dans le bien-être des peuples, le Bhoutan a introduit, quelques années de cela, le concept de Bonheur national brut (BNB) à la place du traditionnel PNB. Même si la voix de ce pays d’environ 700 000 habitants est complètement inaudible dans le concert des nations, doit-on pour autant balayer d’un revers de la main cette initiative inédite qui produit pourtant des résultats plus que perceptibles au niveau social ?

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