De l’ancien Attorney General, Ravi Yerrigadoo, poussé vers la porte de sortie, à la faveur de l’opération Dhobi de Klas avec le scandale BET365 à l’ex-Chairman de la Law Reform Commission et de la Gambling Regulatory Authority, Raouf Gulbul…
Une fois n’est pas coutume, 2017 représente une étape exceptionnelle dans les annales du judiciaire. Certes, dans le temps, il y a eu des cas de membres de la profession légale qui avaient eu maille avec la justice au point d’être radiés de l’Ordre des avocats. Il est vrai que cette année, qui s’achèvera ce week-end, n’a pas vu d’hommes de loi être sanctionnés aussi lourdement. Toutefois, des allégations, les unes plus graves que les autres proférées contre des hommes de loi, dont certains sont des Senior Members at the Bar, Politically Well-Connected, pèsent aussi lourd que les décisions qu’aurait pu prendre toute instance disciplinaire instituée par la Cour suprême aux termes des dispositions de la loi. Certes, deux exemples retiennent l’attention, à savoir la démission de l’ancien Attorney General, Me Ravi Yerrigadoo, dont le nom est cité aux premières loges de l’opération Dhobi de Klas avec la BET365 Saga, et l’ancien Chairman de la Law Reform Commission et de la Gambling Regulatory Authority, Me Raouf Gulbul – un des Seniors au sein du Legal Panel assurant la défense du Premier ministre, Pravind Jugnauth, dans l’appel logé au Judicial Committee of the Privy Council par le Directeur des Poursuites Publiques, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, dans l’affaire MedPoint. Devant la gravité de la situation, ces deux Senior Members at the Bar ont été contraints à soumettre leur démission.
Sans vouloir préjuger du dénouement des enquêtes, qui ont été initiées ou qui vont l’être à la suite de ces dénonciations, en cette fin d’année, un rappel des faits est des plus édifiants. Certes, les convocations devant la Commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême, Paul Lam Shang Leen, donnent le ton – « Avocats, levez-vous! ». L’audition de ces membres de la profession légale a permis de lever le voile sur certaines pratiques peu recommandables en vue d’assurer la protection des parrains de la drogue en détention ou en liberté. C’est vrai qu’en début d’année, avec les premiers détails émergents dans une partie de la presse, le Bar Council avait pris position pour dénoncer une « campagne contre la profession ». Mais l’étalage des faits devant la commission Lam Shang Leen ou ailleurs est venu prouver que « The House must be put in order ».
La tragédie politico-judiciaire de l’ex-AG, Ravi Yerrigadoo
L’ex-Attorney General du gouvernement de Lalyans Lepep, Ravi Yerrigadoo, qui avait échappé in extremis à des problèmes au début de 2015 après un premier affidavit portant sur la séquestration des représentants étrangers de Dufry, a été rattrapé cette année par un autre affidavit dans BET365 Saga de l’opération Dhobi de Klas. Le dénommé Mohamad Hussein Abdool Rahim est venu dénoncer, documents à l’appui, un réseau présumé de blanchiment de fonds à travers le système international de paris en ligne BET365, avec au moins un montant d’un million d’euros (Rs 40 millions) en jeu. Le nom de l’Attorney General Ravi Yerrigadoo avait été cité au premier plan de ce scandale politico-financier qui a mené à sa démission du gouvernement. Mohamad Hussein Abdool Rahim avait affirmé avoir effectué des déplacements à l’étranger sur les ordres de Ravi Yerrigadoo pour les besoins de ces missions alléguées de blanchiment de fonds. Quelques jours plus tard après avoir mis au jour ce scandale, le principal dénonciateur devait revenir sur sa version, pour cette fois déclarer avoir agi sous la pression de certaines personnes et de ce fait blanchir l’ex-Attorney General. L’enquête est en cours, avec un boulet au pied de l’ancien Attorney General selon une recommandation en date du 10 mars 2017, sous forme de blanc-seing légal et outrepassant les pouvoirs et prérogatives de l’Attorney General (voir document ci-contre). Les conclusions de l’expertise graphologique de ce document, à la demande des limiers du Central CID, sont considérées déterminantes pour la suite des événements….
Le lourd passé de Me Raouf Gulbul remonte à la surface
Candidat battu du MSM dans la circonscription de Port-Louis Maritime/Port-Louis Est (No 3) aux élections générales du 10 décembre 2014, Me Raouf Gulbul avait été propulsé dans le confortable fauteuil de Chairman de la Gambling Regulatory Authority et de la Law Reform Commission. Les multiples incursions à Lakaz Mama ou encore les retombées des opérations Pass Mop ar Sifon Sal n’ont pas donné les résultats escomptés, à savoir éviter à Me Raouf Gulbul une convocation formelle de la commission Lam Shang Leen.
Me Raouf Gulbul a été entendu à quatre reprises par Paul Lam Shang Leen et ses deux assesseurs, avec des questions portant sur des dénonciations de « devir lanket » dans des affaires de trafic de drogue avec pour objectif de protéger des trafiquants, dont Peroumal Veeren, ou encore sur les révélations de la Junior Tisha Shamloll, notamment concernant un voyage à La Réunion en sa compagnie. Raouf Gulbul a aussi eu à répondre à des questions au sujet du financement de sa campagne électorale au N° 3 pour les législatives du 10 décembre 2014, à propos, entre autres, du Big Black Bag, avec des « tracts électoraux à l’effigie de Sir Gaëtan Duval » (grosses coupures), déposé dans le coffre de sa voiture à l’issue d’une réunion avec un homme religieux à St-Pierre dans la nuit du 24 novembre 2014. Des allégations ont fusé à son encontre, même par ses pairs, ce qui l’a poussé à démissionner en tant que Président de la Gambling Regulatory Authority (GRA) et de la Law Reform Commission (LRC). Le chapitre du prochain rapport de la commission d’enquête consacré à Me Raouf Gulbul, est présenté comme un éventuel Best-Seller.
Tisha Shamloll, la Junior en vedette
Tisha Shamloll, dont l’audition devant la Commission d’enquête sur la drogue a été parmi les plus médiatisées, a fait des révélations accablantes sur son Senior, Me Raouf Gulbul. Cette jeune avocate, qui a prêté serment en 2013, est devenue du jour au lendemain le témoin vedette de la commission Lam Shang Leen après ses révélations sur le réseau de trafic de drogue. Si elle a à maintes reprises rendu visite à des parrains de la drogue à la prison de Beau-Bassin, elle a déclaré l’avoir fait sous les instructions de son mentor Me Raouf Gulbul. Devant la Commission, elle a soutenu qu’elle n’était qu’une jeune struggling barrister qui suivait les ordres de son Senior pour avoir du travail. La jeune avocate devait aussi évoquer sa relation avec Me Raouf Gulbul, tant sur le plan professionnel que personnel.
L’énigme Roubina Jadoo-Jaunbocus
Nommée ministre tout récemment, Roubina Jadoo-Jaunbocus est une avocate qui a aussi déposé devant la Commission de la drogue. Fait qui intrigue : elle a demandé à rencontrer des détenus, condamnés pour trafic de drogue, à 37 reprises en une seule journée à la prison centrale de Beau-Bassin, alors qu’elle n’avait eu l’autorisation que pour 17. Mais l’avocate n’a cessé de clamer qu’elle n’a fait que son travail. Elle avait été appelée à fournir des explications sur la maison qu’elle a achetée en 2016 au coût de Rs 9 millions. Roubina Jadoo-Jaunbocus a été la deuxième parlementaire issue des rangs du MSM à être convoquée après le Deputy Speaker Sanjeev Teeluckdharry.
Le recordman des « Unsolicited Visits » en prison
Après avoir beaucoup fait parler de lui l’année dernière pour ses honoraires pour le compte de l’ICTA, Me Kailash Trilochun a été présenté cette année comme celui qui détient le record des “Unsollicited Visits” à la prison. La liste des visites établies par le Visitors’ Office de l’administration centrale de la prison est extrêmement bien achalandée pour l’ex-homme de loi de l’ICTA, dont les honoraires sont calculés en dollars américains et qui fut un moment très proche du Sun Trust. Si la PPS Roubina Jadoo-Jaunbocus a pu rencontrer 37 détenus, principalement condamnés pour des délits de drogue, lors d’une visite à la prison, le beau-frère de Nando Bodha peut, lui, prétendre détenir le record avec 39 “Unsolicited Prison Visits” en une journée.
Les objections de Sanjeev Teeluckdharry
Le Deputy Speaker de l’Assemblée nationale, Sanjeev Teeluckdharry, n’a pas passé une audition de tout repos devant la Commission d’enquête sur la drogue présidée par Paul Lam Shang Leen. L’avocat voulait dans un premier temps demander l’annulation de son audition, cherchant l’appui de la Cour suprême pour faire état des agissements de la Commission d’enquête sur la drogue, qui n’a pas voulu lui communiquer les documents auxquels il serait confronté. Malgré une armada d’avocats en sa compagnie pour affronter le président de la commission, ce dernier ne s’est pas laissé impressionner et devait maintenir l’audition. Une audition assez houleuse qui a été marquée par de vifs échanges entre les deux hommes, avec des pauses fréquentes pour calmer les esprits. La Commission d’enquête devait lors de l’audition mettre l’avocat parlementaire en présence des unsolicited visits faites en prison et pour avoir été en contact à huit reprises avec le présumé parrain d’un important réseau de trafic de drogue, Rudolf Dereck Jean Jacques, alias Gro Derek.
Me Rex Stephen et les millions de Peroumal Veeren
En plus d’avoir été convoqué par la Commission d’enquête sur la drogue, Me Rex Stephen fait aussi l’objet d’une enquête de la commission anticorruption (ICAC) concernant une somme de Rs 1,5 M qui avait été déposée dans ses chambers à Port-Louis, provenant du trafiquant notoire Peroumal Veeren, en guise d’honoraires. L’homme de loi devait expliquer que Peroumal Veeren était bien son client mais qu’il n’avait pas réclamé un tel montant, et soutient en outre qu’il avait demandé à son ex-Chief Clerk de retourner l’excédent d’argent. Une version en contradiction avec celle de l’ex-Clerk. Me Stephen avait aussi été interrogé sur ses liens avec des détenus incarcérés pour délits de drogue, en l’occurrence Bibi Ameenah Noordally, belle-mère de Veeren, Jimmy Marthe, dit Colosso, le Canadien David Allan Stockhall, ou encore Jonathan Petricher, dit Tito. À L’ICAC, l’homme de loi, interrogé under warning, a donné sa version des faits aux enquêteurs et pris l’engagement de leur remettre la différence des Rs 748 500 qui avaient été restituées à son bureau lors d’une perquisition.