Le monde des paris à Maurice est secoué par une décision de la Gambling Regulatory Authority (GRA). Au cœur du conflit : la décision, annoncée le 17 mars, visant à interdire immédiatement les paris sur les courses hippiques étrangères et les matches de football internationaux via SMS, activité que SMS Pariaz Ltd opérait depuis plusieurs années avec l’aval des autorités de régulation précédentes. Cette interdiction, fondée sur le fait que ces activités ne sont pas couvertes par la licence de l’opérateur, a déclenché une bataille juridique qui pourrait redéfinir les règles du jeu.
Dans un communiqué officiel, la GRA a justifié cette décision en invoquant des « anomalies » dans le champ d’opération de la société de paris. SMS Pariaz Ltd ne disposait pas d’une autorisation valide pour proposer des paris à cotes fixes via SMS sur ces événements internationaux, en dépit des extensions de licence obtenues par le passé. L’équipe de Jean-Michel Lee Shim conteste cette décision devant la Cour suprême, arguant qu’elle bénéficie depuis plusieurs années de l’aval de la GRA pour ces mêmes activités. L’impact de cette interdiction d’un opérateur, autrefois gâté et pourri dans un environnement de dés pipés, est d’autant plus dur à avaler que la nouvelle autorité se veut « insoumise ».
GRA sous influence dans le passé ?
L’un des éléments clés du dossier repose sur les conditions dans lesquelles SMS Pariaz Ltd a obtenu ses autorisations successives. Pendant plusieurs années, l’entreprise a en effet bénéficié d’extensions de licence lui permettant d’élargir son activité aux paris par SMS sur des courses et matches internationaux. Ces décisions ont été prises sous l’administration de Dev Beekharry, alors à la tête de la GRA, et considéré comme proche de Jean-Michel Lee Shim, lui-même un bailleur de fonds attitré influent du parti au pouvoir à l’époque.
Le cadre légal avait évolué pour accompagner ces changements. En 2016, une modification de la Finance Act a élargi la définition de Sporting Event, permettant aux bookmakers de prendre des paris sur des événements étrangers. L’année suivante, un autre amendement a supprimé les restrictions limitant les licences aux courses locales. Enfin, en 2020, la loi a été amendée pour inclure explicitement les compétitions de football international dans la catégorie des événements sur lesquels des paris pouvaient être placés.
Toutefois, une faille juridique a émergé. Si la loi principale a bien été modifiée pour permettre ces activités, le Schedule correspondant, qui fixe les frais et les conditions des licences, n’a jamais été mis à jour pour refléter cette extension. En conséquence, SMS Pariaz Ltd a pu bénéficier de nouvelles opportunités de marché sans être soumise aux obligations financières et réglementaires correspondantes.
Un tournant
Avec la mise en place d’une nouvelle administration, la GRA semble adopter une approche plus rigoureuse. Elle estime aujourd’hui que les décisions prises sous l’ancienne direction ne reposaient pas sur une base légale solide et que les autorisations émises en 2017 et 2024 sont juridiquement nulles et non avenues. D’où la révocation de ces autorisations, en s’appuyant sur l’interprétation stricte du cadre légal actuel.
C’est cette nouvelle lecture qui a conduit à la publication des directives du 17 mars dernier, ordonnant à SMS Pariaz Ltd de cesser immédiatement toutes ses activités de paris sur les courses hippiques étrangères et le football international. Ce revirement soulève une question fondamentale : la GRA a-t-elle le pouvoir de revenir sur ses propres décisions antérieures, prises sous une autre administration ? Cette question est au cœur de l’action intentée par SMS Pariaz Ltd devant la Cour suprême.
Face à cette interdiction, SMS Pariaz Ltd refuse de se soumettre sans combattre. Elle estime que la GRA agit de manière arbitraire en revenant sur des décisions déjà entérinées, et que les autorisations obtenues en 2017 et 2024 sont parfaitement légales.
SMS Pariaz affirme que la GRA ne peut pas unilatéralement revenir sur ses propres décisions passées sans fondement juridique clair. Elle souligne également que cette interdiction met en péril plus de 300 emplois et pourrait entraîner la fermeture de son activité. De plus, elle rappelle que l’État risque de perdre une source de revenus importante, puisque l’entreprise verse chaque année environ Rs 150 millions sous forme de taxes et de licences.
Enfin, SMS Pariaz Ltd invoque le principe de l’attente légitime, concept juridique selon lequel un acteur économique ne peut pas être sanctionné pour avoir opéré sur la base de décisions officielles d’une autorité compétente. L’entreprise estime donc que ses investissements dans cette activité sont justifiés et que la GRA outrepasse ses pouvoirs en réinterprétant aujourd’hui différemment le cadre réglementaire.
Si la Cour suprême donne raison à SMS Pariaz Ltd, cela remettra en question la capacité de la GRA à revenir sur ses propres décisions passées et pourrait créer un précédent. En revanche, si la justice valide la position de la GRA, cette décision pourrait marquer un tournant dans l’application de la législation sur les jeux et forcer d’autres opérateurs à se conformer à une interprétation plus stricte de la loi. Cette affaire met en lumière les tensions entre l’ancien et le nouveau cadre de régulation, ainsi que les enjeux économiques et politiques liés à ce secteur.
APRÈS NEVIN SINGH
Niraj Gopaul, proche de Beekhary, suspendu par la GRA
La Gambling Regulatory Authority (GRA) traverse une période de turbulences. Après la suspension de Nevin Singh, Lead Legal Affairs Officer, un autre haut cadre se retrouve dans la tourmente. Niraj Gopaul, ex-No 2 de la Horse Racing Division (HRD) et neveu de Dev Beekharry, ancien Senior Advisor de la GRA, a été mis à pied avec effet immédiat.
Selon les informations disponibles, Niraj Gopaul est accusé d’avoir transmis un dossier incomplet à sa hiérarchie, omettant un élément clé : l’identité d’un codemandeur de licence en conflit permanent avec la nouvelle administration de la GRA. Cette omission, perçue comme une faute professionnelle grave, a conduit à sa suspension. Il devra prochainement se défendre devant un comité disciplinaire.
Ce n’est pas la première fois que Niraj Gopaul est impliqué dans une affaire aussi sensible. En janvier 2025, il était, en tant que responsable de la HRD de la GRA, sur le point d’approuver une demande de la galaxie Jean-Michel Lee Shim pour organiser des courses à Petit-Gamin. Face à ce risque, la GRA avait décidé de reprendre toutes les prérogatives de la HRD, évitant ainsi une possible dérive dans la gestion des courses hippiques.
Ces suspensions en cascade soulèvent de nombreuses interrogations. La GRA, sous une nouvelle direction, cherche-t-elle à corriger les excès du passé et restaurer la transparence dans l’industrie des paris ? Ou assiste-t-on à une lutte interne pour le contrôle du secteur hippique, où des intérêts puissants s’opposent ?
Quoi qu’il en soit, ces décisions marquent une volonté affichée de réformer la régulation des courses à Maurice. Reste à voir si cette purge aura un impact durable ou si elle ne sera qu’un épisode supplémentaire de tensions sous-jacentes.