- «… qui ont atteint ces derniers temps un niveau qu’on n’a jamais atteint dans le passé. Où est la Police de Jeux. Où est la Cyber Crime Unit ? »
- « M. Wood n’en parle même pas »
Pour la première fois depuis le début de la saison 2021, Jean-Michel Giraud, président du Mauritius Turf Club (MTC), était présent lors d’une journée des courses. Il en a été délibérément privé par la Gambling Regulatory Authority (GRA), cet organisme le privant de sa Personal Management Licence (PML) pour deux plaintes qui sont nées de nulle part et qui ont, toutes les deux, été rayées. L’occasion et les circonstances s’y prêtant, il a répondu aux questions de brûlante actualité sur la chaîne de diffusion des courses du MTCSL sur les réseaux sociaux, dimanche dernier, concernant l’industrie des courses et son avenir sur le plateau de l’émission Faites Vos Courses avec la franchise et la fermeté qu’on lui connaît. L’interview en direct était réalisée par l’animateur hippique Jean-Philippe Laganne. Le Mauricien reproduit cette interview dans son intégralité.
M. Giraud, vous voici à nouveau au Champ de Mars. Peut-on connaître votre état d’esprit ?
Cela me fait plaisir de me retrouver au Champ de Mars lors d’une journée de courses, même si l’ambiance n’y est pas en raison du huis clos. De par ma présence, j’ai pu rencontrer tous les professionnels des courses, le management et les employés du MTC.
Vous n’avez toujours pas votre PML. Où en êtes-vous exactement dans vos démarches ?
D’abord, je dois dire que je ressens un grand sentiment d’injustice à mon égard, d’autant que je pense que j’ai le droit d’avoir ma PML et qu’on ne m’a donné aucune raison concernant ce refus. J’ai dit cela à plusieurs reprises. Je me suis tourné vers la justice et pour reprendre les mots de mon homme de loi, je dirai que l’affaire suit son cours.
Même si vous n’êtes pas venu au Champ de Mars, vous avez été au four et au moulin, car n’oublions pas que vous êtes président du MTC, seul et unique actionnaire du MTCSL. Quel regard jetez-vous sur la situation actuelle ?
Il y a de bonnes raisons d’être inquiet. D’abord, il y a le rôle secondaire que nous serons appelés à jouer de par les dispositions du Finance Bill. Ensuite, il y a les paris clandestins qui n’ont jamais été aussi florissants. Finalement, il y a la pandémie et la tenue des journées de courses à huis clos. Tout cela n’arrange pas les choses.
Avec le Finance Bill, plusieurs amendements ont été apportés à la GRA Act. Des amendements qui feront de la GRA l’organisateur des courses. Il y a quoi à être inquiet, non ?
Officiellement, ce n’est pas ce qu’ils disent. Ils disent que nous sommes l’organisateur des courses, mais à partir du moment où nous n’octroierons plus les licences aux jockeys et aux entraîneurs, ne nommerons plus les juges de départ et du pesage, et les Stipes, nous ne serons plus l’organisateur des courses au cours des mois à venir. Quelle réaction aurons-nous au niveau du MTC-MTCSL ? Moi, j’ai ma petite idée sur cette question. Il faut essayer de parler aux autorités, même si elles ont fermé toutes les portes, particulièrement à moi, ces derniers temps. J’ai lu l’interview de M. Wood hier. Cela ne présage rien de bon, car il laisse entrevoir clairement qu’il est ici pour appliquer les mesures qu’ont décidées ceux qui l’emploient, c’est-à-dire la GRA et le gouvernement. Il est clair qu’on est en train d’assister à une étatisation des courses.
Avez-vous l’impression qu’on veut la mise à mort du MTC ou du MTCSL ?
Je crois que tout le monde est au courant du sort qu’attend le MTC-MTSCL durant les prochains mois.
Dès votre élection, vous avez déclaré la guerre aux bookmakers clandestins et les paris illégaux. Dans vos déclarations, vous dites que c’est là qu’a commencé votre problème. Expliquez-vous ?
Vous avez une autre explication en tête ? Moi, je n’en ai pas d’autres. Dès que j’ai accédé à la présidence du MTC, j’ai dit que le plus gros problème n’est pas le Stipe, la piste ou je ne sais pas quoi encore, mais les paris clandestins qui ont atteint ces derniers temps un niveau qu’on n’a jamais atteint dans le passé. J’ai eu le malheur de dire qu’il fallait que la GRA et le MTC travaillent ensemble sur ce dossier. Mais la GRA n’a jamais contacté le MTC pour savoir quelles sont les mesures qui devraient être prises pour combattre ce fléau. Il n’y a pas eu que cela. Je me suis retrouvé avec deux affaires au niveau du CCID pour diffamation criminelle. Depuis, elles ont été rayées. Comme quoi, ceux qui essayent de se battre contre les paris clandestins doivent savoir quel sort les attend. Quelle est la conséquence de tout cela ? Il y a des responsables qui ont peur de dire haut et fort ce qu’ils pensent. C’est bien dommage.
À combien estimez-vous le manque à gagner du MTCSL en raison des paris clandestins ?
Précisément, comme ce sont des paris clandestins, le chiffre n’est pas connu. Il faut savoir que Rs 5 milliards sont jouées annuellement dans les circuits officiels. Comme les gros parieurs et même des écuries ne passent pas par les circuits officiels pour faire des mises, on peut estimer à dix milliards les paris qui échappent aux circuits officiels. Cela représente un manque à gagner annuel de Rs 450m pour le Turf Club. Pour l’État, ce manque à gagner est de Rs 1,4 milliard. L’État est assez grand pour se défendre. J’ai été élu pour défendre les intérêts du MTC, des courses et de l’industrie hippique at large, car nous sommes détenteurs d’une licence de l’autorité hippique internationale. Mon rôle est d’attirer l’attention des autorités sur ce fléau qui fait beaucoup de mal à notre industrie.
Est-ce que la situation a empiré avec le huis clos ?
Que font les bookmakers depuis le début de la saison ? Nous sommes arrivés à la 26e journée et les bookmakers ne travaillent pas et ne rouspètent pas non plus. Ce matin encore, on m’a envoyé des sreenshots des cotes des bookmakers clandestins. Tout le monde peut avoir accès à ces sreenshots. Où est la Police de Jeux ? Où est la Cyber Crime Unit ? Il y a une quinzaine de ces screen shots qui circulent et tout le monde reste tranquille. Le fait que Giraud ouvre sa bouche, on veut l’arrêter. On ne lui donne pas SA PML. On aurait dû me donner une médaille que je n’aurais pas acceptée d’ailleurs. Parce que je me bats contre ça, je suis ostracisé par un certain nombre de personnes dans ce pays.
Est-ce que vous vous attendiez à ce que le huis clos soit maintenu pour les courses ?
J’ai pensé que les courses allaient suivre la tendance générale qu’il y a dans le pays, c’est-à-dire une ouverture pour le public. Je crois que le président de Spéville, dans son interview à Racetime, a déclaré justement qu’on ne s’attendait pas à continuer avec le huis clos, qui est une véritable catastrophe pour les finances du club. Nous aurons donc à prendre des décisions dans les jours qui viennent. On peut imaginer qu’avec la pandémie, les courses ne s’ouvrent pas totalement pour le public. Mais on ne peut accepter qu’un casino qui est un lieu clos par définition se trouvant au Champ de Mars accueille autant de personnes qu’il veut pourvu qu’il ait son pass sanitaire, tandis que nous ne pouvons recevoir que 100 personnes et des professionnels des courses. Ce n’est pas normal, d’autant qu’il n’y a eu aucune discussion à ce sujet.
Est-ce que vous avez lu l’interview de Wayne Wood paru dans un quotidien hier ? Qu’en déduisez-vous ?
On parle de M. Wood comme l’homme fort de la Horse Racing Division. Je ne crois pas que tel est le cas. Il est sur place pour exécuter les instructions qu’il recevra de la GRA et mettre en pratique ce qui est préconisé dans le Finance Bill. Pour le moment, ce sera son rôle. Il ne se préoccupera pas des problèmes du MTSCL. En tout cas, le problème principal demeure les paris clandestins et M. Wood n’en a pas parlé lors de son interview.
On parle de Wayne Wood ou encore de la Horse Racing Division, mais cette partie du Finance Bill n’a pas encore été promulguée, n’est-ce pas ?
Non. Autant que je sache, la partie du Finance Bill concernant les courses n’a pas encore été promulguée.
Est-il vrai de dire que les importations des chevaux ne peuvent plus se faire après le 30 septembre ?
On a eu un dernier contingent de nouveaux chevaux qui est arrivé le 30 septembre dernier. Désormais, l’importation est bloquée. Du moins pour le moment. Il y a cette crainte de l’African Horse Sickness. Je crois que les vétérinaires du club et même certains du ministère de l’Agriculture sont satisfaits des mesures qui ont été prises. Je viens d’évoquer cette question avec le président de l’Association des entraîneurs. Ils vont faire part de leurs doléances à ce sujet prochainement aux autorités. En attendant, il faut savoir qu’il n’y aura pas de saison 2022 s’il n’y a pas l’importation de nouveaux chevaux maintenant. Pour en revenir aux précautions qui sont prises, il y a une période de quarantaine particulière en Afrique du Sud avant l’embarquement des chevaux.
M. Giraud, la situation est donc très grave… comment voyez-vous la suite des événements ?
Je crois que les véritables amateurs et amoureux des chevaux vont se retrouver de plus en difficulté pour importer des chevaux. D’un côté, il y a les coûts énormes du fret qu’on dit qui s’élèvent à Rs 700 000. De l’autre, il y a les stakes money qui sont réduits à leur plus simple expression. J’ai honte des stakes money que le MTC distribue. Malgré le niveau extrêmement bas de ces stakes money, les comptes du MTC-MTCSL seront déficitaires de Rs 46M à la fin de l’année. Tout cela vous donne une indication de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons.
Je vous pose une question sincère. Êtes-vous prêt à travailler avec la GRA ?
N’oubliez pas que trois jours après mon élection à la présidence du MTC, j’ai demandé une réunion avec la direction de la GRA qui a répondu à la presse avant de nous répondre. Depuis, nous n’avons jamais été invités, sauf au niveau du management, juste pour obtenir des directives d’eux. À aucun moment l’autorité n’a entamé avec nous des discussions constructives pour que tout le monde sorte gagnant. Je ne crois pas que la GRA veuille que le MTC fonctionne encore longtemps. En tout cas, ce que j’en déduis du Finance Bill.
Et si vous avez un appel à faire, vous le feriez au public turfiste ou aux autorités ? Et quel serait votre message ?
J’ai un appel à faire aux autorités. Je pense qu’à terme, elles vont se rendre compte qu’elles ont pris le mauvais chemin. Qu’elles souhaitent aider l’industrie des courses est une bonne chose, mais cela doit se faire à travers une collaboration étroite avec le MTC et non pas dans une situation de maître et esclave où elles donneront des directives que nous aurons à obéir afin de ne pas se faire sanctionner. Je fais donc un appel aux autorités : allons travailler d’égal à égal. Qu’elles restent l’autorité en matière du contrôle des jeux et que nous restions l’autorité dans l’organisation des courses. Je fais également un appel aux turfistes : restons courageux. Tous ceux qui raisonnent un peu se rendent compte que le Finance Bill n’est justement pas raisonnable. À la fin, je suis persuadé que les autorités vont de rendre compte qu’elles ont pris la mauvaise direction. Elles reviendront sur certains aspects à un moment donné. Je dis aussi que tout ce qu’elles font n’est pas mauvais. Il faut une collaboration plus étroite. Que la GRA s’occupe de la réglementation des jeux et que le MTC soit l’organisateur des courses. Je crois que le temps joue en notre faveur.