Issa Mohamed Soormally : « L’EDB s’assurera que toutes les opportunités soient saisies »

Le vice-président de l’Economic Development Board (EDB), Issa Mohamed Soormally, s’exprime cette semaine, dans une interview accordée à Le Mauricien, sur le budget 2023-2024, lequel traite, selon lui, de problématiques auxquelles les entreprises font face à Maurice. De plus, un des objectifs de ce budget présenté par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, dit-il, consiste à viser la croissance économique, une baisse des dépenses publiques ainsi que celle de la dette nationale afin de pouvoir amortir les chocs futurs. Il se dit ainsi convaincu que « la facilitation de l’obtention de permis de travail est un pas vers le développement de différents secteurs, qui sont confrontés au problème de manque de main-d’œuvre ».

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Ces deux dernières semaines ont été dominées par le budget, présenté par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, le 2 juin dernier, lequel aura été suivi par les débats au Parlement. Que retenez-vous de l’exercice budégtaire ?

Il a été très bien accueilli et reste dans la continuité de l’exercice précédent, avec pour objectif de retrouver nos acquis prépandémiques. Ce budget comporte trois axes : la consolidation de notre économie, la poursuite des réformes et la construction d’un avenir meilleur, en prônant un développement inclusif. Le gouvernement œuvre aussi pour plus d’équité sociale avec plusieurs mesures annoncées visant une redistribution des richesses optimales et une meilleure aide aux personnes les plus démunies afin que toutes puissent vivre décemment.

Plusieurs mesures ont été annoncées afin d’accélérer la croissance des secteurs phares, tout en donnant la possibilité aux secteurs émergents de s’épanouir. C’est très intéressant, car la recette de notre réussite depuis notre indépendance a été notre capacité à diversifier notre économie de manière réfléchie. Finalement, il convient de noter qu’en présentant le budget, le ministre des Finances visait, en arrière-plan, la croissance économique, une baisse des dépenses ainsi que celle de la dette, afin qu’elles soient soutenables et puissent amortir les chocs futurs.

La promotion de l’investissement direct étranger repose largement sur l’EDB. Quelle leçon avez-vous tirée de la pandémie ? Comment cela a-t-il affecté la stratégie de promotion ?

La pandémie de Covid-19 a démontré que nous devons travailler autrement et penser à des méthodes alternatives pour promouvoir Maurice. Il va sans dire que la technologie nous a permis de faire des campagnes de promotion en ligne, des réunions via téléconférences et, ainsi, nous avons pu maintenir nos activités, même pour nos bureaux à l’étranger. Le conseil d’administration de l’EDB, sous la tutelle du président et de moi-même, en ma qualité de vice-président, a accordé tout son soutien à l’exécutif pour implémenter les grands projets de réformes, qui visent à faire de Maurice une destination Pro-Business. À travers la technologie et les réseaux sociaux, l’EDB peut maintenir sa communication et aider à la promotion en temps réel.

Toutefois, notre façon de procéder a changé. Nous parlons maintenant de segments clients, de Customer Journey, de Business Targeting. Bref, nous nous adaptons au changement apporté par le marketing digital et les nouveaux outils technologiques, tout en maintenant les valeurs prônées par le gouvernement. L’EDB implémente aussi nombre de stratégies novatrices afin d’attirer plus d’investissements directs étrangers et a su réorienter ses ressources afin d’atteindre les objectifs fixés.

C’est l’occasion de faire un bilan concernant l’investissement étranger à Maurice. Comment a-t-il évolué ces dernières années ? En quoi le nouveau budget contribuera à donner un nouvel élan à l’investissement étranger ?
L’investissement direct étranger a augmenté en 2022, et ce budget jette les bases pour améliorer encore plus notre compétitivité et continuer sur notre lancée. Ce budget, présenté par le ministre des Finances, comporte plusieurs mesures pour consolider les fondamentaux, ainsi que pour développer un plan marketing solide visant nos principaux marchés. D’autre part, nous avons une très bonne réputation, et nos paramètres économiques sont sains. Nous commençons à récolter les fruits de nos efforts avec plus d’investissements étrangers dans les secteurs émergents, tels que l’éducation, l’énergie renouvelable ou encore la pharmaceutique.

Il y a aussi un engouement pour Maurice aux vues de sa stabilité politique, économique et sociale. Finalement, ce budget traite des problématiques auxquelles les entreprises font face à Maurice. Le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs s’est accru et la facilitation de l’obtention de permis de travail est un pas vers le développement de ces secteurs.

Jusqu’ici, l’IDE est dominé par le secteur immobilier. Quels sont les autres secteurs porteurs auxquels priorité sera accordée par l’EDB ?
Il convient de noter qu’au fil des années, il y a eu une diversification des investissements, même si l’immobilier occupe une place importante. L’année dernière, nous avons reçu Rs 4,5 milliards en IDE dans le secteur éducatif et un peu plus de Rs 1 milliard dans l’hôtellerie. Nous notons également d’importants investissements dans les secteurs agroalimentaire et manufacturier, grâce aux incitations fiscales du gouvernement et à la consolidation de nos accès aux marchés préférentiels, ainsi qu’à l’ouverture de nouveaux marchés, comme la Chine et l’Inde.

Nous continuerons de concentrer nos efforts sur les secteurs émergents que le gouvernement souhaite promouvoir, notamment le secteur pharmaceutique, la fabrication de dispositifs médicaux, les services financiers et, surtout, le secteur de l’énergie renouvelable, sur lequel le gouvernement met beaucoup l’accent.

Dans le secteur financier, Maurice se retrouvera face à des compétiteurs féroces, dont l’Inde et Singapour. Quels sont les atouts de notre pays et quels sont les différents services qui peuvent être développés ?
La vitalité de notre secteur des services financiers découle d’une stratégie de diversification réussie, associée à des décennies de bonne gouvernance et de réformes politiques audacieuses, qui ont contribué à renforcer notre résilience. Maurice occupe la première place en Afrique dans de nombreux classements internationaux, tels que le rapport Doing Business de la Banque mondiale, l’indice de la compétitivité du Forum économique mondial et le palmarès annuel des meilleurs pays pour faire des affaires, publié par Forbes. Il convient de noter que Maurice est désormais conforme ou largement conforme aux 40 recommandations du GAFI. Maurice est devenue le premier pays de la région du Groupe d’action financière en Afrique de l’Est et dans les îles de l’océan Indien à avoir atteint ce niveau de conformité aux normes du GAFI. Nos performances économiques exceptionnelles témoignent des progrès considérables que nous avons réalisés pour devenir une économie inclusive et résiliente.

Afin d’améliorer notre compétitivité par rapport à d’autres juridictions concurrentes en matière de gestion de fonds et de patrimoine, la structure de société d’investissement à capital variable a été introduite pour compléter la panoplie existante de structures. L’accord fiscal entre l’Inde et Maurice, qui a été révisé, associé aux récentes annonces faites lors du discours du budget concernant les modifications de lois sur les valeurs mobilières afin de permettre aux fonds de placement collectif (CIS) et aux fonds de type fermé (CEF) d’investir dans des prêts et des instruments de dette, donne une nouvelle impulsion au rôle que Maurice jouera en tant que centre financier international.

Comment empêcher l’exode des professionnels spécialisés vers les centres étrangers ?
L’exode des professionnels spécialisés n’est pas un phénomène unique à Maurice. D’autres pays dans le monde font face à ce qu’on appelle le Brain Drain. Cela démontre la qualité et l’émergence de notre système d’éducation et de formation. Dans le dernier budget, le ministre des Finances, de la Planification économique et du Développement est venu proposer une réforme fiscale de notre système de revenus à l’impôt, qui a été bien accueillie par la population. Cette réforme a pour but de réduire les inégalités et de laisser plus de revenus aux travailleurs. La réforme fiscale de l’impôt sur le revenu, le revenu minimum garanti par l’État et les allocations de revenu de la CSG, tous fondamentalement intégrés dans le budget 2023-2024, permettront précisément de lutter contre l’exode des professionnels.

Comment le centre financier mauricien peut-il être partie prenante des développements en cours, notamment sur le continent africain ?
Le centre financier international de Maurice joue un rôle important dans la promotion d’investissements durables en Afrique. La plupart des fonds souverains mondiaux ainsi qu’un certain nombre de fonds institutionnels et privés utilisent Maurice pour leurs investissements en Afrique. Ces investissements s’alignent sur les objectifs de développement durable des Nations Unies et se concentrent sur des secteurs essentiels pour le développement de l’Afrique, comme l’énergie, le HealthCare, l’éducation, l’autonomie pour les femmes dans l’entreprise, la réduction de la pauvreté, et le développement des infrastructures.

Il convient également de souligner que l’EDB a commandé une étude indépendante sur la valeur de notre IFC pour l’Afrique, réalisée par Capital Economics, un cabinet de conseil britannique. Cette étude met en évidence que 9% de tous les investissements directs étrangers (IDE) en Afrique continentale passent par Maurice. Ce qui représente environ USD 82 milliards, générant à leur tour environ USD 6 milliards de recettes fiscales pour les gouvernements africains chaque année. De plus, les investissements étrangers canalisés par le biais de Maurice soutiennent 4,2 millions d’emplois en Afrique continentale.

L’Afrique émerge rapidement comme une terre d’opportunités et de possibilités énormes pour la communauté internationale des investisseurs. En tant que membre de blocs économiques régionaux, tels que la SADC et le COMESA, et en tant que membre fondateur de l’Union africaine (UA), Maurice joue constamment un rôle actif dans l’amélioration et la promotion de la coopération diplomatique et économique entre les pays africains.

Alors que la banque mondiale prévoit que la situation économique internationale continuera de passer par des moments difficiles, quels sont les atouts de Maurice pour pouvoir se maintenir sur la voie de la croissance ?
Maurice jouit d’une économie diversifiée et compétitive. Plusieurs secteurs contribuent à la croissance économique, dont l’agro-industrie, le secteur manufacturier, les services financiers, les TIC et le tourisme. Depuis quelques années, le gouvernement a mis en place plusieurs piliers pour des secteurs émergents, comme l’énergie renouvelable et l’industrie pharmaceutique. De nombreuses incitations fiscales ont été annoncées dans le dernier budget. Ceux-ci ont pour but non seulement d’accroître la croissance économique du pays, mais aussi de renforcer la résilience face à des facteurs exogènes, comme une pandémie ou des conflits géopolitiques, qui peuvent affecter notre économie.

Nous avons vu que pendant le Covid et la fermeture de nos frontières que nous avons perdu plus de 15% de notre PIB. Ces nouveaux créneaux permettront au pays de se maintenir sur une croissance soutenue et d’atteindre l’objectif fixé par le gouvernement, c’est-à-dire une croissance de 8% pour la prochaine année.

Le mot de la fin…
L’EDB sera pleinement impliquée dans les mesures relatives au développement durable et à l’économie verte. On aura un rôle majeur à jouer dans l’affinement des mesures et leur mise en œuvre. Le rôle de l’EDB dans la mise en œuvre des mesures sectorielles, par exemple celles annoncées dans le secteur agroalimentaire, financier ou des TIC, sera crucial pour garantir que les objectifs des mesures budgétaires soient atteints.
Pour terminer, et en tant que vice-président du conseil d’administration de l’EDB, je dirai que nous continuerons à travailler avec la communauté des affaires et l’État, et de privilégier le dialogue entre les deux parties. On s’assurera aussi que toutes les opportunités soient saisies et que l’EDB reste une organisation d’excellence pour servir le pays et la nation mauricienne.

Un banquier chevronné

Le vice-président de l’EDB, Issa Mohamed Soormally, est administrateur du Mauritius Institute of Directors (MIoD). Il a également occupé le poste de sous-gouverneur de la Central Bank of Mauritius.

Banquier commercial et régulateur chevronné, il a occupé divers postes au sein d’organisations locales et internationales. Il a une solide expérience éprouvée dans le secteur bancaire international dans diverses juridictions, comme la France, le Luxembourg, La Réunion, le Kenya, Dubaï et l’Afrique du Sud. Il a joué un rôle déterminant dans l’assistance à la Banque centrale des Seychelles pour l’assainissement de BMI Seychelles.

En outre, il a créé une succursale à part entière de l’Al Salam Bank of Bahrain (ASBB), en tant que P.-d.g, aux Seychelles. C’est un participant et conférencier régulier, représentant Maurice à diverses conférences et événements financiers internationaux.

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