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Hawanty Teeluck (WOMESA) : « Le défi est d’encourager les jeunes à se lancer dans le secteur »

Elle est l’une des rares femmes à Maurice ayant intégré le secteur maritime il y a 18 ans alors que ce dernier était principalement destiné aux hommes. Ses qualités dans son travail lui ont permis de gravir les échelons jusqu’à être nommée membre exécutif de la Women in the Maritime Sector in Eastern and Southern Africa (WOMESA). Selon Hawanty Teeluck, directrice générale de la compagnie ECU Worldwide Mauritius, s’il existe de nombreuses opportunités pour les jeunes dans le secteur maritime, elle constate néanmoins qu’il est difficile de les attirer. Alors que les institutions d’enseignement supérieur mettent l’accent sur la formation pour développer le secteur maritime, elle estime qu’il faut revoir les programmes existants et se référer aux pays qui font déjà du progrès grâce à l’économie bleue.

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Vous faites partie des rares femmes dans le domaine maritime. Comment avez-vous choisi ce secteur ?

En toute honnêteté, je n’ai pas choisi ce secteur. Mais j’ai été choisie pour faire partie du secteur grâce à mon attitude au travail, ma discipline, mon intégrité, mon honnêteté et surtout parce que je suis très appliquée dans tout ce que je fais. Donc, après mon entrée dans ce secteur, j’ai beaucoup persévéré et je n’ai tardé à me faire respecter. J’ai eu beaucoup de soutien, surtout au niveau des femmes et des hommes dans le secteur maritime, en particulier dans le secteur douanier.

Que peut-on dire de la situation à Maurice ? Quel est le pourcentage de femmes employées dans ce domaine ?

Officiellement, il n’y a pas de statistiques sur le pourcentage de femmes employées dans ce domaine. Néanmoins, en faisant un tour d’horizon, on peut noter qu’il y a un grand nombre de femmes mauriciennes qui travaillent sur des bateaux de croisière. Je voudrais faire ressortir que les emplois dans le secteur maritime ne se limitent pas aux emplois sur les bateaux ou au port. Il y existe d’autres possibilités d’embauche comme dans des entreprises de fret et de logistique, des chantiers navals, des compagnies de transport, des agences portuaires, des courtiers en douane, des instituts de recherche dans le domaine océanique, le secteur de la pêche etc.

Pour qu’une femme puisse s’intéresser au secteur maritime, il faut qu’elle soit soutenue. Selon vos observations, est-ce le cas à Maurice ?

La société mauricienne a su évoluer avec le temps. On a observé que beaucoup de familles donnent leur support à la femme qui travaille dans le monde maritime. Cependant, il y existe toujours un manque d’information générale, mais surtout des parents et accompagnateurs des jeunes sur ce secteur et les opportunités. En comblant ce manque d’information, je pense que ces personnes seront mieux informées pour qu’à leur tour, elles puissent encourager et encadrer ces jeunes.

La 9e conférence régionale de l’Association of Women Managers in the Maritime Sector in Eastern and Southern Africa, tenue en octobre à Madagascar, avait pour thème “Opportunities and challenges facing African women in advancing the maritime sector”. Est-ce que c’est toujours difficile pour la femme africaine de trouver sa place dans ce secteur ?

Les femmes africaines qui travaillent dans le secteur maritime font face à de nombreuses difficultés, dont le peu d’opportunités de formation aux femmes, la lente ascension à des postes de responsabilités, la disparité dans la rémunération et l’insensibilité à différents cycles de la vie des femmes. Pour que la femme africaine puisse trouver sa juste place dans ce secteur, il faut un effort concerté pour surmonter les défis mentionnés ci-dessus.

Cette association ne compte qu’une cinquantaine de membres. Ce nombre n’est-il pas peu élevé ?

Vu le nombre actuel de femmes dans ce secteur, je pense que c’est raisonnable. N’empêche, avec les développements à prévoir dans ce secteur, on espère que le nombre augmentera.

Les femmes sont-elles assez sensibilisées quant aux opportunités de ce secteur ?

Le ministère de l’Économie océanique, des Ressources marines, de la Pêche et de la Marine avait entamé une campagne pour sensibiliser les élèves en cycle secondaire sur les opportunités de carrières en mer. Le WOMESA Mauritius a aussi fait de nombreuses présentations sur les emplois dans le secteur maritime dans des collèges de filles et on compte le refaire l’an prochain. Néanmoins, il est primordial que la sensibilisation se fasse au niveau du primaire et du secondaire. Pour cela, il faut impérativement que les parents, enseignants et autres personnes qui encadrent ces jeunes soient eux au courant des possibilités d’embauche dans ce secteur.

Est-ce que les compagnies maritimes acceptent les femmes ?

Beaucoup de compagnies maritimes commencent à prendre conscience de l’importance de s’engager en faveur de l’égalité des genres au sein de leur entreprise. Tant qu’on y est, en Angleterre, 40 grandes entreprises maritimes ont signé un engagement en faveur de l’égalité des genres afin de remédier à ce manque de femmes dans l’industrie maritime britannique, où 2% seulement de la main-d’œuvre est constituée de femmes.

Avez-vous l’impression que nous faisons peu confiance aux femmes dans ce secteur ?

Le peu de femmes qu’il y a ont su gagner la confiance dans ce secteur à travers leur persévérance, leur intégrité et leur professionnalisme.

Que fait le WOMESA Mauritius National Chapter pour encourager plus de femmes à faire carrière dans le secteur maritime ?

Parmi ses activités, WOMESA Mauritius compte sensibiliser les jeunes filles, œuvrer pour faire valoir les femmes existantes dans le secteur maritime mauricien. Nous voulons obtenir plus de visibilité et contribuer à la formation des femmes dans le secteur maritime.

Le renforcement du rôle des femmes dans le secteur maritime a fait partie du plan stratégique de l’Organisation maritime internationale. Avez-vous noté du changement dans cette industrie dans l’océan Indien ?

L’Organisation Maritime Internationale a facilité l’accès à l’éducation. De nombreuses femmes dans le secteur maritime dans l’océan Indien, incluant l’île Maurice, ont bénéficié des bourses pour entamer des études spécialisées en maritime et l’OMI organise de temps en temps des formations régionales.

Nous constatons toutefois que les femmes dans ce secteur ont des postes importants plutôt au niveau administratif que technique. Pourquoi, selon vous ?

Certes, le nombre de femmes ayant des postes au niveau administratif dépasse celui des femmes dans des postes plutôt techniques. La raison est que d’une manière générale, les femmes, étant très esthétiques, vont rarement accéder aux postes dont les conditions sont inadéquates par rapport à leur habillement. Mais on peut constater déjà une nette amélioration dans ce sens car aujourd’hui il y a des femmes qui vont sur le terrain pour des vérifications techniques des marchandises importées. Elles viennent de plusieurs départements tels que la douane, le ministère de la Santé, l’Agro-industrie, le Mauritius Standard Bureau, entre autres.

Nous parlons beaucoup de l’économie bleue appelée à devenir un pilier de l’économie. Pensez-vous que nous avons le programme académique approprié pour que nous puissions préparer nos jeunes à un métier dans ce secteur ?

Le secteur maritime est hautement spécialisé et ce n’est que maintenant que les établissements locaux ont lancé des programmes universitaires dans ce secteur. Des programmes tels que la technologie marine, la logistique, les opérations et le développement et la gestion des ports sont quelques-uns qui ont été développés par l’Université de Maurice et un programme d’ingénierie marine est en cours d’élaboration. Le potentiel de formation dans le secteur maritime est élevé, car des programmes universitaires à différents niveaux se font sentir dans ces secteurs. Cependant, il est nécessaire de réévaluer le programme existant. Une analyse appropriée des écarts et de l’approche adoptée par d’autres pays constituerait un bon point de départ. Par conséquent, une révision de la même chose par rapport aux exigences de l’économie bleue ouvrirait la voie. En ce qui concerne l’intégration de la dimension du genre dans ce programme, la possibilité d’un parrainage pour poursuivre des études universitaires pourrait être envisagée. Le défi consiste à encourager les jeunes à se lancer dans le secteur maritime, et cela est entrepris à travers une sensibilisation des jeunes par les membres de WOMESA.

Il semblerait que nous avons encore du chemin à faire pour que l’importance de la femme soit réellement reconnue dans le secteur maritime. Que devons-nous faire pour que la femme puisse se frayer une place dans ce secteur hautement dominé par les hommes ?
Pour commencer, il faut qu’on change notre façon de penser et de percevoir le monde maritime comme étant une opportunité d’emploi et l’accès à la formation. Il faut aussi intégrer les femmes dans les activités maritimes ordinaires tout en accordant de l’importance à la “work life balance”.

Est-ce que le fait d’être éloignée de sa famille pendant de longues semaines décourage les femmes à intégrer ce secteur ?

Pour les carrières en mer, on note un nombre croissant de femmes mauriciennes, de différentes catégories d’âge, qui vont travailler sur des bateaux de croisière. Par contre pour les emplois dans le secteur maritime mais à terre comme dans les chantiers navals, des entreprises de fret et logistiques, l’administration maritime ou portuaire, la question ne se pose que rarement.

Quelle est votre vision pour la femme mauricienne qui veut se faire une place dans le secteur maritime pour les prochains dix ans ?

Il y a beaucoup opportunités et il faut savoir que la femme mauricienne est très capable de travailler dans le secteur maritime qui est jusqu’à présent nettement dominé par une présence inégale des hommes. Néanmoins, active pendant ces derniers 18 ans dans ce secteur, je peux dire qu’à ce jour il y a un nombre grandissant de femmes qui y travaillent. Elles opèrent dans les bureaux aussi bien que sur le terrain. Quand j’avais démarré en l’an 2000, j’étais une des rares femmes à pénétrer dans les couloirs de la douane, des entrepôts et le port. Cela dit, je peux avoir une vision nette et claire de ce qui attend dans les prochains dix ans la femme mauricienne. Elles vont pouvoir occuper plus de place dans le secteur maritime. Ce qui ramènera le nombre de femmes dans ce secteur presque à égalité aux hommes.

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