Le Guide - Législatives 2024

Finances et politique : les ambitions de fin de mandat

  • Des investissements de Rs 26,6 milliards dans les routes, Rs 15,1 milliards dans l’énergie, 
dont une centrale de Combined Cycle Gas Turbine Rs 8,2 milliards à Fort George, et Rs 11 milliards dans l’aéroport et le port
  • Aux urgences : le réarmement industriel en vue de doubler la part de la manufacture de 13,4% du PIB à 25% et le revisiting du Global Business Sector avec l’élimination de la GBC 2 à partir du 1er janvier prochain
  • Rapport de Lord Desai : « Mauritius will succeed in positioning itself as the FINTECH Hub for Africa and Asia »

Le budget 2018-19, lu à l’Assemblée nationale, jeudi, par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, est présenté sur le plan politique comme les prémices de la campagne pour les prochaines élections législatives. Et cela, même si le mandat arrive techniquement à terme en décembre 2019 et que l’Hôtel du gouvernement mise sur la Trump Card des Chagos devant la Cour Internationale de Justice de La Haye probablement en avril de l’année prochaine comme argument de campagne. Mais, en contrepoids, l’appel du Directeur des Poursuites publiques dans l’affaire MedPoint, qui sera plaidé devant le Judicial Committee of the Privy Council le 15 janvier, s’avère déterminant dans ce scénario politique. Au-delà de ces considérations hors du contrôle de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, le gouvernement a affiché ses ambitions de fin de mandat avec un Public Sector Investment Programme (PSIP) de Rs 120 milliards pour la période couvrant le 1er juillet 2018 au 30 juin 2021. Le volet de la construction et de l’upgrading de l’infrastructure routière se taille la part du lion avec Rs 26,6 milliards pour ces trois prochaines années. Un autre projet phare, à part le Metro Express, la centrale de Combined Cycle Gas Turbine de Fort George nécessitera des investissements de Rs 8,2 milliards, alors qu’une enveloppe de Rs 11 milliards est réservée pour l’extension du terminal du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport et le port.

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Indépendamment de l’alignement des projets à coups de milliards, les urgences se font sentir. Le processus de désindustrialisation qu’a connu l’économie depuis ces dernières années impose impérativement une new industrial policy, avec pour objectif « a strong, resilient and competitive manufacturing base with three industrial parks as magnet for growth. » Cette initiative dans le cadre du budget devrait jeter les bases pour le réarmement industriel de Maurice, avec la part de la manufacture dans le Produit intérieur brut (PIB) passant de 13,4% actuellement à 25% à terme.

Devant la pression constante de l’Organisation du Commerce et du Développement économique (OCDE) pour des clean jurisdictions, les autorités n’ont eu d’autres choix que d’adopter des premières mesures dans le Global Business Sector. Ainsi, à partir du 1er janvier prochain, la Global Business Licence (Category 2) devra disparaître du lexique de la Financial Services Commission. En parallèle, les recommandations du comité confié à Lord Desai dans le rapport intitulé Mauritius : Roadmap for a Regional FINTECH Hub en date du 18 mai devront être mises à exécution.

Le Three-Year Strategic Plan accompagnant le discours du budget relève les projets d’investissements majeurs dans les différents secteurs entre 2018 et 2021 comme suit :
Routes et infrastructures : les Rs 26,6 milliards budgétisées, dont Rs 13,2 milliards d’ici au 30 juin 2019, serviront entre autres à la construction du Metro Express (Rs 13,6 milliards), avec un premier déboursement de Rs 9 milliards avant la fin de juin de l’année prochaine ; la réalisation du rond-point Jumbo-Phœnix et du pont A1 — M1 sur la GRNO à hauteur de Sorèze (Rs 3,9 milliards), ou encore Rs 1,8 milliard pour l’entretien et la réhabilitation des routes. Avec l’introduction du cashless ticketing system d’ici à juin 2019, des investissements de Rs 20 millions pour la mise en place des serveurs, sans compter des consultancy fees de Rs 5 millions pour ce même projet ;

Énergie : Rs 15,1 milliards, dont Rs 8, 2 milliards pour la mise en opération de la 120 MW Combined Cycle Gas Turbine à Fort George, avec Rs 2,3 milliards injectées dans ce projet dès 2018-19 aussi bien que des energy storage systems de 18 MW pour accroître la fiabilité de la fourniture d’énergie électrique sur le réseau national ;

Logements sociaux : Rs 17,2 milliards pour la construction de 1 240 unités en 2018-19, 6 600 pour l’exercice financier suivant et 2 000 pour la troisième année, car l’un des medium and long term goals dans ce domaine est de construire quelque 9 500 maisons pour le low income group. Le budget voit grand avec des dotations de Rs 9,3 milliards pour 2018-19 et Rs 5 milliards pour l’année suivante ;

Port et aéroport : Rs 11 milliards avec un price tag de Rs 6 milliards pour le projet d’extension du passenger terminal au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport avec les travaux ne démarrant qu’au cours de l’exercice financier post-mandat, soit en 2020-21 et des premiers gros déboursements de Rs 1,6 milliard. La nouvelle tour de contrôle sera construite au coût global de Rs 763 millions. Dans le port avec la fin des travaux de la première phase de la berth extension du container terminal (Rs 6,8 milliards), la construction d’un breakwater à Fort William et à Caudan constitue la priorité, dont le budget est estimé à Rs 750 millions. Le projet de port de pêche à Fort William de Rs 1,4 milliard est annoncé pour 2018-19 et un financement initial de Rs 300 millions. La construction du cruise terminal building en vue d’accroître le nombre d’escales de croisière à Port-Louis sera entamée cette année et les investissements seront de Rs 700 millions ;

Santé : Rs 9 milliards. Les fleurons annoncés sont la construction du New Flacq Teaching Hospital avec des dotations de Rs 4,4 milliards, dont un premier déboursement de Rs 600 millions en 2018-19 pour passer en mode d’accélération de Rs 1,5 milliard et de Rs 2,1 milliards pour les deux années subséquentes. Le nouvel ENT Hospital est au coût de Rs 932 millions et un demi-milliard pour apporter un peu plus d’humanité à ceux qui souffrent du cancer avec le nouveau centre de traitement. L’e-health project imposera l’informatisation des services de santé publique avec des dépenses de Rs 650 millions au cours des trois prochains exercices financiers ;

Drains et environnement : Rs 8,8 milliards avec la plus grosse part, soit Rs 1,7 milliard, pour le Land Drainage Programme. La moitié de ces allocations budgétaires est annoncée pour l’exercice financier se terminant au 30 juin 2019. Des équipements en trois dimensions sont prévus pour l’updating du flood map et la préparation du Land Drainage Master Plan. D’ailleurs, le résumé au chapitre du Public Sector Investment Programme note que « some Rs 2 billion will be invested in the construction of drains all around the island over rhe next three years in order to mitigate the disruptions caused by flash floods. » La Modified Cell No7 de Mare Chicose Landfill Site engloutira Rs 135 millions entre juillet 2018 et juin 2021. Le ministère des Finances prévoit également de financer la rénovation de l’hôtel de ville de Curepipe et le théâtre du Plaza, avec des allocations globales de Rs 344 millions au cours de la même période.

D’autre part, le secteur de l’eau, qui devait connaître une montée en gamme avec un programme de réforme élaboré par la Banque mondiale, se retrouve en berne après la présentation du budget. La jubilation du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, qui n’a pas hésité à se joindre momentanément à « lekip tap latab » du gouvernement à l’Assemblée nationale, est plus que visible. Le Premier ministre a administré une gifle magistrale à son adjoint, Ivan Collendavelloo, en apposant son veto à toute majoration des tarifs de l’eau.

Qui plus est, l’ambitieux plan en vue de doter la Central Water Authority d’un partenariat privé a, semble-t-il, pris du plomb dans l’aile. Pas une mention dans le Budget Speech alors que les Rs 4,8 milliards d’investissements publics seront engagées dans du Business As Usual, dont Rs 2 milliards pour la mise à exécution du Pipe Replacement Programme. La rare consolation pour le Deputy Prime Minister se lit au paragraphe 155 du discours du budget avec Pravind Jug-nauth notant que « there is an increase of 36 % » par rapport aux ménages, qui sont approvisionnés en eau potable selon la formule consacrée du 24/7 au lieu du 24 Sek.
Préoccupation

Toutefois, la préoccupation immédiate à l’Hôtel du gouvernement dans le contexte du budget porte sur la relance des investissements dans le secteur manufacturier, avec pour ambition déclarée d’attirer cette année 5% des Rs 18 milliards de Foreign Direct Investment pour renverser la vapeur de la tendance à la désindustrialisation, passant ensuite à 10% des Rs 18,5 milliards de 2019-20 et à 15% pour l’exercice subséquent. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a élaboré une new industial policy, dont l’un des key performance indicators sera d’améliorer de manière substantielle la contribution du secteur manufacturier au Produit intérieur brut (PIB).

L’objectif est d’atteindre les 25%, alors qu’actuellement, le poids n’est que de 13,4 % du PIB, soit Rs 54,3 milliards. Officiellement, le constat est que « the breakdown in terms of sub sector contribution are : Food (excl. sugar) 35%, Textile 29%, Sugar 1% and Other Manufacturing Activities 35%. In terms of employment, the manufacturing industry employed 98 700 people in 2016, representing around 20 % of total employment. »
L’une des raisons déterminantes derrière la décroissance dans le nombre d’entreprises locales se trouve dans la rude concurrence des importations. Depuis 2005, des changements drastiques sont intervenus dans les trade patterns, avec une nouvelle étape franche en 2009. La conséquence se répercute par une détérioration du déficit de la balance commerciale, représentant 25% du PIB, contre 10% il y a deux décennies. Pour 2018, le déficit commercial est annoncé à Rs 108 milliards, soit une moyenne de Rs 9 milliards par mois.

La réorientation de la politique industrielle est tributaire d’une série de contraintes, dont la disponibilité et la qualité de la main-d’œuvre, l’accès aux industrial estates, même si à ce jour une superficie globale de 550 arpents peut être consacrée au développement industriel et aussi au financement. Les effets de la libéralisation à outrance des échanges commerciaux pèsent lourd sur la résilience des entreprises locales.

Du côté de l’Hôtel du gouvernement, l’on n’hésite pas à confier que « reforms concerning market access liberalisation in 2005 have exceeded the provisions of the Interim Part-nership agreement, resulting in a surge in imports from the EU. Indeed, the interim EPA required that tariffs for raw materials (45 percent of tariff lines) are set to zero in 2013, intermediate goods in 2017 and the rest in 2023. However, the national policy concerning liberalisation has resulted in over 90 percent of all tariff lines to be already at zero. This has caused significant prejudice against local manufacturers, depriving them of a readjustment period that would have ensured that they restructure and strengthen their activities. »

Remèdes
Pour remédier à la situation, le gouvernement envisage d’avoir recours à une gamme de trade remedies, avec notamment l’éventuelle adoption d’une Safeguard Act pour permettre l’imposition de « temporary safeguard duties » sur des importations portant préjudice à la production locale. Ces mesures de sauvegarde ne sont autorisées que pour une période maximale de quatre ans, accordant le breathing space nécessaire pour le réajustement industriel. Mais au préalable, les autorités devront initier une investigation pour déterminer les conditions suivantes : « whether the product is dumped, whether there is injury to the domestic industry and whether there is a causal link between the dumped product and injury to the domestic industry. »

Pour parer au plus pressé et mettre à la disposition des entrepreneurs des facilités d’infrastructure, l’Economic Development Board, en collaboration avec Landscope Mauritius, lancera des requests for proposals pour les trois parcs industriels mentionnés dans le budget, à savoir Riche-Terre, Côte d’Or et Rose-Belle. Le Riche-Terre Business and Industrial Park, d’une superficie de 325 arpents, cible des activités manufacturières, des industries légères et le volet de logistique et de warehousing. Des investissements de Rs 5,9 milliards sont attendus à Riche-Terre, avec 3 500 emplois créés.
La vocation de Rose-Belle Business Park, y compris la technopole de six étages et de 8 500 mètres carrés, s’avère dans le domaine du high-tech, avec notamment des opérations dans les domaines du nutraceutical and medicinal agri-business, de la pharmaceutique, du high-tech manufacturing, de la robotique et Industry 4.0 Solution, de la Clinical Research Organisation et des sociétés de FINTECH. Le Côte d’Or High-Tech Industrial Park de 150 arpents, qui sera tourné vers la high-tech biotechnology et la manufacture de haute technologie, sans oublier des bio-based activities, sera également doté d’un Centre of

Excellence.
De son côté, le Global Business Sector, qui attend l’adoption des conclusions du blue print en discussions, connaît une première vague de réformes, car les échéances imposées par l’OCDE, avec l’Inclusive Framework on BEPS Roadmap, sont implacables. Maurice avait jusqu’au 31 décembre prochain pour des amendements à la Financial Services Act en vue d’éliminer les harmful practices avec l’octroi des Global Buisness Licences GBC 1 et GBC 2, ou encore dans la freeport zone.

De ce fait, à partir du 1er janvier, la Financial Services Commission cessera d’allouer des Category 2 Global Business Licences et reformatera la Category 1 Global Busness Licence en une Global Business Licence. D’autre part, les resident companies et autres partenariats incorporés à Maurice mais avec le contrôle exercé par des actionnaires non-résidents et opérants de l’étranger sont assujettis à de nouvelles conditions. Ils sont impérativement tenus à solliciter une Global Business Licence ou une autorisation de la FSC par le biais d’une management company. « The latter will be responsible for Anti-Money Laundering/Combating the Financing of Terrorism, legal, regulatory and corporate governance compliance of these companies/partnerships », notent les amendements prévus dans le cadre du Finance Bill à venir.

Ambitions
Commentant ces éventuels changements dans le budget, le Times of India rapporte que « the deemed Foreign Tax Credit mechanism, available to companies holding a category 1-Global Business License (GBC-1), will be abolished from December 31, 2018 and will be replaced by a partial exemption mechanism. Mauritius-resident Foreign Portfolio Investors, including those investing into India, typically register as GBC-1 companies as this enables them to take advantage of the applicable tax treaties. The move proposed in the budget does not alter the tax outgo in Mauritius, but may result in having FPIs to provide greater evidence to prove that they are not post-box entities. »

Conformément aux directives de l’OCDE, des amendements ont été annoncés par rapport au cadre fiscal du freeport regime. Ainsi, l’exemption à la corporate tax, dont bénéficient les opérateurs du port franc et les private freeport developers, sera abrogée. L’intention du gouvernement au chapitre du freeport est que « the current tax regime will continue to appy until 30th June 2021 to companies which have been issued with a freeport certificate before 14th June 2018. »

D’autres restrictions seront également imposées dans le port franc :
. l’élimination du cap de 50% sur la vente des produits sur le marché local ;
. l’imposition d’une période maximale de 24 mois pour le stockage des marchandises, avec un moratoire de 42 mois pour les marchandises déjà en stock dans le port franc au 14 juin, date de la présentation du budget, ou encore l’interdiction des activités manufacturières dans le port franc avec une période de transition pour les entités en opération.
Pour sa part, la Roadmap for a Regional FINTECH Hub devra modifier de manière substantielle le paysage du Global Business Sector. Dans les conclusions du rapport officiel daté du 18 mai et soumis aux autorités, Lord Desai, membre du House of Lords EU Financial Affairs Sub-Committee, note « the Committee is convinced of the significant potential of fintech to increase efficiency in financial services, promoting competition between financial service providers and to enhance financial inclusion. It remains optimistic that Mauritius will succeed in positioning itself as the fintech hub for Africa and Asia. »
Le rapport Desai, qui comprend une série de propositions et de recommandations visant à faire de Maurice un Technology and AI (Artificial Intelligence) Hub, mise sur une approche comprenant une transition « which relates to extending the current regulatory framework to accommodate fintech, is considered suitable during this initial phase. Such a course of conduct will allow Mauritius to start building its reputation as a regional FINTECH hub while concurrently enhancing its regulatory and supervisory expertise and effectiveness in the FINTECH space. »

Des ambitions annoncées dans le budget, même si les contours de la campagne pour les prochaines élections se dessinent à l’horizon.

 

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