Une nouvelle séance de l’enquête judiciaire pour faire la lumière sur le décès de David Gaiqui, mort en mai 2020 dans des circonstances troubles, a eu lieu devant la Cour de district de Port-Louis mercredi dernier. Sa veuve, Roselle Gaiqui, est revenue sur un appel étrange reçu le jour de la mort de son mari, ainsi que sur plusieurs « marques » qu’elle dit avoir observées sur le corps du défunt.
Roselle Gaiqui a été appelée à la barre des témoins, où elle a répondu dans un premier temps aux questions de Me Muhummud Bhatoo. Ce dernier l’a interrogée sur le Statement qu’elle avait consigné le 10 mai 2020 aux Casernes centrales.
Me Bhatoo (MB) : Le 10 mai 2020, votre mari vous avait-il dit qu’il ressentait des douleurs ?
Roselle Gaiqui (RG) : Oui.
MB : Vers quelle heure ?
RG : Vers 6h30 du matin.
MB : Il ressentait des douleurs au pied gauche et à l’estomac ?
RG : Oui.
MB : Est-il parti pour l’hôpital Jeetoo vers 7h ?
RG : Oui.
MB : Vous avez par la suite reçu un appel de l’hôpital…
RG : J’avais vu qu’il n’était pas encore de retour. Je l’avais appelé sur son portable. Un policier a répondu.
MB : C’était vers quelle heure ?
RG : Environ 7h50.
S’est ensuite suivie une discussion avec Me Bhatoo sur le temps que prend le trajet entre Pailles et l’hôpital Jeetoo en fourgonnette. Celle-ci a répondu qu’elle avait l’habitude de prendre le bus pour ce trajet, ce qui prenait environ 45 minutes. Elle a aussi expliqué que son mari ne l’avait pas appelée pour lui dire à quelle heure il était arrivé à l’hôpital Jeetoo ou s’il y avait d’autres patients qui attendaient avant lui.
MB : Que vous a dit le policier ?
RG : Il m’avait dit que David ne pouvait pas me parler, et que je devais venir à l’hôpital, où le médecin parlerait avec moi.
MB : Vous êtes ensuite partie à l’hôpital Jeetoo après cette conversation avec le policier ?
RG : Oui.
MB : Vous connaissez le nom du policier ?
RG : Non.
MB : À quelle heure êtes-vous arrivé à l’hôpital ?
RG : Vers 9h25.
MB : C’est à votre arrivée que vous avez appris le décès de votre mari ?
RG : Oui.
MB : Le lendemain, êtes-vous retournée à l’hôpital pour l’autopsie ?
RG : Oui.
MB : Vous dites avoir remarqué des « marques » sur son corps…
RG : Oui.
Un argument devait ensuite s’ensuivre sur les questions que comptaient poser Mes Anoop Goodary et Sanjeev Teeluckdharry au témoin. Ces derniers agissaient comme Watching Brief pour la famille Gaiqui, et doivent obtenir l’aval de la Cour avant de poser toute question.
Me Bhatoo s’est ainsi opposé à une question de ces avocats, faisant état d’injuries sur le corps, alors que Roselle Gaiqui avait mentionné des « marques » dans son Statement. La magistrate Naazish Sakauloo, qui préside l’enquête judiciaire, a tranché en faveur de l’avocat du Parquet.
Une autre question consistait à savoir si elle avait remarqué qu’il y avait une photo de Caël Permes sur le portable de son mari (quelques jours avant sa mort, David Gaiqui avait reçu des photos du cadavre de Caël Permes, un détenu mort en prison, apparemment victime de brutalités, NdlR). Toutefois, la magistrate a jugé cette question trop Leading et a demandé aux avocats de la modifier.
Me Teeluckdharry (ST) : Vous dites avoir remarqué des marques sur le corps. Où ?
RG : Sur son visage, ses yeux, sa bouche, ses oreilles et ses pieds.
ST : Quels types de marques ?
RG : Du sang coagulé.
ST : Qu’avez-vous remarqué à propos de son portable ?
RG : Li ti kraze.
La magistrate est ensuite intervenue pour demander au témoin comment elle savait que c’était un policier qui l’avait appelée.
RG : Il s’était présenté comme tel.
La magistrate : Vous lui avez demandé son nom ?
RG : Non.
Roselle Gaiqui a ensuite signé la transcription de sa déposition en Cour. Cette affaire reprendra le 11 mars, date à laquelle Pascal Laval Gaiqui, frère de David Gaiqui, sera appelé à la barre des témoins.
Une photo de David Gaiqui, nu et enchaîné à une chaise dans les locaux de la CID de Curepipe, avait fait la Une de l’actualité en 2018. Il avait été provisoirement accusé de vol par la police, mais l’affaire avait été rayée par le DPP par la suite.
David Gaiqui avait alors logé une plainte civile contre la police et l’État, réclamant Rs 50 millions pour traitement inhumain et dégradant. Il avait ensuite été retrouvé mort le 10 mai 2020, apparemment sur le parking de l’hôpital Jeetoo. Sa fourgonnette avait été retrouvée à quelque distance de cet hôpital. L’autopsie avait officiellement conclu à une thrombose coronaire.
Le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) avait ensuite ordonné une enquête judiciaire devant la Cour de district de Port-Louis pour faire la lumière sur cette affaire, enquête qui avait débuté le 17 février 2023.