Ils ont entre 6 et 16 ans. Des idées et des rêves plein la tête. Comme tous les bambins et autres ados de notre île, voire du monde. Eux non plus ne dérogent pas à cette règle suprême de cet âge-là qui est de… s’amuser, de profiter pleinement de leur enfance, leur prime jeunesse, d’amasser tous les meilleurs souvenirs possibles, en faisant mille expériences ! Se fabriquant, de la sorte, des mémentos qui, une fois adultes, quel que sera le domaine professionnel dans lequel ils se retrouveront, et quand ils seront, à leur tour, père de famille, ils souriront ou écraseront une larme, quand leur enfant à eux leur rappellera un tendre moment vécu… Ces jours d’insouciance et de bonheur partiront et ne reviendront jamais. Leurs souvenirs, par contre, résideront à tout jamais dans leurs cœurs et leurs mémoires. Qu’ils chériront, telles des pierres précieuses.
Un trésor inestimable. Seulement voilà. Ce dont se souviendront ces chérubins qui sont les résidents du Foyer Père Laval, seront ces moments de jeux avec leurs autres compagnons de route. Des infortunés, comme eux, pour qui la tendresse d’une mère, les moments de complicité avec un père, les calins des grandsparents, ou les sucreries des tantes, les sorties avec les cousins et les oncles, semblent appartenir à un monde autre que le leur. Pourquoi ? Parce que eux ont été arrachés de leurs cellules familiales biologiques. Pour une foule de raisons : situation sociale trop précaire, manque de sous pour nourrir convenablement les gosses et les envoyer à l’école, l’un ou l’autre des parents se trouvant en taule, ou ayant des problèmes de santé ou d’addictions diverses… Les raisons sont multiples pour que les autorités, en l’occurrence, ici, la Child Development Unit (CDU) ait eu recours à cette mesure extrême : enlever un gosse à ses parents et le placer en foyer d’accueil.
À l’extrême pauvreté économique se sera greffée la misère émotionnelle, dans leurs cas. Les 36 gosses du Foyer Père Laval n’ont surtout pas besoin de notre pitié. Loin de là. Et encore moins de notre argent. Évidemment, des donations, qu’elles soient d’ordre financier, ou en termes d’aliments, de vêtements, de matériel scolaire, d’équipements sportifs divers, de meubles, de livres, de jeux de société, de véhicules pour les transporter, de médicaments de base… sont toutes bienvenues. Mais ce n’est pas par ‘charité’ qu’ils attendent de nous quelque chose. Les enfants d’Audrey et de David Antonique, le couple responsable du foyer, ne sont pas des mendiants. Des mômes en quête d’amour, oui. Comme dans la chanson d’Enrico Macias, ils ont « de l’amour plein la tête, un cœur d’amitié ». Mais ce n’est pas de compassion qu’ils ont faim.
D’avoir leur vécu, chacun avec ses spécificités, les aura déjà rendus forts comme un roc et stoïque face à la souffrance. Pour preuve : les sourires contagieux qu’ils affichent et les petites taquineries qu’ils se font, en franche camaraderie, qui n’est rien d’autre qu’un vibrant appel, un désir fougueux d’être pris en considération, de compter pour chacun d’entre eux, aux yeux des autres. Leurs prénoms, dans le cadre de l’incursion du Mauricien dans leur univers, publiée plus loin, n’ont pas été modifiés. Qu’ils s’appellent Arthur, Abhishek, Ajmeer, Olivier ou Vishal, ces 36 petites têtes brunes du Foyer Père Laval sont nos fils, nos petits-enfants, nos gosses. Ce dont ils ont cruellement besoin, comme le fait ressortir le Dr Patrick How, dans nos colonnes, plus loin, c’est rien de plus que de… l’amour. De notre temps, de notre affection.
Que l’on s’inquiète de leurs petits bobos du quotidien. Qu’on partage des repas avec eux, autour d’une même table. Qu’on trouve le temps de taquiner le ballon avec eux. Qu’on les emmène nager, en randonnée, ou pêcher… Audrey et David Antonique, leurs “parents” désignés, puisque ce sont eux qui gèrent, depuis 2016, ce foyer, et les éducateurs qui les encadrent, s’acquittent déjà d’autant de responsabilités, diront certains. Et alors ? Serait-ce trop demander à tout un chacun de trouver un petit moment pour ces marmailles adorables et attachantes ? Est-ce qu’un énième après-midi dans un centre commercial à faire les boutiques compte plus que de passer quelques précieuses minutes avec ces gosses ? L’amour qu’ils ont à donner n’est pas quantifiable. Cela, chaque parent le reconnaîtra. Il y aura définitivement des âmes nobles et sensibles qui répondront à leur appel. Et à celui de tous ces gosses qui, comme ceux du Foyer Père Laval, méritent et attendent notre amour. S’il était à vendre, certains parmi nous en auraient déjà acheté par tonnes…