En mémoire d’un grand chant Hakka : un dernier hommage à Joseph Tsang Mang Kin G.O.S.K.

Enseignant, écrivain, poète, ‘sonneteer’, dramaturge, penseur, diplomate, philosophe, politicien, ministre…(1938-2024)
Après avoir lu la nécrologie publiée dans Le-Mauricien 18/11/24, le témoignage de Dawood Auleear – “A towering figure of our Republic” dans Le-Mauricien 23/11/24,  et également dans d’autres publications rendant hommage à Joseph Tsang Mang Kin G.O.S.K., je sens en moi une voix qui me dit que, si je me taisais, je faillirais à un devoir sacré. 
Joseph Tsang Mang Kin est né d’une famille modeste le 12 mars 1938, presque une année avant le début de la deuxième guerre mondiale (1939-45). Les choses étaient très difficiles en ce temps-là. Mais comme aimait dire ma soeur cadette, Esther, une de ses anciennes élèves en SC, “la vie n’est pas facile, mais rien ne vaut la vie.” J’y reviendrai. Car, comme nous a dit son frère David: il était “un homme qui aimait la vie.”

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L’amitié.
C’est quelque chose que nous avions hérité tous les deux, de sa grand-mère maternelle et de ma maman, car elles étaient deux très bonnes amies.
Si pour le grand public, il est connu comme – Joseph; pour les intimes – Joe; pour ses ex-amis de La School (Collège Royal de Port Louis) – Zank (Tsang); pour moi, il a toujours été – Ah-Chin: un frère; je dirais même, il a toujours été pour moi, plus qu’un frère.

Un enfant de Les-Salines.
Ah-Chin peut être considéré un enfant de Les-Salines, tout comme moi, Jean Georges Prosper, Sedley Assonne, Jerôme Boulle, France Hyppolite, Jean Michel Dedans, Edouard Pun Sin et Peter Chellen.
Il arriva à l’école primaire des Cassis et se fit admettre en quatrième. Un jour, je fus très impressionné par lui quand notre instituteur, M. Boolaky avait demandé à la classe de lui donner le mot masculin pour le mot ‘wife.’ Immédiatement, Ah-Chin avait répondu ‘husband.’ D’autant plus, que trois semaines auparavant, le maître d’école, M. Derblay, nous avait placés tous les deux devant la classe en position de coureurs, tout en indiquant que je devançai Ah-Chin d’une petite tête.

Un ami de jeunesse.
Après une brève séparation en 1950, avec Ah-Chin admis au Collège Royal de Port-Louis et moi admis à la Grammar School, nous nous retrouvons ensemble dans le mouvement scoutisme, les Missionnaires Volontaires Adventistes de Port Louis.
La troupe était composée de filles et garçons. On allait camper au Goulet, Baie-du-Tombeau, Mont-Choisy, Belle-Mare et Anse-la-Raie. On participait aux randonnées à travers l’île. On récitait des poèmes, chantait de belles chansons, interprétait les saynètes que Edouard Maunick composait, car pendant un certain temps, il fut le chef scout de la troupe MV de Port Louis. Ah-Chin commençait déjà à manifester un penchant pour la poésie.
Par ailleurs, ce fut lors d’une randonnée de la Troupe MV à Grand Bassin que Ah-Chin a failli se noyer. Jacques Tuyau, un autre membre de la troupe, qui est maintenant établi à Sydney, Australie, lui sauva la vie. Depuis ça, en plusieurs occasions, il n’a cessé d’exprimer sa gratitude et sa reconnaissance envers Jacques. Cela explique, sans doute, ce témoignage de son frère David à l’effet que Ah-Chin était “un homme qui aimait la vie”
Ici, je me permettrais de reproduire cette citation du journal Le-Mauricien 18/11/2024:  “ Être né à Maurice, c’est d’avoir la chance de devenir un citoyen du monde universel. Vivre dans cette île, c’est côtoyer quotidiennement les héritiers de trois grandes aires de civilisation: L’Europe, L’Afrique et L’Asie.”

Le politicien
Ah-Chin n’était pas un politicien dans le vrai sens du mot. Contrairement à son frère Jacques qui fut élu conseiller municipal et adjoint-maire, alors qu’il était encore très jeune, Ah-Chin ne possédait pas l’art oratoire d’un grand politicien. Lors de son premier discours politique à un meeting nocturne au Chan Stadium pour soutenir la candidature de Jean Ah-Chuen contre Ng Wong Ming, au beau milieu de son discours qui n’était pas impressionnant, il cria très fort dans le micro, “donne moi ene ver delo.”
Cependant, ce fut chez Ah-Chin que fut créé en 1963 le Parti Libéral, avec Jean Georges Prosper comme candidat au No 2, Daniel Li Quai Fong au No 3, et moi-même au No 1 pour les élections générales de la même année. Le pays était alors divisé en 40 circonscriptions, avec un député par circonscription. Nous avions choisi comme symbole, une bougie. Il lui a fallu attendre presque quatre décennies avant d’être élu député travailliste et nommé à la tête du ministère des Arts et de la Culture qu’il dirigea avec brio.

Dans la cour des Grands.
À l’âge de 20 ans, Joseph Tsang Kin (Ah-Chin) fit son entrée dans la cour des grands écrivains contemporains avec son texte intitulé “Présence Chinoise À L’Ile Maurice” qui fut publié dans le Magazine ”Les Charmes de la Vie Créole.”
Parmi ces grands intellectuels, on retrouve les noms de: Jean Erenne, Georges Télescourt, Régis Fanchette, Edwin Michel, Edouard Maunick, Georges Antelme, Robert Edward Hart, Pierre Renaud, Pierre de Sornay, Max Moutia, Marcelle Lagesse, Marcel Cabon, Jean Georges Prosper, Raymond Chasle, Charles Baissac, Joseph Sévène Bérichon, Patrick Balmano, Jean Urutty et André Legallant.

Sonneteer
À 14 ans, il compose son premier sonnet, “Ode à l’inspiration.” Au fil des années, il se spécialise dans la composition des sonnets. Ce qui explique, sans doute, le dernier sonnet qu’il a écrit  quelques jours seulement avant sa mort, à l’âge de 86 ans, pour remercier et féliciter le personnel de l’hôpital Victoria, docteurs et nurses.
Définition du sonnet:
Poème de quatorze vers en deux quatrains et deux tercets. Sonnora provient de l’Italien “Sonnetto”, qui signifie “petite chanson”. Le principal sujet d’un sonnet, fut pendant longtemps, (Unrequited love) –  Amour non payé de retour. “For hundreds of years the sonnet form was reserved for poems about unrequited love.”

“John Donne and John Milton’s pioneering sonnets of the 17th century took on subjects beyond unrequited love. This expanded the scope of what could be addressed in a sonnet, and since that time poets have used the form to write about every subject imaginable.” Cela a permis à Joseph Tsang Mang Kin, le poète, à composer ses sonnets sur une variété de sujets différents. Mais avant de reproduire son dernier sonnet, je voudrais partager avec les lecteurs ces quelques lignes qui font partie de la beauté de la littérature anglaise:
“Shall I compare thee to a summer’s day” ? … Sonnet 18 by William Shakespeare.

“When I consider how my light is spent “ … Sonnet 19 by John Milton – “On his blindness.”
“Death be not proud “ … Religious Sonnet 10 by John Donne.
Eliezer FRANÇOIS

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