Dr Gérard Lan Cheong Wah : « La population doit comprendre que la situation a changé radicalement »

« Il y a une banalisation de la maladie considérée à tort comme une simple grippe. La population doit comprendre que la situation a changé radicalement », fait ressortir le Dr Gérard Lan Cheong Wah, spécialiste en médecine interne. Dans cet entretien, le médecin analyse la situation sanitaire actuelle tout en évoquant les raisons derrière cette nette dégradation dans l’île. Il fait, par ailleurs, le point sur le variant Delta, bien plus contagieux ; la troisième dose du vaccin anti-Covid et les traitements existants contre cette maladie, entre autres.

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Que vous inspire la situation actuelle concernant le Covid-19 ?

La situation est préoccupante car le nombre d’infections ainsi que le nombre de décès ne cesse d’augmenter. Cela est dû à plusieurs raisons : l’arrivée du variant Delta, un relâchement des mesures barrières par le public, le refus de la primo vaccination par certaines personnes, le refus de la troisième dose du vaccin par une bonne partie de la population, la reprise des cours en présentiel à l’école, l’allégement des restrictions sanitaires par les autorités, l’arrêt de la quarantaine à l’hôtel avec introduction de l’auto-isolement qui n’est pas toujours respecté et l’ouverture des frontières.

Il y a aussi une banalisation de la maladie considérée à tort comme une simple grippe par certains parce que la grande majorité des infections était asymptomatique ou paucisymptomatique (pas ou peu de symptômes) jusqu’à récemment. La population doit comprendre que la situation a maintenant changé radicalement.

Quelles sont les particularités du variant Delta ?

Le variant Delta est plus contagieux, ce qui pourrait expliquer le nombre grandissant d’infections actuellement à Maurice. Dans beaucoup de pays, suite à l’arrivée du variant Delta, ce dernier est rapidement devenu la forme prédominante, ce qui devrait arriver à Maurice aussi. D’ailleurs, les derniers séquençages pratiqués montrent que le variant Delta est déjà le variant le plus fréquemment en cause à Maurice.

L’augmentation du nombre de cas symptomatiques pourrait aussi être liée à ce nouveau variant à Maurice. Car le variant qui prévalait dans le pays jusqu’à récemment était souvent asymptomatique ou paucisymptomatique.

Est-il nécessaire de faire une troisième dose du vaccin anti-Covid ?

Le vaccin induit la synthèse d’anticorps contre le virus et ce sont ces anticorps qui vont neutraliser le virus en cas d’infection et ainsi protéger la personne vaccinée. Il faut cependant savoir que le taux d’anticorps va diminuer au fil du temps. Quand le taux d’anticorps devient trop bas, le vaccin n’est plus efficace et il faut en faire une nouvelle dose pour augmenter le taux d’anticorps à un niveau protecteur.

C’est pour cette raison qu’il faut faire une troisième dose quelques mois après la deuxième. On aura probablement à faire encore d’autres doses de rappel à l’avenir après la troisième dose. Cela est tout à fait normal et habituel pour les vaccins. Contre l’hépatite B par exemple, on doit faire trois doses de vaccin en six mois. Contre la grippe, on fait une dose de vaccin tous les ans en raison de l’apparition régulière de variants.

Dans certains pays, on assiste actuellement à une augmentation du nombre de cas graves chez des gens correctement vaccinés. Cela ne veut pas forcément dire que le vaccin n’est pas efficace. L’explication réside dans le fait que l’efficacité du vaccin diminue avec le temps et ces personnes n’ont pas eu leur troisième dose pour entretenir leur immunité. Il faut donc faire la troisième dose si on veut entretenir l’effet protecteur du vaccin.

Peut-on se faire vacciner si on est diabétique ou cardiaque ou hypertendu ou obèse ?

La présence de ces maladies associées, qu’on appelle comorbidités, augmente le risque de formes graves et éventuellement fatales du Covid-19. Donc la vaccination est encore plus importante en présence de ces comorbidités.

Certains se demandent encore s’ils peuvent se faire vacciner en cas d’allergie ?

Il faut d’abord savoir que si on est allergique à un produit, on n’est pas forcément allergique au vaccin parce que le vaccin peut ne pas contenir ce produit. Cependant, il y a des personnes qui ont un terrain allergique et peuvent être allergiques à plusieurs produits. Ces personnes-là sont donc potentiellement allergiques au vaccin. C’est la raison pour laquelle on doit bien prendre en compte ce risque avant de se faire vacciner.

On dit généralement que s’il s’agit d’une allergie mineure avec seulement un peu de démangeaison et quelques plaques rouges, on peut se faire vacciner avec quelques précautions et en informant au préalable le médecin qui va faire le vaccin. Par contre, il est en général déconseillé de se faire vacciner en cas d’allergie sévère connue avec enflure au niveau de la gorge, difficulté de respirer ou ayant nécessité une hospitalisation.

De toute façon, il faut informer le médecin avant la vaccination en cas d’allergie connue. Il existe dans les hôpitaux des médecins qui donnent leur avis sur la possibilité de vaccination en cas d’allergie connue. Si la vaccination n’est pas possible, le patient aura un document certifiant qu’il ne peut pas être vacciné.

Quels sont les traitements disponibles actuellement contre le Covid-19 ?

Il faut savoir que pour les formes asymptomatiques, c’est-à-dire sans aucun symptôme, aucun traitement n’est nécessaire, en dehors de l’isolement pour éviter la propagation du virus.

Pour les formes symptomatiques bénignes, c’est-à-dire avec des symptômes pseudo-grippaux tels que toux, courbatures, fièvre et mal de gorge, il suffit de prendre des médicaments courants comme le paracétamol et un sirop pour traiter la toux.

Lorsque le patient commence à avoir des difficultés pour respirer, les choses deviennent sérieuses. Il faut savoir que les difficultés respiratoires peuvent s’aggraver très rapidement. C’est la raison pour laquelle le patient qui commence à être gêné pour respirer doit rapidement consulter un médecin. Il doit appeler la Domiciliary Monitoring Unit pour un entretien téléphonique avec un médecin qui lui donnera des conseils et décidera s’il faut lui rendre visite et éventuellement, le transférer en milieu hospitalier.

Le traitement qui peut être prescrit à ce stade comprend la cortisone pour diminuer l’inflammation, l’oxygène pour pallier le manque d’air et un anticoagulant pour éviter la formation de caillots de sang qui pourraient boucher les artères.
Si les difficultés respiratoires persistent malgré ce traitement, on passe à l’étape supérieure avec des médicaments très spécialisés, tels que le Tocilizumab ou le Remdesivir. À ce stade, une intubation avec respiration artificielle doit être envisagée en cas d’aggravation des symptômes.

À noter que quelques médicaments commencent à être utilisés en prévention avant l’apparition des complications. Ces médicaments sont très intéressants car ils se prennent sous forme de comprimés pendant les premiers jours après le début de l’infection, avant les complications, et ne nécessitent pas d’hospitalisation. Molnupiravir, qui fait partie de cette classe de médicaments, vient d’être autorisé à la vente en Grande-Bretagne.
Il faut savoir que depuis le 5 novembre, on peut également se faire soigner en clinique parce qu’une institution privée a commencé à traiter des patients de Covid.

Quelle est la meilleure façon d’éviter le Covid-19 ?

Il n’y a pas un moyen efficace à 100%. C’est l’association de toute une panoplie de moyens qui pourra augmenter la protection contre ce virus : masque, distanciation sociale, lavage des mains ou gel hydroalcoolique, ne pas se toucher le visage avec des mains non désinfectées, bonne aération des lieux fermés, vaccin.

À ce propos, il faut savoir qu’un masque mal utilisé ne confère pas de protection. Le masque doit couvrir la bouche mais aussi le nez. Le rebord supérieur du masque contient une bande flexible sur laquelle il faut appuyer pour qu’elle épouse la forme du nez pour que le masque soit hermétique. La plupart des gens ne le font pas.

(Propos recueillis par SHARON AH FAT)

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