Les Law Lords maintiennent qu’Eco-Sud a bel et bien un Locus Standi pour contester le projet de Pointe D’Esny Lakeside Co Ltd devant l’Environment and Land Use Appeal Tribunal
« If the appeal to the Tribunal succeeds and the issue of the EIA licence is quashed, the developer could be ordered to restore the land to its original condition »
Le ministère de l’Environnement de Kavy Ramano a été débouté, hier, devant le Privy Council. Les Law Lords affirment sans équivoque que l’organisation non-gouvernementale Eco–Sud a bel et bien un Locus Standi pour contester le projet de développement résidentiel de Pointe d’Esny Lakeside Co Ltd devant l’Environment and Land Use Appeal Tribunal (ELUAT). Le Conseil privé a statué que l’ELUAT a demandé à tort à Eco–Sud de prouver un préjudice causé à ses intérêts privés afin d’établir sa qualité pour agir en vertu de l’article 54(2)(b) de l’Environment Protection Act (EPA) de 2002, soit les conditions donnant droit à l’ONG de contester l’octroi d’un permis d’Environment Impact Assessment (EIA).
Ce projet porte sur la construction d’un développement résidentiel comprenant 172 villas, 278 appartements et Penthouses, 100 duplex, 105 lots services avec commodités associées, le site s’étendant jusqu’à 70,9 hectares, situé derrière la route côtière bordant le lagon de Pointe d’Esny et à moins de 235 mètres du site Ramsar. Le site en question comprend également de Environmentally Sensitive Areas (ESA). Comme pour mieux situer l’enjeu sur le front de l’environnement.
Le Privy Council a exprimé sa préoccupation devant le fait que la construction de ce vaste chantier s’est poursuivie malgré que les procédures de contestation légale en cours avec la possibilité que l’ELUAT ne décide qu’Eco–Sud soit en droit de résister ce permis EIA ou encore que la décision du ministre de l’Environnement, Kavy Ramano d’approuver ce permis soit « set aside ».
« The environment is of vital importance to every person in Mauritius. The obligation under section 2 of the EPA 2002, for every person in Mauritius to use their best endeavours to care responsibly for the natural environment, applies to all the parties to this appeal. The obligation to care responsibly includes an obligation to respect the procedural safeguards enacted by the legislature. The procedural safeguard of an appeal to the Tribunal is potentially undermined by the developer attempting to pre-empt the Tribunal’s decision by proceeding with the development and amounts to a failure to care responsibly for the natural environment », soutiennent de manière catégorique les Law Lords.
Dans cette affaire, le ministre de l’Environnement avait accordé en janvier 2019 cet EIA à Pointe d’Esny Lakeside Co Ltd. L’ONG Eco–Sud s’était opposée à l’octroi de ce permis et avait interjeté l’appel devant l’ELUAT. Le tribunal allait toutefois statuer que l’ONG n’avait pas de Locus Standi pour interjeter appel car elle ne satisfaisait pas aux critères énoncés à l’article 54(2) de l’EPA, notamment qu’Eco–Sud n’avait pas démontré qu’en tant qu’organisation, elle était lésée par l’octroi de cette licence et était susceptible de lui causer un préjudice.
Eco–Sud avait saisi la Cour suprême pour interjeter appel contre la décision de l’ElUAT. Les juges Hamuth-Laulloo et Naidoo avaient en juillet de l’année dernière conclu que le critère de qualité pour agir, appliqué par le tribunal, était trop restrictif et qu’une approche plus libérale en matière de qualité pour agir était nécessaire. La Cour suprême avait renvoyé l’affaire au tribunal pour que celui-ci décide si Eco–Sud avait un Locus Standi suffisant au regard des principes énoncés dans son jugement. Le ministère allait saisir le Privy Council mettant en avant qu’Eco–Sud n’avait pas le droit de faire appel de l’ELUAT pour contester ce permis EIA.
« If prejudice were confined to economic prejudice or prejudice to a private interest, then in the example of a remote idyllic wilderness there would be no-one allowed to speak up on its behalf in an appeal to the Tribunal. Furthermore, the Tribunal would be powerless to protect the environment. The larger purpose of the EPA 2002 would be thwarted…. The Board rejects the submission that prejudice in section 54(2)(b) of the EPA 2002 is confined to economic prejudice and prejudice to a private interest », note encore le Conseil privé.
Les Law Lords soulignent qu’Eco–Sud est d’abord une association qui milite et prend des mesures pour la protection de l’environnement à Maurice et possède une expertise en matière de protection des zones humides et de protection du Ramsar Site. « Une association qui existe pour protéger l’environnement a intérêt à la préservation de l’environnement. Le fait que le ministre approuve l’octroi d’une licence EIA au promoteur met en danger les environnements dans lesquels Eco-Sud a un réel intérêt », mettent-ils en avant dans leur jugement.
« There has been no appeal from the Supreme Court’s decision that the Tribunal misconstrued the meaning of pleadings so as to exclude Eco-Sud’s statements in reply filed pursuant to paragraph 5(4)(ae) of the 2012 Act. The Tribunal incorrectly required Eco-Sud to prove prejudice to its private interests in order to establish standing under section 54(2)(b) of the EPA 2002. Accordingly, the Supreme court was correct to quash the Tribunal’s order », conclut le Privy Council, rejetant ainsi l’appel de Kavy Ramano.
Sébastien Sauvage (Eco-Sud) : « Un jour historique ! »
« C’est un jour historique ! Le jugement du Privy Council va marquer l’histoire de Maurice et son rapport à l’environnement. Le Privy Council est venu reconnaître que la Cour suprême avait donné un bon jugement. Cela vient aussi élargir le Locus Standi pour défendre la nature. Le Privy Council reconnaît que la demande d’Eco Sud était légitime.
« Je suis très heureux de voir comment les citoyens peuvent faire bouger le statu quo. Ce jugement deviendra une jurisprudence et surtout, portant le sceau du Privy Council. Il y a toujours eu une mentalité à Maurice visant à mettre en avant le préjudice économique. Aujourd’hui, il nous faut avoir un autre rapport à l’environnement. Avec l’urgence environnementale, c’est devenu vital.
La crise environnementale aggrave la crise sociale et ce sont ceux en situation de vulnérabilité qui sont les plus impactés. Malheureusement, il y a des gens qui sont prêts à exploiter la nature sans prendre en considération tous les impacts. Aujourd’hui, les citoyens pourront se mettre debout pour défendre notre patrimoine naturel.
« Je remercie tous les citoyens qui ont soutenu Eco-Sud dans ce combat, d’une manière ou d’une autre, ainsi que notre équipe légale. »