À vendredi soir, après une semaine de débats, tant au Parlement qu’en dehors, tout a été dit sur les forces et les faiblesses de ce dernier budget présenté par le gouvernement avant les prochaines élections législatives. L’attention avait bien entendu été retenue par les parlementaires où, en fin de compte, tous les députés ont pris la parole, y compris ceux qui étaient suspendus lors de la présentation du budget par le ministre des Finances vendredi dernier, notamment Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan, Shakeel Mohamed et Patrick Assirvaden. Arvin Boolell, qui a repris les fonctions de leader de l’opposition, a donné le coup d’envoi des débats lundi dernier, mais il n’a pas toutefois eu la tâche facile concernant les Private Notice Questions, qui auront touché des points sensibles. Visiblement, ses principaux adversaires dans le cadre de cet exercice à haute tension n’auront pas été les ministres concernés, mais le Speaker, qui a fait barrage aux questions les plus délicates en donnant une interprétation stricte et répressive des Standing Orders. Il donne l’impression quelquefois qu’il n’y a jamais eu de Speaker de l’Assemblée législative depuis l’indépendance.
Le problème est que depuis le début de l’actuelle session parlementaire, les relations entre les membres de l’opposition sont allées de mal en pis. Ce qui a donné lieu à un conflit permanent sans concession de part et d’autre, sauf cette semaine, où les parlementaires ont joué le jeu de l’injonction « withdraw and apologize », qui a été prononcée on ne sait combien de fois cette semaine afin de ne pas être exclu des débats parlementaires. Vendredi après-midi, le leader de l’opposition a été « named » pour avoir fait un geste qui a déplu au Speaker alors qu’il quittait l’hémicycle après en avoir été expulsé. Il a été suspendu pour deux sessions du Parlement. Où allons-nous ? On a tendance à croire que « there is something rotten in the kingdom of Denmark », comme l’écrivait Shakespeare dans Hamlet. En ce qui concerne le budget, personne ne nie qu’il contient des mesures populaires. La chaîne de télévision de l’Assemblée nationale nous l’a rappelé plusieurs fois par jour durant la semaine. Il est évident que le gouvernement a, par le biais de son ministre des Finances, fait son maximum pour alimenter la campagne électorale en cours et pour essayer de piéger l’opposition parlementaire, qui avait déjà il y a peu présenté les 20 principaux points de son programme électoral. En vérité, fidèle à son habitude, le ministre des Finances utilise à fond la consommation pour relancer l’économie en vue d’une croissance économique qu’il estime à 6,5% cette année. D’ailleurs, Maurice Stratégie, qui tombe directement sous le ministère des Finances, prévoit que les dépenses publiques devraient être les principales contributrices à la croissance, soit à hauteur de 3,8%. Cette institution consacrée à la recherche stratégique prévoit que dans le même temps, la consommation augmentera de 2,3 points de pourcentage, le tourisme de 1,9 pp, l’investissement privé de 1,6 pp, l’exportation de services (hors tourisme) de 1,5 pp, l’investissement public de 0,6 pp et les exportations de biens de 0,5 pp.
Les mesures sociales annoncées, notamment l’augmentation des pensions de base, de la CSG, de l’allocation scolaire et de la maternité, devraient, elles, contribuer à hauteur de 1 pp au PIB. Pour l’année civile 2024, Maurice Stratégie maintient sa projection d’un taux de croissance du PIB de 6,5%. Mais le ministre des Finances prévoit que le PIB pourrait atteindre un trillion de roupies en 2026. Cependant, l’inquiétude subsiste, d’autant que le ministre estime impossible de freiner l’endettement et qu’il ne donne aucune garantie à l’effet que le taux de la roupie ne connaîtra aucun affaiblissement.
L’économiste Pierre Dinan rappelle qu’entre 2014 et 2023, la roupie s’est dépréciée de 46,9%. « This is just to show you how we need to be very careful. La valeur de la roupie donne une autre perspective à tous les chiffres avancés par le gouvernement », affirme-t-il en guise de mise en garde. Malgré le budget, nous vivons une période d’incertitude. Plus vite les élections seront organisées, et mieux ce sera, quel que soit le gouvernement qui prendra le pouvoir.