Le bureau du directeur de l’Audit, dont la devise est “Making a difference to the lives of citizens”, a publié son rapport sur la gestion des dépenses publiques pour l’exercice 2022-23. Ce rapport, qui a été rendu public avec une semaine de retard, prenant en compte qu’il l’est généralement à la reprise des travaux parlementaires, au mois de mars, a surtout le mérite de mettre en lumière tout ce que, tout le long de l’année, on a tendance à cacher sous le tapis. De plus, il vient confirmer que l’analyse de la performance économique et de la gouvernance du pays dépend largement de l’angle d’où on se place pour faire nos observations. Ce rapport nous rappelle ainsi en quelque sorte à l’histoire des Six aveugles et l’éléphant, une allégorie qui peut s’appliquer merveilleusement très bien à Maurice, surtout en cette période préélectorale. Vu de la Banque de Maurice et des institutions internationales, tout va pour le mieux à Maurice, ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait faux.
Le pays a en effet connu en 2023 une croissance solide à 7,3% au quatrième trimestre de l’année. De grands projets d’infrastructures sont en cours et les revenus touristiques se portent bien, s’élevant à quelque Rs 86 milliards, preuve que les arrivées touristiques sont robustes. Les prévisions de croissance pour cette année tournent, elles, autour de 6,5%. Quant aux réserves internationales, elles sont confortables et représentent 11 semaines d’importations. En gros, le pays a retrouvé son dynamisme d’avant la pandémie. Le rapport de l’Audit vient cependant nous montrer que, derrière l’image que projette le pays, à l’effet que tout va bien et qu’à Maurice, « tou dimounn bien kontan », se cache en réalité une dégradation de la gouvernance. Le directeur de l’Audit, Dharamraj Paligadu, n’y va pas avec le dos de la cuillère dans la présentation de son rapport. « Despite sont Rs 178 billion have been spent for financial year 2022-23 there are delays in project implementation of essential services which caused harm to the population. » Il cite le fait que 96% des projets de drains de la National Development Unit attendaient encore d’être mis en œuvre en 2022-23, même si on ne sait quelle est la position à l’heure actuelle. De plus, le projet de connectivité Internet pour les institutions secondaires n’avait toujours pas été implémenté à la fin de la dernière année financière. Il a par la même occasion souligné que le personnel dont il disposait était nettement inadéquat. L’ancien directeur de l’Audit Kadress Pillay démontre, lui, que la gouvernance s’est sensiblement dégradée à Maurice au fil des ans.
« La gouvernance est un reflet de la démocratie, et la démocratie est un reflet du respect qu’on a pour le peuple. Si le directeur de l’Audit répète la même chose chaque année, il est en train de dire que la démocratie fout le camp à Maurice. On a perdu le respect pour le peuple », dit-il. De plus, tenant compte que le rapport de l’Audit se base sur un échantillon, les constats du présent rapport ne constituent dès lors, selon lui, que le sommet de l’iceberg. Une situation qu’il attribue à une perte sensible des valeurs au niveau de la fonction publique, à la surpolitisation des fonctionnaires et à la centralisation de l’administration publique. Entre-temps, la campagne politique bat son plein et les partis de la majorité multiplient les initiatives et les cadeaux. D’aucuns sont curieux de savoir quelles sont les mesures populaires qui ont été gardées pour le prochain budget. De leurs côtés, les partis de l’opposition – le Ptr, le MMM et le PMSD – semblaient en cette fin de semaine passer par une crise concernant la répartition des tickets ainsi que sur le placement des candidats dans les différentes circonscriptions.
Tous les regards sont actuellement tournés vers cette alliance, qui se présente comme une alternative au pouvoir actuel, pour voir comment il compte surmonter cette crise et se présenter comme un front uni contre le gouvernement actuel. Leur décision pèsera lourd dans les résultats des élections à venir.