Chundraprakash Vinay Dussoye est le président de la Global Organization of People of Indian Origin (GOPIO) Mauritius depuis 1995. Malgré le fait que cette organisation ne perçoive pas de subvention financière de l’État, elle continue de militer en faveur de la protection de l’environnement, la reconnaissance de la culture et les traditions ancestrales. Elle se propose aussi de mener une croisade contre l’abus de l’alcool et le fléau de la drogue dans le pays dès le début l’année prochaine.
Dans le cadre des activités marquant le 25e anniversaire de l’existence de GOPIO Mauritius, cet enseignant et président actuel de l’Indo-Mauritius Friendship Foundation raconte les circonstances dans lesquelles Maurice a obtenu un statut privilégié au sein de la plateforme internationale de la diaspora indienne. Cet habitant de Triolet et travailleur social depuis 45 ans souligne qu’en tant que président de GOPIO Mauritius, il doit ratisser large et ne faire aucune distinction par rapport à la couche sociale. « Si je me présente aujourd’hui comme le président de GOPIO Mauritius, cela veut dire que je représente toute la grande famille des PIO du pays, y compris ce coupeur de canne de l’Escalier, ce pêcheur de Tamarin, ce marchand de légumes de Cap-Malheureux », dit-il.
Depuis combien de temps GOPIO Mauritius s’est-elle implantée à Maurice ?
GOPIO Mauritius fête ses 25 ans d’existence cette année. Cette organisation a commencé à prendre forme en 1995 et en 1996. Elle a accueilli la quatrième convention internationale de GOPIO, après celles de New York en 1989, de Paris en 1991, de Montréal en 1994. C’est feu Dhundev Bauhadoor qui avait représenté Maurice au sein de ces conventions en sa qualité de PIO (People of Indian Origin) de Maurice.
Ce n’est qu’en 1997 que GOPIO Mauritius s’est fait enregistrer officiellement auprès de la Registrar of Associations et, depuis, GOPIO Mauritius est devenue une organisation non-gouvernementale à plein-temps et feu Dhundev Bauhadoor a été le premier président de GOPIO Mauritius. C’est à partir de là que GOPIO Mauritius a commencé à prendre son envol. Nous avons eu les encouragements du regretté Selvaraju Sundaram de la Malaisie.
GOPIO Mauritius a été aussi le cofondateur avec GOPIO Malaisie de la plateforme internationale de GOPIO pour la région de l’Asie, l’Afrique et l’Europe. GOPIO Mauritius est reconnue maintenant sur la carte internationale. Nous poursuivons le travail sans relâche pour maintenir l’unité, la fraternité et le progrès pour un monde meilleur.
Quelles sont les activités qui sont inscrites au programme des célébrations du 25e anniversaire de la naissance de GOPIO Mauritius ?
Au fait, plusieurs activités ont déjà démarré pour marquer cet événement d’une pierre blanche. Les activités sont organisées sur les plans social, culturel, artistique et éducatif au niveau national et régional. Nous avons déjà, par exemple, démarré la plantation d’arbres à travers l’île et dans l’enceinte des institutions scolaires afin de sensibiliser les jeunes à la nécessité de protéger l’environnement. Ce programme de reboisement, qui avait démarré en octobre 2021 à Montagne-Longue, prendra fin en août 2023.
Nous avons organisé en juin dernier un concours de rédaction en hindi et en anglais à l’intention des élèves du secondaire. Nous avons aussi démarré un programme de sensibilisation sur la nécessité de se maintenir en bonne santé avec une attention particulière sur la médecine traditionnelle qui est au fait à la portée de tout le monde.
Nous avons aussi organisé des récitations de poèmes, des séances d’interactions entre les jeunes et les personnes âgées. Sont aussi inscrits au programme un webinaire international en octobre prochain avec la participation de la diaspora indienne de divers pays, une conférence internationale virtuelle sur la culture en mars 2023, la tenue de l’International GOPIO Steering Committee à Maurice en décembre prochain, la publication d’un magazine souvenir pour marquer les 25 ans de GOPIO Mauritius, la présentation de deux pièces de théâtre en hindi en octobre.
Je dois faire ressortir que dans le cadre de cette célébration, l’Indo-Mauritius Friendship Foundation de New Delhi et GOPIO Mauritius ont décidé d’organiser six activités en Inde. Deux ont déjà eu lieu. Les quatre autres activités à venir concernent la distribution de couvertures aux opprimés de la société. En tant que président de GOPIO Mauritius, j’ai été invité à animer deux causeries au sein d’un group discussion sur la diaspora indienne, le PIO Tourism, la culture et sur le support mutuel qui aura lieu à Lucknow, New Delhi et Varanasi.
Justement, quelle est la différence entre GOPIO Mauritius et GOPIO international ?
Pour répondre à cette question, je pense qu’il faut tout d’abord remonter le temps. Le mouvement GOPIO avait démarré dans le monde entre 1989 et 1990. Lors de la première convention des pays PIO, nous sommes tombés d’accord sur trois points distincts, à savoir que :
tous les PIO du monde devraient être chapeautés sous une seule organisation afin de consolider les liens existants et, en même, continuer à militer en faveur de l’humanité ; (chaque organisation se trouvant dans son pays doit organiser des activités à l’intention de ses membres, et
créer une plateforme internationale où chaque pays sera représenté, comme la Malaisie par GOPIO Malaisie, La-Réunion par GOPIO Réunion, ainsi de suite.
Sur le plan international, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres GOPIO qui regroupent des pays PIO. Cette plateforme est gérée par le GOPIO Steering Committee. Sans pour autant nous ingérer dans les activités internes, nous discutons des sujets communs et des stratégies pour le bien de tout le monde. GOPIO Country Chapters est le moteur de cette plateforme internationale.
Qui sont ceux qui sont éligibles pour une Overseas Citizen of India Card ?
Toute personne âgée de 18 ans ou plus et qui est descendante d’un travailleur engagé indien venu travailler dans les champs de canne. C’est assez facile d’obtenir cette carte. Il faut d’abord que la personne apporte la preuve que ses grands-parents étaient venus à Maurice comme travailleurs engagés. Pour cela, il faut que la personne se rende au bureau de l’État civil avec sa carte d’identité pour retracer ses origines.
Après avoir obtenu les documents appropriés, c’est-à-dire les extraits de naissance de ses grands-parents qui sont nés à Maurice et ses ascendants en provenance de l’Inde, il faut que la personne se rende au bureau des archives du Mahatma Gandhi Institute pour obtenir un certificat retraçant ses racines. Après avoir obtenu tous les documents appropriés, la personne peut alors faire une demande en ligne sur le site web de la High Commission of India OCI Card.
Quelle est la différence entre la PIO Card et l’OCI Card ?
Il y a, au fait, deux catégories de gens qui ont quitté l’Inde pour s’établir dans un autre pays. La première concerne les travailleurs engagés et la seconde les gens qui sont nés en Inde mais qui ont adopté un autre pays. Les descendants de la première catégorie deviennent ainsi automatiquement des People of Indian Origin (PIO). La seconde catégorie est celle des Non-Resident Indians (NRI). Voilà pourquoi, il fallait faire cette distinction.
Le gouvernement indien a, au fait, agréé la demande de la plateforme internationale de GOPIO, qui regroupe les GOPIO Chapters du monde pour mettre les détenteurs de la PIO Card et les NRI sur un pied d’égalité. C’est pourquoi maintenant les autorités indiennes ont décidé d’aller de l’avant avec un seul type de carte, soit l’Overseas Citizen of India (OCI).
Quelle est votre mission au sein de GOPIO Mauritius ?
Ma mission principale, en tant que président de GOPIO Mauritius, est de regrouper tous les PIO de Maurice pour qu’elles puissent marcher main dans la main pour l’avancement du pays. Très souvent, nous avons tendance à oublier la majorité et nous nous entourons de quelques personnes qui sont, soi-disant, des intellectuels. Si je me présente aujourd’hui comme le président de GOPIO Mauritius, cela veut dire que je représente toute la grande famille des PIO du pays, y compris ce coupeur de canne de L’Escalier, le pêcheur de Tamarin, le marchand de légumes de Cap-Malheureux. Cette attention doit se refléter dans mon action.
En tant que président, je n’ai pas le droit moral de choisir les gens qui porte une cravate, qui dispose d’une belle voiture ou d’un bon poste de travail pour faire partie de GOPIO Mauritius. Je ne fais de distinction entre l’homme à la cravate et le coupeur de canne.
Pour moi, ce qui est important, c’est que tous nos membres ont le même droit, la même considération. Pena gran tipti, pour ainsi dire. C’est cela ma philosophie, mon guide et celui de mon équipe pour faire le travail à travers le pays. Je reste donc en communication avec un maximum de gens. Cela nous permet ainsi d’organiser plusieurs programmes à travers le pays, malgré le fait que GOPIO Mauritius ne perçoive pas de subside du gouvernement ou de subventions de la part d’autres institutions.
Pourquoi avoir mis l’accent sur la mise en terre de plantes à l’occasion de la célébration du 25e anniversaire de GOPIO Mauritius ?
Nous sommes tous attirés par la nature et très concernés aussi par rapport à ce qui passe à notre environnement. La nature représente la gaieté, la tranquillité, l’amour, l’avenir. Aujourd’hui, à cause des actions irréfléchies de l’homme, nous sommes en train de faire un tort immense à la nature. C’est un très mauvais signal pour l’humanité dans son ensemble.
Ce qui se passe dans le monde nous interpelle et c’est pourquoi il faut agir maintenant pour redresser la situation. C’est pourquoi, dans le cadre de la célébration de notre anniversaire, nous avons décidé d’appliquer le Tree Planting Program dans 75 différents endroits à travers le pays jusqu’à août 2023. Notre message est très simple. Nous avons le moyen de protéger notre environnement. Si on part avec le principe que si tous les Mauriciens, à l’occasion de son anniversaire, mettent en terre une plante, ce sera une grande avancée pour la nature et le reboisement de l’île.
Si chaque membre d’une famille adopte ce geste noble, ce sera aussi une autre façon de dire un grand merci à la nature et à cette terre nourricière. Le message de GOPIO Mauritius, à l’occasion de ses 25 ans, est « Enn laniverser, Enn plant. Sa mem nou kado laniverser ». Je profite de l’occasion pour lancer ainsi un appel à tous les Mauriciens pour qu’ils mettent en terre un plant à chaque fois qu’on célèbre notre anniversaire.
Quel est le rôle et l’influence de GOPIO Mauritius dans la plateforme internationale de la diaspora indienne ?
Maurice dispose d’une population qui est majoritairement constituée de PIO. C’est déjà une force en elle-même. Il faut cependant bien jouer son rôle comme il se doit pour mener le pays à bon port. Il n’y a pas de doute GOPIO Mauritius a une influence dans la plateforme internationale de GOPIO. Dès le début, GOPIO Mauritius a eu une grande influence sur la plateforme internationale.
A ce jour, la plateforme internationale a organisé une quinzaine de conventions, Maurice a abrité au moins trois conventions. En sus de cela, le pays a accueilli un mini PBD, qui est organisé par le gouvernement indien et a abrité plusieurs conférences importantes sur les plan national, régional et international. Le potentiel et la capacité de travail de GOPIO Mauritius ont, d’ailleurs, été reconnus comme la PIO Capital de la diaspora indienne.
Je dois rappeler en même temps que Singapour est actuellement considéré comme capital de l’Overseas Chinese diaspora. D’ailleurs, ce titre a été approuvé à l’unanimité et annoncée lors d’une convention de GOPIO qui a eu lieu à Maurice en 2003. Maurice est un pays trilingue. À part le créole et le bhojpuri, on parle aussi l’anglais, le français et une autre langue indienne assez facilement. C’est un facteur indéniable qui a propulsé Maurice et GOPIO Mauritius au rang de leader. Ainsi, le Premier ministre de Maurice devient de facto le président d’honneur de la plateforme internationale de GOPIO.
Je pense que c’est un exemple qui démontre notre rôle et l’influence de GOPIO Mauritius dans la diaspora PIO. La première phase de l’action de GOPIO Mauritius qui se concentrait sur la reconnaissance officielle a déjà pris fin. GOPIO Mauritius est entrée maintenant dans la deuxième phase qui consiste à mettre des points en avant afin de faire face à de nouveaux défis.
Je suppose que votre parcours n’a pas été de tout repos. Quels sont les moments de déception et de satisfaction durant votre présidence ?
Depuis que j’occupe la présidence de GOPIO Mauritius, je dois dire que j’ai eu des moments de satisfaction par rapport au travail que j’ai accompli jusqu’ici. Il y a eu d’abord l’annonce du Premier ministre indien, Narendra Modi, lors de son discours à l’ouverture du Pravasi Bharatir Divas (PBD) à Bangalore en 2017. Il avait annoncé l’OCI Card pour Maurice.
En fait, la PIO Card est remplacée par l’OCI Card et d’après les nouveaux règlements, la génération actuelle des PIO de Maurice n’était pas éligible pour obtenir cette nouvelle carte. GOPIO Mauritius a ainsi fait une demande spéciale au Premier ministre de l’Inde pour faire une exception pour Maurice et notre demande a été agréée. La question de l’OCI Card pour Maurice était un moment extraordinaire pour Maurice lors du PBD de 2017. D’ailleurs, je dois préciser que Maurice est le seul pays PIO qui a bénéficié de l’OCI Card actuellement.
Le deuxième événement, que je considère inoubliable, est intervenu le 21 mai 2016 lorsque GOPIO Mauritius, en collaboration avec le PIO World, avait décidé d’honorer feu sir Anerood Jugnauth comme The most outstanding PIO of the world pour service rendu au Parlement, comme freedom fighter, comme Premier ministre, comme président de la Republique et pour son strong leadership en tant que chef de famille. Son parcours a fait honneur à la diaspora PIO. Sa vision et sa détermination nous ont toujours inspirés. Cette award de GOPIO Mauritius était inoubliable et empreinte d’émotions. Il n’y a pas eu de déception de mon côté as such.
Aujourd’hui, je suis content de voir d’autres personnes et associations qui s’associent à GOPIO Mauritius. Cela fait vraiment chaud au cœur. C’est une preuve que GOPIO Mauritius est en train de bouger dans la bonne direction depuis 25 ans.
Je dois aussi faire ressortir qu’on avait ressenti un petit regret en 2013 lorsque le gouvernement d’alors, à travers le ministère des Arts et de la Culture, s’occupait du dossier PIO. Il n’y a pas eu de support du gouvernement à l’occasion de la 12e convention internationale de GOPIO en décembre 213 à Maurice et cela, malgré le fait qu’il y ait eu une réunion positive bien avant la tenue de cet événement. Cette décision n’était pas dans l’intérêt de Maurice.
Parlez-vous un peu des réalisations de GOPIO Mauritius jusqu’ici ?
Même si la diaspora indienne est une des plus vieilles diasporas du monde, je dois dire que récemment, plus exactement dans les années 90, elle a pris l’initiative de s’organiser comme un Global Representative Body et la charte internationale a été finalement approuvée lors de la convention internationale de GOPIO qui a eu lieu à Montréal au Canada en 1994. Il y a 30 ans, les pays PIO ne se connaissaient pas. Chacun évoluait dans son propre coin mais avec l’avènement de GOPIO, la situation a changé complètement.
Aujourd’hui, nous évoluons au sein d’une grande famille. Cette relation d’amitié est en train de se consolider de jour en jour. Aujourd’hui, lorsque nous nous rendons, par exemple, en Malaisie, au Népal, en Afrique du Sud ou dans d’autres pays de la diaspora indienne, nous ne nous sentons pas isolés. Nous savons qu’il y aura quelqu’un qui va nous accueillir à l’aéroport. Le développement de ce lien d’amitié et de fraternité entre la famille GOPIO est extraordinaire. Pour moi, personnellement, c’est cela le plus grand achèvement.
Sur quoi, GOPIO Mauritius va-t-elle se focaliser à l’avenir ?
Notre première d’action était concentrée sur le Global Awareness de la diaspora indienne qui regroupe environ 30 millions de gens à travers le monde. Ils sont répartis dans 120 pays. Ce mouvement a émergé comme une organisation apolitique, ayant une charte.
Au niveau international, notre plan d’action va se focaliser sur la croissance socio-économique, l’engagement des jeunes dans les activités de GOPIO, la culture de l’entrepreneuriat, la création d’un forum académique et la culture de leadership. Sur le plan local, la fin de nos activités est prévue pour août 2023. Notre programme d’action sera alors concentré sur les personnes âgées et les jeunes.
Nos grands-parents ont consacré beaucoup de leur temps à la préservation de la culture, aux valeurs, traditions, langues et à la consolidation de l’entente familiale. Maintenant, les personnes âgées n’ont pas eu la reconnaissance voulue. C’est pourquoi GOPIO Mauritius est en train de préparer une série d’activités pour mettre en valeur la contribution de nos grands-parents.
Aussi, nous avons l’intention de lancer l’année prochaine un programme de sensibilisation à travers le pays sur les méfaits de la drogue et l’alcool. Nous allons poursuivre également notre programme de tree planting. Nous allons démarrer une campagne pour promouvoir le PIO Tourism dans les deux sens. Nous allons ainsi travailler en étroite collaboration avec le ministère du Tourisme, la MTPA et Air Mauritius. Nous allons, de plus, préparer notre participation au PBD 2023 qui sera organisé en Inde. Nous allons promouvoir le concept Vasudhaiv Kutumbakum, ce qui veut dire en d’autres termes The World is one family.
Les activités de GOPIO sont, au fait, inspirées par ce concept. Je pense personnellement que GOPIO, en tant qu’institution internationale, est en meilleure position pour ouvrir le dialogue avec les autres diasporas du monde afin d’échanger des points de vue pour connaître nos forces et faiblesses. Le but est de préparer un programme en commun pour promouvoir la paix dans le monde. Et de construire le monde en une famille.
« Le développement de ce lien d’amitié et de fraternité entre la famille GOPIO est extraordinaire. Pour moi, personnellement, c’est cela le plus grand achèvement »
« Nous allons aussi démarrer une campagne pour promouvoir le “PIO Tourism” dans les deux sens. Nous allons ainsi travailler en étroite collaboration avec le ministère du Tourisme, la MTPA et Air Mauritius. Nous allons, de plus, préparer notre participation au PBD 2023 qui sera organisé en Inde »
« Je ne fais pas de distinction entre l’homme à la cravate et le coupeur de canne. Pour moi, ce qui est important, c’est que tous nos membres ont le même droit, la même considération. Pena gran tipti, pour ainsi dire »