Nous avons appris par le biais d’une brève diplomatique du Foreign and Commonwealth Office de Londres que le Premier ministre britannique Rishi Sunak a eu une conversation téléphonique avec son homologue mauricien, Pravind Jugnauth. « The leaders assessed the progress made so far in the negotiations between Mauritius and the UK on the exercise of sovereignty over the British Indian Ocean Territory/the Chagos Archipelago. The Prime Minister reassured the Mauritian Prime Minister that the UK remains committed to a mutually beneficial outcome on BIOT and their teams look forward to continuing to work on this. »
Ce n’est pas la première fois que le Foreign Office publie un communiqué de ce genre. La question qu’on est tenté de se poser est de savoir : « Qu’est-ce qu’il y a de nouveau depuis que le Premier ministre mauricien et le PMO britannique ont annoncé l’ouverture de négociations sur la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos ? » L’ouverture de ces discussions, annoncée auparavant dans le message adressé par le Premier ministre à la nation, avait créé un nouvel espoir concernant l’exercice de la souveraineté sur l’archipel sans remettre en cause la base militaire américaine de Diego Garcia. L’annonce de cette semaine intervient quelques jours après l’intervention de Pravind Jugnauth au Sommet de l’Union africaine, durant laquelle il a fait le constat qu’aucun progrès concret n’a été noté concernant l’évolution des négociations en cours.
Il suggérait que le Royaume-Uni tentait de retarder la conclusion d’un accord. Nous sommes curieux de savoir ce qui a évolué après l’entretien téléphonique entre les deux dirigeants. Nous aimerions bien savoir ce que se cache derrière le terme « committed to a mutually beneficial outcome on BIOT ». Notons que la Grande-Bretagne continue d’utiliser ce terme (BIOT) malgré le jugement, même consultatif, de la CIJ et les résolutions adoptées à l’Assemblée générale des Nations Unies.
Puisque les deux interlocuteurs semblent se murer dans le silence et pratiquer une politique « nou dakor pou pa dir, nou pa pou dir », toutes les spéculations sont permises. On peut donc se livrer à coeur de joie en posant les questions suivantes : est-ce que, dans le cadre des discussions, Rishi Sunak s’est démarqué de son Foreign Secretary ? (Ce dernier, on se souvient, avait le mois dernier adopté la ligne dure en mettant de l’avant l’importance de la sécurité dans la région) La Grande-Bretagne souhaiterait-elle une cogestion de l’archipel ou accepterait-elle que Maurice exerce sa pleine souveraineté sur les îles des Chagos, sauf Diego Garcia ? Puisque Maurice insiste pour exercer sa souveraineté sur tout l’archipel, y compris Diego Garcia, qui continuerait d’abriter la base militaire américaine, les négociations buttent-elles sur la location qui devrait être payée à Maurice par les Etats-Unis ? Alors que Rishi Sunak se prépare à se rendre aux élections générales au Royaume-Uni, aurait-il souhaité que le dossier des Chagos soit résolu après les élections ? Et quid de la position mauricienne, puisqu’il est évident que le Premier ministre mauricien aurait souhaité, pour sa part, que cette question soit réglée avant les élections à Maurice ?
Entre-temps, on suit de près ce qui se passe aux Falklands, qui ont reçu pour la première fois depuis 30 ans la visite d’un Foreign Secretary en la personne de David Cameron. Là-bas aussi, le nouveau président argentin Javier Milei a fait part de son intention de « récupérer » les Malouines de manière diplomatique. David Cameron, lui, y joue la carte de l’autodétermination. Il mise sur le fait que les 2 000 habitants des Malouines se soient prononcés en faveur du maintien sous le contrôle britannique en 2013.
Esperons qu’à la rentrée parlementaire, on pourra avoir un éclairage concernant ces négociations, qui tirent en longueur, alors qu’on attendait des conclusions depuis l’année dernière. Les interpellations d’Arianne Navarre-Marie et de Nando Bodha n’avaient pas débouché sur grand-chose l’année dernière. Le Premier ministre se lâchera-t-il cette fois ?