Ceteris Paribus* ? (*Toutes choses étant égales par ailleurs?) (I)

L’économie encore et toujours! Je ne suis pas économiste mais cette discipline est toujours

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Davin Appanah

une source d’inspiration utile (mais souvent inexacte) pour toute personne voulant comprendre la finance, les marchés et la microstructure des prix. La théorie économique a certes été très vivace en termes de recherche mathématique. Pendant longtemps, on l’appelait science sociale, voire l’économie politique. Avec l’avènement de Léon Walras et son équilibre général, l’élégance mathématique est devenue le maître mot de toute publication qui se veut sérieuse. De nos jours, presque tout le monde se dit économiste; la réflexion économique est devenue diffuse, floue par moments et dominée par les doctrines, selon les interlocuteurs. À Maurice, on a nos « stars » de l’économie; ils sont au gouvernement, dans l’opposition (en attendant un poste…), dans le privé ou sur le plus grand réseau social. On reconnaît leurs analyses suivant leur positionnement au sein de l’intelligentsia locale. Tout le monde y va de sa prédiction économique digne du tarologue russe qui sévit en ce moment à Maurice. On débat sur l’effet multiplicateur, la croissance, la réforme électorale ou la stratégie pour être un pays à haut revenu. Les explications sont multiples mais souvent erronées. Ce qui me fait penser à la fameuse blague : « L’Économie est la seule discipline où deux personnes peuvent partager le même prix Nobel en racontant des choses complètement opposées. » Cependant, il serait injuste de décréter que l’économie serait un domaine inutile, voire uniquement réservée aux personnes voulant faire passer une idéologie spécifique. Donc qu’est-ce que l’économie de nos jours ? Qu’est-ce qui marche vraiment en économie?

L’économie, une Science ?

Pendant longtemps, les spécialistes ont cru que l’économie n’était pas une science (j’en faisais partie). Mais force est de constater que ce phénomène a changé car la méthode de validation, c’est-à-dire la manière d’accepter ou de refuser une conclusion, est devenue semblable à d’autres disciplines scientifiques. L’accès à de très grandes bases de données et la capacité de machine rendent le traitement scientifique de l’économie plus réalisable. Cependant, cette discipline semble se transformer davantage en une science expérimentale avec une forte dose de non-linéarité comportementale. La révolution expérimentale a produit des connaissances sur un grand nombre de sujets. Ces connaissances ont remis en cause les croyances des partis politiques, patrons ou autres intérêts privés. En économie, il existe deux boucs-émissaires historiques : pour les uns, ce sont les marchés financiers et pour les autres c’est l’État. Au final, cette discipline a pour but de mettre en évidence des relations de cause à effet. Il est évident que si on n’adopte pas une rigueur scientifique alors l’économie n’échappera pas aux tentatives de manipulation de la part des intérêts financiers ou des positions de pouvoir. La méthode de validation ayant eu cours depuis de nombreuses années est l’économétrie, qui est tout simplement de la statistique appliquée aux séries (données) temporelles. La méthode est plutôt simple, on réunit des quantités diverses et on essaie de trouver la relation qui gouverne une variable à d’autres par des méthodes linéaires ou pas. Dès lors, on va tester ces relations selon des critères statistiques bien précis pour arriver à une conclusion significative. On commence par tester les modèles possibles qu’on va utiliser, enlever toute tendance dans les données, saisonnalité, vérifier si les conclusions ne sont pas dues aux observations aberrantes, voire à une autocorrélation (et/ou ‘lag’) ou par une trop grande importance du bruit blanc ou du résidu. On valide le modèle par le coefficient de détermination. Il est clair que cette sous-discipline a le mérite d’expliquer certaines relations passées mais faire parler ces modèles comme une fondation mathématique pour expliquer des « lois » en économie relève tout simplement du fantasme. Il y a trois raisons essentielles pourquoi l’économétrie (voire les modèles de valorisation des produits financiers) aura toujours des problèmes à capturer ces dynamiques :

1. Les corrélations passées (ou encore la volatilité) ne reflètent pas les corrélations futures.
2. Les observations sont la plupart du temps unique, donc impossible d’avoir la distribution de probabilité. Ce qui complique aussi toute approche bayésienne (intelligence artificielle).
3. On ne peut pas prévoir les marchés des biens et services du futur (radical uncertainty, The Lucas critique, complétude des marchés au sens d’Arrow-Debreu). Par exemple, comment imaginer la monnaie et les transactions au temps de la blockchain ?
Les grands modèles économiques, même les plus compliqués, sont obligés de faire des hypothèses qui sont malheureusement très restrictives. Par exemple, le fameux modèle DSGE (Dynamic Stochastic General Equilibrium), qui n’incorpore pas l’entité Banque centrale qui émet la monnaie. Donc comment fait-on pour arriver à des conclusions publiables dans des revues spécialisées, analysables/critiquables par des spécialistes et par conséquent acceptable par un plus grand nombre sans être taxé d’idéologue. Une des pistes à explorer reste alors une approche biologique de la discipline, en testant deux échantillons de personnes, avec un groupe, dit test, où les stimuli sont appliqués et l’autre groupe, dit statique, sur lequel rien n’est fait. Puis, on va comparer les deux groupes sur la période avant et après stimuli sur une période donnée. Les deux groupes doivent cependant avoir au départ les mêmes caractéristiques. Analysons trois grands thèmes économiques :

1. L’efficacité de la politique d’éducation.
2. Le salaire minimum.
3. Dépenses publiques et croissance.

Oublions le contenu du programme à l’école et de sa validité dans ce monde de changement technologique perpétuel; une politique d’éducation doit certes être efficace dans le sens que le bénéfice marginal doit être supérieur au coût marginal mais elle doit aussi faire en sorte que l’instruction aide dans l’ascenseur social. Par conséquent, l’environnement social pourra aussi en bénéficier par amélioration du fameux « law and order ».

L’Ascenseur social à travers l’éducation

Il est connu que les zones, dites pauvres ou non riches, partent avec un handicap certain quand il s’agit de la performance à l’école. L’inverse est aussi vrai car une famille pauvre dans une zone riche peut également avoir des problèmes d’adaptation. Une façon de tester l’efficacité de l’éducation est de « financer » le déménagement et le loyer d’un groupe de familles pauvres pour qu’il puisse s’installer dans une zone riche. On pourra dès lors observer les résultats scolaires des enfants après et avant les déménagements. Aux États-Unis, le programme Moving To Opportunity est fondé sur la même idée et a été implémenté vers la fin des années 90, sur quatre ans. Les résultats sont assez édifiants, les enfants de moins de 13 ans ayant bénéficié de ce programme se sont retrouvés de nos jours avec de meilleurs salaires, ont une stabilité familiale certaine et vivent dans des quartiers dotés d’une bonne qualité de vie. Cependant, les enfants qui avaient plus de 13 ans lors du déménagement ont eu beaucoup plus de mal à s’adapter au nouvel environnement. Les enfants plus âgés sont donc plus marqués par leur origine sociale. Pour parvenir à une conclusion, ce groupe de personnes qui a déménagé va être comparé à un autre groupe, qui est resté dans son environnement d’origine. Ces conclusions peuvent aider grandement à la politique éducative d’un pays. Par exemple, investir massivement dans l’éducation de la petite enfance jusqu’à l’âge de 13 ans aura des impacts positifs sur l’économie. Il existe un autre programme aux États-Unis, connu sous le nom du Perry Preschool Program, qui a pour but de cibler les jeunes enfants de 3 à 4 ans venus de milieux pauvres. Le but de ce programme consiste à développer les capacités intellectuelles et encourager la socialisation de ces enfants. Deux heures et demie d’encadrement préscolaire par jour du lundi au vendredi pour des petits groupes de six enfants, ceci durant deux années. Les parents sont aussi encadrés par des entretiens hebdomadaires. Certes, le coût de ce programme est significatif mais quand la comparaison est faite entre le groupe test et le groupe statique, alors les résultats sont très probants. En moyenne, les revenus des personnes du groupe test dépassent de plus de USD 50 000 les revenus des personnes du groupe statique. Cependant, ce sont les économies réalisées sur la baisse de la criminalité qui sont les plus significatives. Donc ce programme remplit non seulement sa fonction économique mais aussi une fonction sociale. Ces méthodes de travail pour capturer les dynamiques ne peuvent en aucune manière être modélisées et encore moins de nos jours car le changement des structures est quasiment perpétuel.

Fin de la première partie. A lire le deuxième volet, qui traite du Salaire minimum et des Dépenses publiques et croissance.

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