Le compte à rebours en vue de la présentation du budget, le 7 juin, a commencé. L’exercice budgétaire de cette année est attendu avec impatience pour plusieurs raisons. En premier lieu, ce sera le dernier budget présenté par le régime actuel. Ensuite, les élections générales ne sont pas loin et devraient avoir lieu avant la fin de l’année. Bien entendu, on ne pourra pas échapper au bilan de la performance budgétaire et économique du gouvernement durant ces cinq dernières années, au rebond économique après le choc de la pandémie, qui avait entraîné la pire crise dans les annales de l’histoire du pays et avait donné lieu à une décroissance de l’ordre de 15%, ou au soutien accordé aux entreprises pour empêcher les licenciements, qui avait absorbé jusqu’à 32% du PIB. On ne sait si le ministre des Finances mentionnera les relâchements volontaires ou pas qui avaient donné lieu à des abus considérables en ce qui concerne l’achat de médicaments et d’équipements médicaux durant la période de Covid, et qui continuent de faire des vagues jusqu’à maintenant.
Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, est aussi attendu au niveau des mesures budgétaires. Cédera-t-il à la tentation populiste avec l’annonce d’une dernière vague de distributions de subsides et d’allocations à tour de bras et des mesures populaires sur laquelle le gouvernement pourra surfer durant la campagne électorale? Le Premier ministre, qui suit de près les préparatifs budgétaires, a observé cette semaine que le budget « aidera la population à progresser davantage et apportera un soulagement à ceux qui sont dans le besoin ». Or, nous savons qu’une large frange de la population est dans le besoin. Les femmes qui gèrent les ménages savent comment les familles continuent d’être frappées de plein fouet par la hausse du coût de la vie et la baisse du pouvoir d’achat, qui n’est pas étrangère à la valeur de la roupie face aux principales devises étrangères.
Nous savons qu’un budget n’a pas pour but uniquement de faire plaisir à la population dans un but électoraliste. Donc, on a le droit de se demander si l’exercice budgétaire permettra de renforcer l’économie mauricienne et sa résilience, de rassurer les investisseurs locaux et étrangers. Prendra-t-il en compte les remarques faites par le FMI cette semaine ? Les administrateurs du FMI, tout en reconnaissant les perspectives de croissance favorables, soulignent que des défis et des risques à la baisse de la croissance subsistent. Ils ont par conséquent appelé à la poursuite de politiques prudentes pour reconstituer les marges de manœuvre budgétaires et extérieures, et à des réformes structurelles pour relever les défis, notamment liés au changement climatique et au vieillissement de la population. Ils ont également appelé à réformer le système de retraite et à renforcer la gestion des finances publiques, notamment en rationalisant les fonds spéciaux extrabudgétaires.
Le FMI est aussi revenu à la charge concernant la Mauritius Investment Corporation (MIC). Les administrateurs ont recommandé des amendements à la loi sur la BoM et ont suggéré d’explorer des options pour éliminer progressivement la participation de la banque centrale dans la MIC. Ils souhaitent finalement l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail, la lutte contre l’inadéquation des compétences, la promotion de la numérisation et le renforcement des cadres de gouvernance et de lutte contre la corruption.
Tout dépendra de la stratégie qu’adoptera le ministre des Finances. Il a le choix entre présenter un budget à court terme en laissant le prochain gouvernement quel qu’il soit présenter un budget plus élaboré après les prochaines élections, ou un budget complet sans tenir compte de l’organisation des élections. Ce qui n’est pas impossible. De toute façon, un budget n’est pas l’unique élément susceptible d’influencer l’issue des élections générales. Il existe en effet bien d’autres facteurs, dont la gouvernance, le respect des institutions, la perception de corruption, la démocratie, le Law and Order et bien d’autres encore. S’ils ne sont pas pris en considération, le dernier budget risquerait bien d’être le chant du cygne du ministre des Finances. L’enjeu est critique.