Le 55e anniversaire de l’indépendance et le 31e anniversaire de la République de Maurice seront célébrés cette année dans la plus grande sobriété, situation économique oblige. Une cérémonie de lever du drapeau sera organisée à la State House, au Réduit, ce dimanche autour du président de la République, Pradeep Roopun, et du Premier ministre, Pravind Jugnauth.
Comme l’a annoncé le ministre des Arts et du Patrimoine culturel, le gouvernement compte miser cette année sur l’organisation d’une série d’activités échelonnées sur une année riche en rebondissements en tous genres, en espérant qu’il pourra maintenir le momentum dans ce pays. L’opposition parlementaire a choisi de marquer ce moment solennel par une cérémonie de lever du drapeau séparée sur la place Basdeo Bissoondoyal au Caudan à côté de la statue de Sir Seewoosagur Ramgoolam. Pour ce week-end, la seule manifestation populaire sera celle organisée dans la cour du Plaza à l’initiative du ministère des Sports et de l’Autonomisation de la jeunesse. Le temps a joué les trouble-fête ce vendredi, forçant les institutions scolaires à annuler la cérémonie annuelle organisée pour écouter le message annuel du Premier ministre et pour prendre une collation commune au grand dam des pâtisseries dont les gâteaux sont restés sur les bras.
Dans tous les pays, la fête nationale est une occasion pour galvaniser le sentiment de citoyenneté et d’appartenance nationale, de faire le bilan du progrès accompli et pour faire une projection sur l’avenir. Tous ceux que Le Mauricien a pu interroger à ce sujet, dont l’ex-président de la République, Cassam Uteem dont l’interview paraît dans l’édition du jour, sont unanimes que beaucoup de progrès ont été accomplis sur le plan économique. Maurice est reconnue comme une référence sur le continent africain dans plusieurs secteurs et plusieurs domaines y compris comme une plateforme financière pour les investissements sur le Continent. La Constitution du pays a fait ses preuves jusqu’ici même si un courant en faveur d’une réforme constitutionnelle gagne graduellement le terrain.
Si on se base sur les déclarations officielles faites à Port-Louis et à Londres, Maurice serait sur le point de compléter sa décolonisation et ce faisant, celle de l’Afrique si les discussions qui ont démarré entre Maurice et la Grande-Bretagne arrivent à un dénouement positif. Nous avons donc des raisons de célébrer. Malheureusement le cœur n’y est pas. La raison en est que si sur le plan matériel des progrès ont été faits mais en matière de nation-building, d’institution et de démocratie en général les choses vont mal.
La polémique autour d’une chanson controversée chantée par un groupe d’élèves du RCC démontre la fragilité du vivre-ensemble. Ce qui amène Philippe Goupille du Conseil des religions à se demander : « Dans la course aux résultats académiques, dans la compétition outrancière pour les bourses, avons-nous du temps pour enseigner et réfléchir sur les valeurs fondamentales, que sont le respect de l’autre, la dignité, la loyauté, la vérité et surtout ce que l’on retrouve dans l’enseignement de toutes les religions : « Ne fais pas aux autres ce que vous n’aimeriez pas qu’on vous fasse à vous » ?
Sur le plan institutionnel, Antoine Domingue dans une interview parue dans Week-end fait le constat « que le pays est en train d’amorcer une descente aux enfers ». Et poursuit-il : « Tout le monde peut voir que la situation se dégrade… Se taire laisse le champ libre à ceux qui veulent pourrir les institutions. » Pour combler le tout, voilà que l’institut suédois V-Dem constate que Maurice fait partie des pays où « la démocratie semble ne tenir qu’à un fil ». À la veille de la célébration de la fête nationale, on constate que le défi est immense, pas insurmontable.
Terminons cette chronique par un clin d’œil à Rodrigues où le leader de l’OPR Serge Clair, considéré comme le père de l’autonomie de l’île, a passé le leadership à Francisco François. Chapeau bas à cet homme qui a fait de la lutte pour la reconnaissance de l’identité rodriguaise une vocation. Bonne fête à tous les citoyens mauriciens !