Le processus de « dodorisation » (Je revendique la paternité de ce terme). « Le dodo était un oiseau lent, paresseux, stupide et donc totalement inadapté à un monde changeant. Il est devenu ainsi pour avoir vécu longtemps en isolation et sans compétition. »
« I cannot escape from the conclusion that the great ages of progress have depended upon a small number of individuals of transcendent ability. » (Bertrand Russell). Quelles qu’en soient les limitations du système éducatif actuel, chaque année sont produits en ce pays quelques cerveaux brillants capables, si on leur en donne le loisir, de tirer l’ensemble du pays vers le haut. Certains seront lauréats (bien qu’être lauréat n’est pas en soi une preuve d’intelligence, voir partie 1 : perroquet bien dressé. On le sait déjà, ces lauréats et ces autres cerveaux brillants nous quitteront pour ne plus revenir (sauf une infime minorité). Chaque année, l’exercice de proclamation des résultats donne lieu aux mêmes célébrations et aux mêmes débats stériles. Parlons-en.
Nonobstant le fait que ces enfants méritent de côtoyer les meilleurs au niveau international, nous applaudissons en fait l’exfiltration organisée des meilleurs d’entre nous au profit des moins bons (parmi, bien évidemment, des médiocres !) qui restent et qui donc conservent plus facilement leur emprise sur tous les instruments de pouvoir en ce pays.
Pourquoi ils ne reviennent pas? Tout simplement, parce que rien n’est organisé pour les accueillir dans les meilleures conditions et pour s’assurer qu’ils soient en position d’apporter le changement (le sang nouveau) si nécessaire pour insuffler un nouvel élan au pays. La médiocrité systémique étant trop bien ancrée et ses soldats trop bien installés, il n’y a pas d’autre choix pour ces jeunes pleins d’espoirs que de se mettre au service d’autres pays. C’est un véritable gâchis de ressources qui conduit à l’affaiblissement des structures gouvernantes du pays.
Je pense ici, surtout à la haute fonction publique qui, si elle se respecte, se doit d’accueillir les meilleurs de chaque génération afin de servir au mieux l’intérêt général en traitant des problèmes complexes nécessitant de solides bases intellectuelles. C’est tout le contraire qui se passe dans ce royaume, l’entrée est soit réservée aux rejetons des régnants du jour ou soit par le bas de l’échelle, ce qui attire majoritairement les moins bons (dixit un ex-haut fonctionnaire « les 3e grades »). Ceux-ci graviront les échelons un par un pour finir par être totalement « dodorisés » une fois arrivés au sommet.
En fait, il y a aussi une voie supplémentaire qui tire avantage de l’éducation business et qui repose sur une supercherie intellectuelle qui veuille faire croire que tous les diplômes/degrees sont équivalents. Il n’y a que dans ce royaume qu’on est capable de mettre au même niveau un diplôme d’un pays de l’OCDE et un diplôme d’un pays tiers-mondiste ou, encore mieux, au sein d’un même pays de formation, de ramener au même niveau une université de rang A (pour qui y accéder et y être diplômé est déjà une preuve de solides compétences intellectuelles) et une université quelconque dont l’accès et la diplomation sont pratiquement des portes ouvertes pourvu qu’on paye.
« Les grands esprits ont toujours rencontré une opposition farouche des esprits médiocres » (Albert Einstein). Les quelques inconscients qui reviennent au pays pourront en témoigner des misères pour trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications et expériences et le rabaissement auquel la médiocrité systémique les oblige à être acceptés et gagner leur vie. Le mot d’ordre se résume à : « Oubliez les valeurs apprises, la culture du travail bien fait, les connaissances et techniques modernes et contentez-vous d’intégrer le système. Une fois « dodorisé » et donc similaire à nous, on vous donnera une place selon notre bon gré. »
Le non-respect de cette règle entraîne effectivement une farouche opposition et un dénigrement qui les pousse à repartir du pays. Il me vient en mémoire les désagréments qu’avait dû subir Ali Mansoor et dont la presse s’en était fait l’écho. Comme lui, beaucoup d’autres ont dû encaisser des canailleries dont seuls sont capables des esprits petits qui jouent leur survie en éliminant toute menace de compétition.
L’ensemble de ce qui est décrit plus haut dans ce chapitre conduit à la « dodorisation » de notre population de génération en génération avec l’appauvrissement du patrimoine humain du pays. Précisons que l’insularité et les grandes distances entre nous et les grands pays y contribuent aussi.
Il en résulte les conséquences suivantes: une incapacité à être compétitif dans le concert des nations et à comprendre des enjeux globaux pour en tirer avantage; un affaiblissement graduel jusqu’au délitement des structures de gouvernance, de régulation et de contrôle du pays; des entreprises qui sentent la naphtaline ; un manque criant d’innovation limitant ainsi la croissance économique; une absence de politique de rupture par peur de froisser des intérêts sectaires; des maux de société qu’on n’arrive pas à surmonter ; des vieux croulants toujours aux manettes du pays et aucune relève assurée ; une politique éhontée de la main tendue envers des pays amis qui ressemble étrangement à de la mendicité; un saccage des patrimoines naturels du pays et de notre environnement sans que cela n’émeuve grand monde, etc, et ce n’est pas demain que cela changera.
« En terre étrangère comporte-toi comme l’étranger » (proverbe basque). Les étrangers qu’on aime bien et qu’on porte aux nues sont ceux qui acceptent de servir de caution à la médiocrité systémique locale. Déroger à cette règle enclenche des réactions violentes et peu amènes. Demandez-donc à Juan Carlos Zara et avant lui Bert Cunningham ce qu’ils en pensent. En passant, l’institution qui s’est occupé du traitement de Mr Zara est une parfaite illustration de la médiocrité des puissants et devrait être connue en tant que temple de celle-ci. Certainement pas comme temple de la bonne gouvernance.
Par ailleurs, on aurait pu espérer que l’influx d’étrangers aurait compensé ou limité notre « dodorisation » en apportant un dynamisme nouveau et les expériences nécessaires pour une compétitivité sur le plan international. Que nenni !
Sans faire des généralités et insulter ainsi l’ensemble des étrangers vivant sur notre sol, certains sont venus exploiter notre naïveté découlant de notre système médiocre à leurs seuls profits, d’autres sont de puissants gredins venus apporter leurs expériences aux gredins locaux pour les aider à mieux piller nos biens et ressources, d’autres encore sont venus pour des avantages fiscaux, ce qui prive probablement leurs pays d’origine de ressources légitimes et ce qui démontre ainsi un certain égoïsme de leur part et une incapacité à contribuer à un intérêt collectif. Finalement, certains se sont contentés de créer et de vivre au sein de ghettos dans notre pays suscitant des divisions empreintes d’un racisme qui ne dit pas son nom.
« La puissance du vampire tient à ce que personne ne croit à son existence. » (Dracula). On a été prompt à accorder le titre de père de ceci et père de cela à ceux (et leurs acolytes) qui nous gouvernent ou qui nous ont gouverné. Cependant le vide qu’ils ont créé (et continuent à créer) en poussant à l’exode des cerveaux pour mieux asseoir leurs pouvoirs et construire leurs dynasties sur la base de l’instauration et du maintien d’une médiocrité systémique mérite qu’on les affuble du titre de « vampires de la nation ».
A SUIVRE