Michel Jourdan
Guerres, précarité, persécutions politiques, famine… Les raisons expliquant la migration sont aussi innombrables que compréhensibles. Comment en effet en vouloir à quelqu’un vivant un enfer quotidien de tenter de chercher sécurité et stabilité dans des contrées plus prospères ? Comment imaginer que ces mêmes personnes mettraient leur vie, et bien souvent celles de leurs enfants, en péril sur les eaux de la Méditerranée si elles ne s’en sentaient pas l’impérative obligation ?
En vérité, ces migrants n’ont tout simplement pas le choix. Aussi doit-on réellement s’émouvoir lorsque leurs embarcations chavirent ou qu’un navire, à l’instar du récent cas de l’Aquarius, après les avoir sauvés d’une mort certaine, se voit refuser l’accès à des ports européens.
Dans une autre mesure, il en est de même pour les migrants, principalement mexicains, traversant la frontière des Etats-Unis. Le récent scandale de la séparation des enfants de leurs parents, enfermés dans des camps de migrants distincts, aura bien sûr interpellé le monde, même si, ici, les migrants sont davantage motivés par la recherche d’un avenir meilleur que par une obligation plus impérative impliquant simplement leur survie.
Face à ce flux migratoire auquel nous assistons maintenant depuis plusieurs années, Européens et Américains durcissent le ton.
Si l’on peut évidemment comprendre que leurs frontières ne sont pas extensibles, pas plus que leurs capacités d’accueil, les mesures radicales prises quelquefois suscitent l’indignation, voire même la révolte. Comment en effet cautionner l’administration Trump lorsque celle-ci, sous le couvert de la protection des intérêts américains, décide, en attendant d’ériger un mur au sud du pays, de séparer les enfants de migrants de leurs parents en les confinant dans des structures comparables à des camps de prisonniers ? Depuis l’éclatement du scandale, la politique américaine, sous l’impulsion de la première Dame des Etats-Unis, s’est certes adoucie, mais la problématique de ces Guantanamo des temps nouveaux reste entière.
Le constat est à peu près identique en Europe, bien que dans une tout autre mesure. Refuser l’accès aux migrants de l’Aquarius, comme l’a récemment fait l’Italie et Malte, n’équivaut-il ainsi pas à un crime de « non-assistance à personnes en danger » ? La souveraineté politique et territoriale exempte-t-elle d’emblée les décideurs de ces pays de toute responsabilité légale et morale ? Non, bien sûr. Reste qu’aucune poursuite ni sanction internationale n’auront été imposées à ces régisseurs de la bienveillance économique et pourfendeurs du « moi d’abord ».
Le problème, c’est que la migration aura aussi accentué les ressentiments des populations européennes à l’encontre de « l’étranger », celui-là même qui, selon eux, vient leur prendre leurs terres et leur travail, et ce avec tous leurs compétences culturelles. Aussi, depuis quelques années assistons-nous à la renaissance des partis extrémistes, lesquels ne rechignent évidemment pas à faire de la récupération politique en diabolisant davantage les migrants, sous le couvert du terrorisme et de l’insécurité croissante. À l’instar de l’Italie, nouvellement co-gouvernée par l’extrême droite, ou encore de l’Allemagne, où les idées d’autrefois refont progressivement surface. Il faut dire que, dans ce dernier cas, le pays aura accordé, rien que l’année dernière, l’accès au territoire à près de 325 370 personnes, pour un total de 538 000 dossiers traités dans l’ensemble de l’Europe.
Si le problème migratoire est planétaire, certains pays continuent cependant à ouvrir leurs frontières, notamment aux réfugiés politiques. D’autres, eux, le font avec d’autres desseins. C’est notamment le cas de notre pays, où les étrangers venus poser leurs bagages sont de plus en plus nombreux. Bien sûr, il y a ceux qui, comme votre serviteur, auront émigré pour des raisons personnelles, par exemple du fait de leur parenté avec un(e) ressortissant(e) mauricien(ne) ou d’un mariage mixte. Puis il y a les autres, pour qui Maurice constitue une terre d’asile économique.
Cette migration-là , Maurice l’aura non seulement cautionnée, mais aussi incitée depuis des décennies déjà . Mais elle prend aujourd’hui une nouvelle ampleur avec l’annonce, dans le dernier budget, de la vente de la citoyenneté et du passeport mauricien, là encore conditionnée par un apport de capitaux. Evidemment, c’est « migrants investisseurs » n’ont rien à voir avec les réfugiés qui sillonnent les mers à la recherche de terres plus hospitalières.
Ici, pas de Syriens, d’Afghans ou de Libyens, et ce pour la raison évidente de leur éloignement géographique. Mais l’on peut néanmoins se poser la question de savoir quelle politique adopteraient nos décideurs si tel était le cas. Accepterions-nous alors tout aussi facilement les migrants venus en radeau pneumatique que ceux débarquant à bord de leur yacht ? Leur offririons-nous également passeport et citoyenneté ? La réponse semble hélas s’imposer d’elle-même !