David Gaiqui, dénudé et enchaîné dans ce style inhumain propre à cette période
douloureuse régie par l’exécrable Code Noir et qu’on croyait révolue, apporte la preuve révoltante et irréfutable des dérives, régulièrement décriées mais presque toujours sans succès, de quelques flics. Pour ne pas être en reste, d’autres en ont profité pour faire reculer sans gêne aucune les limites de l’écœurement, du Commissaire des Prisons au président de la Police Officers Solidarity Union en passant par quelques Ponce Pilate s’abritant bravement derrière ‘l’enquête en cours’, tentant de justifier l’injustifiable. Vainement. Ceux qui doutaient et qui, par conséquent, qualifiaient de ‘fausses’ les allégations de traitements dégradants infligés au justiciable par quelques brebis galeuses ont pris là une claque magistrale.
Par ailleurs, un autre élément mérite d’être condamné: cette procédure de trimbaler le justiciable dans différents postes de police, le soustrayant ainsi au regard réconfortant de ses proches et, surtout, à la vigilance de ses hommes de loi. Le droit à une assistance légale ne devrait être nié, même temporairement, à un justiciable qui, rappelons-le, bénéficie de la présomption d’innocence dans un État de droit qui se respecte. Mais une excuse commode est toute trouvée: la menace pesant sur la société du fait du breakdown of law and order. Menace gravissime et bien réelle. Toutefois, tout comme dans le cas d’Iqbal Toofanny (qui, lui, aura eu moins de ‘chance’), martelons la voix impartiale d’Earl Warren, ancien président de la cour suprême des États-Unis: « L’aversion de la société pour l’utilisation des aveux involontaires ne s’applique pas exclusivement au caractère inhérent à leur nature. Elle tient également au sentiment profondément enraciné que la police doit se conformer aux lois tout en faisant respecter la loi et, qu’en définitive, l’existence et la liberté peuvent être menacées par les méthodes employées illégalement pour condamner ceux dont on pense qu’ils sont des criminels aussi bien que par les véritables criminels eux-mêmes. »
Finalement un ‘détail’ qui décuple le danger: l’effroi qu’éprouvent les avocats. Me Anoup Goodary ne déclare-t-il pas : « … J’ai commencé à trembler de peur, paniqué et choqué pour la deuxième fois. » Des propos qui rejoignent ceux de Me Jean Claude Bibi qui, malgré son caractère trempé, avait avoué avoir un jour tremblé de peur dans les locaux de la tristement célèbre Major Crime Investigation Team (MCIT) de feu Prem Raddhoa.
Dans ce contexte, Me Hervé Duval, Senior Counsel, engagera-t-il le Bar Council, dont il est le nouveau président, à l’assainissement de cette situation inadmissible du fait du rôle prépondérant que devraient jouer les avocats dans la sauvegarde d’une démocratie? En fera-t-il une obligation morale eu égard à son expérience personnelle, lui qui a été contraint d’utiliser une porte dérobée pour soustraire Me Satyajit Boolell, le Directeur des Poursuites publiques, à l’infamie d’une arrestation par des policiers méprisant royalement une ordonnance d’Habeas Corpus d’une juge de la Cour Suprême ? S’insurgera-t-il contre ‘ces aveux qui, par leur nature même, n’offrent aucune garantie d’authenticité et dont le recours révolte le sentiment que les civilisés se font de la justice et de la décence’? Verrons-nous aussi sous sa présidence un Conseil des Avocats plus engagé, moins spectateur, plus proche des préoccupations du citoyen lambda, vous et moi, totalement démunis, sans protection aucune face à une horde de policiers confondant allégrement cette indispensable autorité qui leur est confiée à l’inacceptable autoritarisme dont ils s’arrogent le droit? L’avenir nous le dira. Mais le temps presse et, en attendant, le combat est inégal: David contre Goliath.