En juillet et août, le dollar évoluait au-delà de la barre des Rs 43, allant jusqu’à connaître un pic de Rs 43,25 en juillet. Par la suite, il aura été en repli pendant six semaines face à la roupie. De Rs 43,07 à la vente le 19 août dernier, il est passé à Rs 42,75 le 14 septembre. Depuis, le billet vert évolue sous la barre des Rs 43. Il s’échangeait d’ailleurs à Rs 42,96 le 24 septembre. Allan Juste, Head of Forex & Derivatives chez AfrAsia, analyse l’évolution du dollar sur le marché local, notamment dans le sillage de la dernière réunion de la Reserve fédérale américaine et des interventions de la Banque de Maurice (BoM).
Cela fait plusieurs semaines que le dollar est en repli, passant sous la barre de Rs 43. Quels sont les facteurs internes ou externes qui expliquent l’affaiblissement du billet vers ?
En effet, malgré le déséquilibre fort et continu entre l’offre et la demande sur le marché des changes à Maurice, depuis la fermeture de nos frontières, le dollar américain est tombé à un creux de 6 semaines à Rs 42,77 à la vente le 14 septembre, perdant dans son sillage 1% de sa valeur face à la roupie mauricienne, après avoir atteint un sommet à Rs 43,25 le 8 juillet dernier. Ce repli du billet vert est survenu principalement après les interventions régulières de la banque centrale de Maurice sur le marché des changes, d’un montant de plus de USD 200 millions durant ces deux derniers mois.
Également, les prix des ordres de vente de devises émises par la BoM durant les interventions ont été révisés à la baisse de 42,50 en fin juin 2020 à 42,30 le 10 septembre, probablement dans l’optique d’atténuer la dépréciation trop importante de la roupie face au dollar. Néanmoins, on a vu le billet vert vivement bondir face à la roupie ce mardi 21 septembre après une intervention de la banque centrale sur le change à Rs 42,40 (+0,2%) en réaction à un renforcement généralisé du dollar américain face aux monnaies de références quelques jours avant la réunion de la Réserve fédérale américaine, qui s’est tenue le 22 septembre.
Quels sont les effets de la baisse du dollar sur nos réserves ? Que conseillez-vous aux investisseurs ayant des placements en dollar ?
Ce repli sensible du dollar américain n’a eu aucun effet néfaste sur les réserves en devises étrangères du pays au cours de ces deux derniers mois. Au contraire, selon le dernier rapport mensuel de la BoM du 20 septembre, les réserves officielles brutes de devises s’élevaient à USD 7,5 milliards fin août 2021, ce qui représente une hausse de 3% par rapport au mois précédent.
Pour répondre à votre deuxième question, lorsque vous faites un placement libellé en devise étrangère, il est important de savoir que les fluctuations du taux de change peuvent avoir un effet sur le rendement de votre investissement à échéance. Par exemple, l’appréciation du dollar américain par rapport à la roupie peut générer des rendements supplémentaires pour les fonds de placement en dollar, tandis que la dépréciation du dollar américain peut avoir une incidence négative sur les rendements des placements. Les investisseurs qui détiennent des actifs non mauriciens et dont les placements ne sont pas couverts font face au risque de change. Donc, il est primordial de mettre en place des stratégies de gestion afin de minimiser les risques sur votre placement. Il existe des façons simples de vous protéger contre le risque de change en partie ou en totalité, comme le contrat à terme, swap, options et autres.
Quels sont les effets de la baisse du dollar pour les opérateurs économiques locaux, d’une part, et les consommateurs et particuliers, d’autre part ?
Certes, ce déclin du dollar devrait donner un ballon d’oxygène aux opérateurs économiques tournés vers l’importation et permettra ainsi aux entreprises de contenir leurs coûts de production momentanément. Pour les consommateurs, la baisse du taux de change serait, à court terme, synonyme de baisse des prix des biens consommés et, donc, de gains de pouvoir d’achat. Cependant, je doute fort que cette inflexion de 1% sur le dollar américain ait un impact significatif sur les consommateurs à court terme, compte tenu de la forte appréciation du billet vert depuis le début de la pandémie, en 2020. En effet, depuis janvier 2020, le taux de change du dollar par rapport à la roupie s’est apprécié de 15,8%, selon les données de la BoM. En revanche, les secteurs à l’exportation, comme le tourisme et le textile devraient pouvoir tirer profit de cette dépréciation de la roupie avec la réouverture de nos frontières, et aussi relancer la compétitivité et l’emploi dans ces deux secteurs clés de l’économie mauricienne.
Comment évoluera le dollar dans les prochaines semaines, surtout avec la position adoptée par la Réserve fédérale américaine ?
À l’issue de sa réunion de politique monétaire du 22 septembre, la Fed a indiqué qu’elle pourrait commencer dès novembre à réduire le rythme de ses achats d’obligations du Trésor initiés en début de pandémie pour soutenir l’économie américaine, et elle envisagerait une première hausse de ses taux directeurs fin 2022 si les progrès économiques se poursuivent aux États-Unis. Cette annonce d’un prochain resserrement monétaire de la Fed est le signe d’une bonne santé de l’économie américaine, et cela pourrait donner un avantage considérable au dollar américain face aux monnaies de références dans les semaines à venir. Cependant, la situation sanitaire préoccupante aux États-Unis sur la fin de l’été, ou encore la question non résolue de la levée du plafond sur la dette américaine sont autant de facteurs qui pourraient ralentir l’avancement du billet vert sur le court terme.
Quelles autres tendances sont à suivre sur le marché des changes, notamment concernant l’euro et la livre ?
À Maurice, l’euro semble être sur une pente descendante face à la roupie mauricienne avec une perte de 1,7% depuis début juillet pour se situer à Rs 50,35 à la vente en fin de semaine. Parallèlement, sur le marché international, la devise européenne n’avance guère face au dollar en raison de divergences de cycle monétaire entre les États-Unis et la zone euro, qui se sont agrandies à l’issue des réunions monétaires de septembre, et dans le sillage des législatives allemandes, qui viennent de se tenir. Idem, pour la livre sterling qui, après avoir franchi la barre des Rs 60 en juillet, en 14 ans, a fini par perdre peu à peu de sa dynamique sur le marché local, abandonnant près de 2.5% de sa valeur à Rs 58,55 en début de semaine. Cependant, la devise britannique a repris des couleurs jeudi dernier après que la réunion de la Banque d’Angleterre a galvanisé les attentes du marché d’un durcissement de sa politique monétaire dès février 2022.
Toutefois, la devise britannique et l’euro ne sont pas à l’abri d’une nouvelle contre-performance dans les prochaines semaines. Les incertitudes liées aux difficultés financières du géant chinois de l’immobilier Evergrande pourraient influencer la tendance en cas d’un regain d’aversion au risque. D’ailleurs, selon certains médias internationaux, plusieurs détenteurs d’obligations offshore d’Evergrande n’ont pas reçu les paiements des intérêts arrivés à la date limite de jeudi. Dans ce contexte peu favorable, le dollar devrait tirer parti de son statut de valeur refuge et continuer de régner en maître…