La plupart d’entre nous ont découvert cette semaine, avec un certain enchantement, l’archipel d’Agalega, qui nous est apparu comme un petit paradis au sein du territoire mauricien. Ces îles magnifiques, qualifiées de perles oubliées de la République, situées à près de 1 070 km de notre île, étaient jusqu’ici hors de notre atteinte, à l’exception de quelques “happy few”. La faute est due à l’absence d’une desserte maritime et aérienne régulière et à des infrastructures nettement inadéquates.
On a également fait connaissance avec des Agaléens, à commencer par Stéphane Noël, natif d’Agalega, aujourd’hui pilote chez Air Mauritius, et Emmanuel Jasmin, qui a fait ses études primaires sous la férule du défunt Hervé Sylva (qui a consacré plusieurs décennies de sa vie à Agalega comme enseignant puis comme administrateur de l’archipel). Il a poursuivi avec succès ses études secondaires à Maurice. Il est aujourd’hui Resident Manager d’Agalega et est un role model pour les jeunes Agaléens.
Aujourd’hui, si lnternet et les smartphones rapprochent virtuellement les humains, la connexion aérienne les rapproche physiquement ainsi que les îles du territoire mauricien. On attend avec une certaine excitation qu’Air Mauritius annonce son programme de desserte entre Maurice et Agalega. C’est bien pour cela que l’Inde a dépensé quelque Rs 8,8 milliards. Qu’importe si elle l’utilise pour faire transiter ses propres avions avec l’autorisation des autorités mauriciennes. L’Inde a gagné en estime dans le cœur des Mauriciens avec ce projet, qui porte nos relations bilatérales à un autre niveau. Après tout, la Grande Péninsule n’est pas ce que les organisations socioculturelles et une section de la politique mauricienne veulent bien nous faire croire au nom de leurs intérêts propres.
En vérité, l’Inde a déjà fait son entrée dans la cour des grands. Pour preuve : l’accord de coopération militaro-industrielle conclu avec les États-Unis l’année dernière et la conclusion d’un accord de partenariat stratégique avec la France. Le président était l’invité d’honneur du Premier ministre, Narendra Modi, pour la fête de l’indépendance de l’Inde le mois dernier, alors que le Premier ministre indien était sur les Champs Élysées le 14 juillet de l’année dernière.
L’Inde est devenue un partenaire stratégique majeur pour les pays occidentaux en matière de politique internationale, s’inscrivant ainsi dans une stratégie visant à établir un contrepoids fort face à la montée en puissance de la Chine dans le domaine militaire.
Les relations étroites entre Maurice et l’Inde et investissements indiens massifs dans les infrastructures à Maurice sont vues par les Occidentaux comme un moyen de freiner l’influence chinoise. La France est d’ailleurs le seul pays à pouvoir se mesurer à l’Inde en termes de présence économique, culturelle et politique à Maurice. Notre pays est considéré comme un allié important pour l’Occident.
C’est fort de tout cela que Maurice s’engage actuellement dans la lutte contre le dernier carré des apparatchiks de la droite britannique en vue d’exercer sa souveraineté sur l’archipel des Chagos. Plusieurs intervenants devant le Foreign Affairs Committee’s Subcomittee on the Overseas (british) Territories ont considéré que la politique proeuropéenne et les relations étroites de Maurice avec l’Inde peuvent constituer une réponse aux conservateurs britanniques qui veulent une garantie concernant « the long-term security, safety, and operability of the UK-US military base on Diego Garcia ».
Lors de cette même réunion, nous avons appris que l’exigence des Américains en vue d’évacuer toutes les îles des Chagos est une invention britannique. Les Américains n’auraient demandé que l’évacuation de Diego Garcia. Pour le moment, l’entretien téléphonique Sunak-Jugnauth indique que les négociations sont encore “on”, même si aucune date n’a été fixée pour le next round. En attendant, Maurice met l’accent sur la protection de l’environnement avec la création d’une aire marine protégée autour des Chagos, avec la participation des Chagossiens et l’aide d’une société britannique. De plus, Olivier Bancoult, qui fait partie de la délégation officielle à Agalega, doit sûrement se dire que si on peut aménager à ce point cette île de 330 habitants, on devrait pouvoir faire la même chose aux Chagos pour accueillir les Chagossiens…
Jean Marc Poché