La polémique fait rage, une fois de plus, en ce qui concerne la dispensation de la méthadone aux ex-toxicomanes. Cette fois, ce sont des membres du syndicat du personnel médical et para- médical, en l’occurrence la Ministry of Health Employees Union (MHEU), qui déplorent la décision du ministre de la Santé, Anwar Husnoo, de s’aligner sur la recommandation du rapport Lam Shang Leen. La mesure préconisée par le rapport de l’ex- juge tient en cette formulation très explicite : « inappropriate unacceptable backyard treatment », ainsi que le parti politique Lalit le fait ressortir dans une communication très franche et directe, félicitant la décision du ministre Husnoo et déplorant le manque d’humanité des syndicalistes concernés.
Plus précisément, à la page 28 de son rapport, Paul Lam Shang Leen et ses deux assesseurs écrivent que la méthode ac- tuelle de dispensation de méthadone « has to be reconsidered », faisant allusion aux manquements et faiblesses déjà connus et qui, effectivement, méritent que l’on s’y attarde. Il va sans dire que dans la formulation de cette partie, le président de la commission d’enquête sur la drogue a été fortement épaulé par ses deux assesseurs qui sont très au fait en matière de toxico- manie, nommément le travailleur social et ancien ministre de la Sécurité sociale, Sam Lauthan, et le directeur du ministère de la Santé, le Dr Ravind Domun. L’empreinte et les connaissances de ces deux techniciens se lisent dans le paragraphe : « Many of the drug abusers are often left on their own (…) but they finally found themselves engulfed in the drug spiral, not having the proper psychosocial support and obviously the lack of will to get out of the drug web. » Et le rapport Lam Shang Leen va jusqu’à demander aux « relevant authorities » d’être « conscious of the devastating relapse syndrome of the drug abusers … ».
Or, le 2 août, quand le ministre Husnoo a annoncé sa déci- sion de transférer les centres de dispensation de méthadone des cours de postes de police vers les centres de santé, notamment les dispensaires, cela a été la levée de boucliers tous azimuts ! D’une part, des organisations de quartiers, et de l’autre, donc, la MHEU. L’argument principal : le comportement à risque des patients sur méthadone. L’ex-toxicomane est, de facto, diabolisé. Présenté tel un criminel qui passe le plus clair de son temps à guetter femmes, jeunes filles et petites vieilles, mettant au point la meilleure technique de leur tomber dessus, arracher portables, bijoux, sacs à main… Aucun sens de respect et uni- quement animé par le désir de voler, en somme.
Ils sont plus de 4 000 Mauriciens, hommes et femmes, à comp- ter parmi ces patients de méthadone. Tous ne sont effectivement pas des enfants de chœur : même les plus ardents défenseurs des droits des toxicomanes que sont les travailleurs sociaux, l’admettent. Quelques-uns de ces patients sont effectivement de très bad boys et des naughty girls, qui ne font pas que vociférer, hurler, voire jurer à tout bout de champ, chicaner les « bonnes gens » qui passent… Oui, parmi, quelques-uns vont jusqu’à vo- ler, attaquer les passants innocents. C’est un fait. Mais ce ne sont pas tous les 4 000 patients que le font : il s’agit d’une poi- gnée. Autrement, cela aurait le capharnaüm, on l’imagine, pour la police ! Et de fait, ces éléments turbulents peuvent et doivent être corrigés!
Aussi quand, est-on tenté de dire, of all people, la MHEU, qui représente des hommes et femmes formés aux pathologies, donc la toxicomanie, viennent présenter l’ensemble des patients comme la lie de l’humanité, on ne peut que s’indigner ! Il est vrai que le système de dispensation de la méthadone n’est pas in- faillible — au contraire, puisqu’il y a même trafic de ce médica- ment ! Mais de là à quasiment traiter des compatriotes comme des moins que rien, de grâce ! Où sont passées la compassion et la compréhension ?
Le ministre Husnoo est médecin. Qu’il ait décidé de transférer ces points de dispensation est tout à son honneur, et l’on imagine mal qu’il ait pris cette décision sans son corollaire de structures et de refonte du système dans son sillage. Penser qu’il n’aurait ainsi rien planifié serait l’insulter ! Et faire le procès de l’ensemble des patients, en se basant sur des agissements de quelques-uns, est également tout aussi révoltant. Anwar Husnoo se montrera-t-il aussi ferme que quand il s’était saisi du dossier des marchands ambulants ?