À côté de la plaque

Il semble de plus en plus évident que la seule réponse que l’on ait trouvée au dérèglement climatique est (et restera) l’argent. Ce qui constitue – ayons au moins la décence de le reconnaître – un extraordinaire paradoxe, sachant que l’argent est justement à la base même du problème. Pour autant, cette réalité n’a en soi rien d’étonnant, tant il est notoirement connu que dans notre société monétisée, tout se compte, se calcule et se chiffre. C’était vrai pour le Covid, c’est vrai pour la guerre, et c’est bien entendu encore plus vrai pour le réchauffement planétaire qui, a contrario des autres enjeux sociétaux précités, lui, ne peut se targuer d’avoir une visibilité aussi évidente sur un axe courtermiste. De fait, une seule certitude se dégage : puisque le changement climatique a un coût, il convient de le calculer au plus près afin de dégager le « meilleur rapport qualité/prix » sur le marché des solutions.
Il n’aura d’ailleurs échappé à personne que cette « vérité absolue » (puisque dictée par nos lois économiques) aura entaché le dernier exercice budgétaire du ministre Padayachy, aux commandes des Finances pour la dernière fois du présent mandat gouvernemental, lequel aura – bon gré mal gré – dû composer avec la question environnementale. Qui plus est, il lui aura donné une place de choix, énumérant une liste de mesures qui, selon lui, nous rapprocheront un peu plus encore des objectifs fixés de notre Agenda Climat. Malheureusement, tous (à l’exception du gouvernement, forcément) auront remarqué que notre bon ministre sera vite retombé dans les travers de ses contradictions.
Ainsi, à peine aura-t-il fini de démontrer, avec justesse, la problématique de l’érosion de nos plages et de la disparition de nos récifs coralliens, qu’il dira vouloir favoriser l’extraction de sable dans notre lagon, via un amendement à la Removal of Sand Act, en vue de réhabiliter nos plages. Ce qui, comme l’auront inévitablement noté l’opposition parlementaire (notamment par la voix de Joanna Bérenger) autant que les Ong (à l’instar d’Eco Sud) et autres citoyens engagés, est une idée non seulement saugrenue, mais qui plus est extrêmement dangereuse. Comment en effet concilier la sauvegarde de nos récifs coralliens avec l’extraction de sable ? « Cette pratique a des impacts négatifs importants et irréversibles sur la dynamique des courants marins et la biodiversité », notera d’ailleurs avec lucidité Adi Teelock, membre de Platform Moris Lanvironnman. En fin de compte, cette manière de concevoir la réhabilitation de nos plages semble d’abord avoir été surtout pensée pour les touristes, mais certainement pas pour l’environnement.
Autre mesure : celle enjoignant les promoteurs de morcellements de plus de cinq arpents à consacrer 4% de leurs terres à la plantation de plantes endémiques. Outre le fait qu’il n’y aurait à première vue aucune obligation légale (enjoindre n’a en effet aucun caractère d’obligation), en quoi cela résoudra-t-il le problème ? Que viendront changer quatre misérables mètres carrés par hectare de béton ? Et combien de temps prendront ces nouveaux plants pour atteindre leur pleine maturité, sachant que l’on continue dans le même temps à déboiser à l’emporte-pièce, au fil des caprices de nos élus et des permis de construction délivrés ? Non, vraiment, là aussi, cela ne fait aucun sens.
Dans le même ordre d’idée, l’on est en droit de se demander comment un éventuel nouveau gouvernement MSM pourrait honorer son engagement visant à augmenter la couverture forestière de 100 hectares par an pendant dix ans au vu des projets infrastructurels annoncés, notamment concernant l’extension programmée du réseau ferroviaire. À moins bien sûr que nos élus n’aient un plan pour augmenter la superficie du pays (peut-être avec le sable de Padayachy), on voit mal comment ils pourraient s’y prendre si ce n’est en « débétonnant » ! Quant au Corporate Climate Responsibility Levy de 2%, appliqué aux compagnies brassant plus de Rs 50 M de chiffre d’affaires, l’on peut émettre des doutes quant à la bonne gestion de son utilisation, tout comme celle du Climate Sustainability Fund d’ailleurs, la transparence n’étant en effet pas le point fort de ce gouvernement.
Cela dit, le cas de Maurice est loin d’être isolé. Les conséquences du changement climatique se matérialisant de plus en plus année après année, il est un fait évident que la cause environnementale se doit aujourd’hui d’intégrer le programme de tout parti digne de ce nom, qu’il soit de gauche, de droite ou des extrêmes. Avec pour dénominateur commun de ne faire apparaître l’item que pour des questions davantage politiques que du bien commun. Or, s’il est bien quelque chose qui nous appartient légitimement à tous, c’est notre planète. Tout du moins tant que nos civilisations existeront !

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