Le pape François a défroqué l’ex-cardinal américain Theodore McCarrick, 88 ans, accusé d’abus sexuels il y a près d’un demi-siècle, une première historique qui conclut une spectaculaire descente aux enfers d’un prélat jadis très influent.
C’est la première fois dans la longue histoire de l’Eglise catholique qu’un cardinal est défroqué pour des motifs d’abus sexuels.
Le pape a reconnu comme définitive une sentence de la Congrégation pour la doctrine de la foi, institution du Vatican qui veille au respect du dogme catholique, réduisant à l’état laïc l’ex-archevêque émérite de Washington, a précisé un communiqué du Saint-Siège.
L’ancien cardinal a été reconnu coupable d’avoir enfreint l’un des commandements divins « avec la circonstance aggravante de l’abus de pouvoir », selon ce texte.
Cette punition, sans appel possible, tombe à point nommé avant une réunion cruciale, rassemblant du 21 au 24 février les présidents des conférences épiscopales du monde entier au Vatican, où ils plancheront notamment sur la responsabilité des prélats ayant gardé sous silence des agressions sexuelles de mineurs par le clergé.
La révélation en 2018 d’énormes scandales aux Etats-Unis, au Chili ou encore en Allemagne, ont sérieusement entaché la crédibilité de l’Eglise catholique.
L’ex-archevêque émérite de Washington avait déjà été interdit en juillet dernier d’exercer son ministère et avait ensuite renoncé à son titre honorifique de cardinal. Avec son exclusion officielle de l’Eglise, l’homme reclus actuellement dans l’Etat américain du Kansas redevient M. Theodore McCarrick.
Le Saint-Siège avait demandé en septembre 2017 une enquête à l’archevêché de New York, suite au témoignage d’un homme accusant le prélat d’avoir abusé sexuellement de lui dans les années 70.
– ‘Graves indices’ –
Face aux « graves indices » ressortis de l’enquête, le pape avait démis fin juillet Mgr McCarrick de son titre de cardinal. L’affaire avait ébranlé la hiérarchie de l’Eglise catholique américaine, juste avant la publication d’un rapport ravageur sur des abus massifs commis en Pennsylvanie.
En 2015, le pape François avait accepté la renonciation aux prérogatives de cardinal de Mgr Keith O’Brien, ancien archevêque d’Edimbourg qui avait démissionné deux ans plus tôt après avoir été l’objet de plaintes de jeunes prêtres pour des « actes inappropriés » dans les années 1980. Le prélat avait néanmoins conservé son titre de cardinal jusqu’à sa mort en mars 2018.
Le seul cas d’abandon du titre suprême de cardinal remonte d’ailleurs à 1927, lorsque le pape Pie XI avait accepté la démission du cardinal français Lois Billot, qui avait renoncé de lui-même à sa toque pourpre pour des motifs politiques.
Défroquer un prélat est considéré comme le châtiment le plus grave pour un ecclésiastique, déchu de tous ses droits et prérogatives de prêtre comme celui de dire la messe, y compris en privé.
Le pape avait notamment réservé ce sort en octobre à deux évêques chiliens pour agressions sexuelles sur mineurs, au moment où l’Église catholique de ce pays sud-américain est également plongée dans un scandale sans précédent.
Le cardinal McCarrick, un prêtre qui fut promu évêque et archevêque dans l’archidiocèse de New York avant de partir pour Washington en 2001, était l’un des cardinaux américains les plus en vue à l’international. Il a été longtemps très influent pour lever des fonds américains pour le Saint-Siège.
Bien qu’officiellement retraité, il continuait à voyager, notamment pour défendre des questions de droits de l’Homme. Il avait été particulièrement en pointe pour exiger des réformes pour sévir contre les prêtres pédophiles aux Etats-Unis.
Le prélat est aussi au coeur d’une mise en cause incendiaire d’un prélat italien retraité, ouvertement soutenu par une frange ultra-conservatrice de l’Eglise catholique.
Cet ex-ambassadeur du Vatican à Washington, l’archevêque Carlo Maria Vigano, a accusé le pape argentin d’avoir sciemment ignoré durant cinq années des signalements sur les agissements du cardinal Theodore McCarrick, présenté comme un prédateur sexuel notoire jetant son dévolu sur de jeunes séminaristes et prêtres.
Ce réquisitoire virulent, se prévalant de preuves écrites et appelant le pape à démissionner, avait été lancé fin août en plein milieu d’un voyage de François en Irlande, pays meurtri par les abus passés de l’Eglise catholique.
Le chef des 1,3 milliard de catholiques était finalement sorti de sa réserve en promettant voici quatre mois une enquête supplémentaire sur l’ex-cardinal McCarrick dans les archives des dicastères (ministères) et bureaux du Saint-Siège.
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