Les autorités thaïlandaises ont ordonné mercredi la fermeture jusqu’à vendredi de centaines d’écoles de Bangkok, frappée depuis plusieurs semaines par un sévère épisode de pollution atmosphérique, une décision sans précédent dans l’histoire de la mégalopole.
« J’ordonne aux 437 écoles gérées par l’administration métropolitaine (Bangkok Metropolitan Administration, BMA) de fermer leurs portes », a annoncé Aswin Kwanmuang, le gouverneur de Bangkok, avant même d’en informer les écoles.
Un peu plus tard, le service de presse du gouvernement a indiqué que le général Prayut Chan-O-Cha, chef de la junte militaire au pouvoir depuis 2014, avait également demandé que les écoles privées, les établissements professionnels et d’autres structures gérées par le ministère de l’Education soient fermés.
Le Premier ministre, qui minimisait jusqu’ici le phénomène en appelant à ne pas créer la panique, « est inquiet du +smog+ », mélange de brouillard et de pollution, a relevé le service de presse.
L’inquiétude monte parmi les quelque 12 millions d’habitants de la capitale thaïlandaise, de plus en plus nombreux à porter des masques dans les rues ou le métro.
Car cette année le pic de pollution se prolonge depuis début janvier.
« C’est un des pires épisodes de l’histoire de la ville. C’est une véritable crise sanitaire », a déploré Tara Buakamsri, directeur Thaïlande de l’ONG Greenpeace, en première ligne pour dénoncer l’immobilisme de la junte sur le sujet.
La sévérité et la longueur de ce pic sont la combinaison de plusieurs facteurs: « l’absence de vent et d’humidité » ainsi qu' »un vent froid venu de Chine empêchent la dispersion des polluants », explique Tara Buakamsri.
La pollution de la capitale thaïlandaise n’est pas un phénomène récent, mais les conditions météorologiques particulières rendent les choses particulièrement difficiles cette année, confirme Siwatt Pongpiachan, professeur en sciences de l’environnement à l’Institut national pour l’administration du développement.
Les niveaux de particules fines dites PM2,5 (d’un diamètre inférieur ou égal à 2,5 micromètres), considérées comme les plus nocives pour la santé car elles pénètrent le plus en profondeur dans les poumons, évoluent depuis un mois autour de 80-100 microgrammes par m3 dans la capitale.
Ce mercredi, ils atteignaient 86 microgrammes, selon le site Air Visual. Or, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un niveau d’exposition maximum quotidien de 25 microgrammes.
– Enjeu électoral –
Les experts et organisations écologistes demandent à la Thaïlande de cesser de développer les centrales à charbon, d’encadrer davantage les innombrables chantiers de construction de la mégalopole en perpétuelle évolution et de miser davantage sur les transports en commun alors que la ville compte près de 10 millions de voitures dont 2,5 roulent encore au diesel.
« Nous devons impérativement réduire le nombre de véhicules, penser sérieusement à la circulation alternée (…) et s’inspirer de nos voisins comme Singapour » qui a mis en place l’année dernière une politique de limitation du nombre de véhicules privés afin de réguler le trafic, souligne Siwatt Pongpiachan.
Dans un pays où la conscience écologique reste très peu développée, les hommes politiques commencent à s’emparer du sujet à l’approche des élections législatives annoncées le 24 mars, les premières depuis le coup d’Etat militaire de 2014.
« Être parmi les dix villes les plus polluées au monde a un impact sur la santé de nos concitoyens et sur l’économie. Cela va affecter le tourisme », a mis en garde il y a quelques jours sur les réseaux sociaux Thaksin Shinawatra, l’ancien Premier ministre renversé par les militaires en 2006.
Il reste leur bête noire et l’opposant numéro un des élites ultra-royalistes conservatrices, malgré son exil pour échapper à des poursuites qu’il juge politique.
Son parti, le Pheu Thai, principal force d’opposition, surfe sur la vague d’inquiétude des Thaïlandais en distribuant des masques anti-pollution à Bangkok. Le nouveau parti d’opposition Future forward s’y est aussi mis.
Les autorités ont pris depuis un mois des mesures qui se sont avérées inefficaces.
Des avions, déversant des produits chimiques dans les nuages pour activer la formation d’averses, ont survolé la capitale. Mais très peu de pluie est tombée sur la ville. Des camions ont également vaporisé de l’eau dans les rues, une méthode à l’efficacité controversée.
Et les autorités ont annoncé mercredi que des drones allaient être déployés pour disperser une solution liquide censée nettoyer l’air des particules microscopiques.