Il a débuté comme apprenti menuisier alors qu’il n’avait que 11 ans. Puis il s’est lancé à son propre compte sous un manguier dans sa cour familiale. Aujourd’hui, il est chef d’entreprise et propriétaire d’un grand atelier de fabrication de meubles de haute gamme. Il s’agit de Saleem Bola, directeur de Shafa Furniture Ltd, sise à Triolet. Rencontre.
Shafa Furniture Ltd a été incorporée en 1990 mais l’aventure de son directeur, Saleem Bola, a débuté alors qu’il n’avait que 11 ans. Issu d’une famille très modeste et fils de parents handicapés, Saleem, aujourd’hui âgé de 50 ans, a été forcé d’abandonner sa scolarité après le CPE. « Je suis le cadet de ma famille, avec une sœur aînée et un petit frère. Nous vivions dans des conditions très modestes et mes parents n’avaient pas les moyens de m’envoyer au collège. Ils souffraient tous deux d’un handicap. Donc, j’ai dû abandonner l’école après le primaire pour soutenir ma famille financièrement », relate Saleem.
En 1980, le jeune garçon prend alors de l’emploi comme apprenti menuisier dans un atelier appartenant à un proche. Saleem souligne qu’il n’avait pas eu l’occasion de choisir le métier qu’il voulait pratiquer. Étant donné sa situation financière, il devait saisir la première opportunité. Son destin l’a ainsi conduit dans un atelier de menuiserie. « C’était par pur hasard. Je n’avais aucune notion de la menuiserie mais je devais travailler. J’ai appris toutes les techniques de base de ce métier dans cet atelier. Puis, en 1987, une meilleure opportunité s’est présentée à moi et j’ai décroché un emploi dans une grande société. Là, j’ai pu apprendre les techniques avancées de la menuiserie », indique Saleem.
Trois ans plus tard, un incident allait changer le cours de son destin. En effet, nous sommes en 1990 et le père de Saleem décède suite à un accident de la route. Affecté par cette soudaine perte, le jeune homme décide de prendre les choses en main. « Quand j’ai perdu mon père, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose pour ma famille et moi. Et c’est ainsi que j’ai pris la décision de me lancer à mon propre compte », dit-il. Pour débuter, Saleem n’avait aucun endroit pour travailler. Alors, il s’installe sous un manguier dans sa cour familiale. « Je ne possédais aucune machine et j’étais seul. Mais, je ne me suis jamais laissé décourager. Contre vents et marées, j’ai mis sur pied ma petite entreprise. Je prenais des commandes des clients particuliers pour la fabrication de meubles et de portes pour leurs maisons. Je travaillais aussi pour le compte d’un magasin de mobiliers. Petit à petit, j’ai évolué et je me suis fait un nom dans le domaine. J’ai alors commencé à investir dans les machines avec le soutien financier du magasin pour lequel je fabriquais des meubles », soutient Saleem.
Il affirme avoir passé toute son enfance et sa jeunesse à travailler et à faire des sacrifices pour sortir de sa situation difficile. En 1999, ayant économisé suffisamment d’argent, il parvient à faire l’acquisition d’un terrain à Triolet, sur lequel il a construit un atelier très spacieux. En 2000, il bénéficie d’un emprunt de la Banque de Développement de Maurice, lui permettant d’acheter quelques machines. « J’avais bien évolué depuis. Donc, je me suis inscrit à l’alors Small and Medium Enterprise Development Authority (SMEDA) pour bénéficier de ses facilités et services. J’ai pris part à plusieurs Salons, à Maurice comme à l’international. Grâce à celles-ci, j’ai acquis une grande expérience en termes de connaissance, d’idées et d’innovations. Par la même occasion, ma compagnie a bénéficié de plus de visibilité que ce soit sur le marché local ou international », indique l’entrepreneur.
En 2011, il enregistre sa compagnie sous le nom de Shafa Furniture Ltd. En 2015, Saleem est rejoint par son fils dans la gestion de l’entreprise. « Avec l’évolution que nous avons connue, les commandes pleuvaient en abondance. De plus, je recevais des commandes pour fabriquer des meubles pour des hôtels, des villas et des bureaux, entre autres. J’avais besoin d’une personne de confiance pour m’épauler dans la gestion de l’entreprise. Mon fils a alors abandonné les études après la Form IV et est venu me rejoindre dans la gestion de la compagnie. Aujourd’hui, nous la dirigeons à deux », dit-il.
Grâce à l’arrivée de son jeune fils, la compagnie a connu plus de modernisation et d’innovation. Le jeune homme a apporté ses propres idées et de nouveaux modèles de meubles pour offrir une plus large gamme de produits à leurs clients. Aujourd’hui, Shafa Furniture Ltd offre une variété de produits pour le confort de tous, à savoir des ensembles complets de cuisines, des objets décoratifs pour l’intérieur et l’extérieur, des meubles pour la chambre à coucher, des portes, des canapés, des mobiliers de bureau, des revêtements de sol et des faux plafonds, entre autres. Cette entreprise a non seulement investi dans les nouvelles technologies, mais aussi dans les matières premières. Auparavant, la compagnie devait utiliser des bois moins chers ou des pièces de meubles semi-finies pour leur fabrication. Aujourd’hui, elle utilise les meilleurs bois possible. « Nous utilisons aussi des vieux bois pour fabriquer des meubles décoratifs de même que des solutions pour protéger ces types de bois », dit-il. Shafa Furniture Ltd propose une grande variété de ses propres modèles. Toutefois, elle peut aussi fabriquer des meubles selon l’exigence des clients.
Son parcours, nous dit Saleem, est rempli de bons et de mauvais souvenirs. Si d’une part, il chérit les bons souvenirs, d’autre part il ne pourra jamais oublier les incidents survenus dans son atelier qui l’ont notamment privé de l’usage de sa main droite. En effet, Saleem a perdu quatre doigts de sa main droite en manipulant les machines sophistiquées. Toutefois, cela ne l’empêche pas d’être aujourd’hui un entrepreneur fier. « J’ai eu un parcours très difficile mais je n’ai jamais baissé les bras. Aujourd’hui, ma patience et ma persévérance ont porté leurs fruits. Je dirige une entreprise qui produit l’un des meilleurs meubles à Maurice », dit-il.
D’ailleurs, le succès le force à construire un deuxième atelier sur un terrain d’un arpent à Arsenal. Le projet, dit-il, est en cours. Saleem confie que son atelier à Arsenal est « dix fois plus spacieux » que celui de Triolet. Il compte aujourd’hui une trentaine d’employés, dont la majorité des Bangladais. « Nous sommes forcés d’employer des expatriés car la main-d’œuvre est trop difficile à Maurice. Les jeunes ne veulent pas pratiquer ce métier en raison des inconvénients qui l’accompagnent, dont la poussière et le bruit. Ils préfèrent des métiers plus confortables. Après la construction de mon deuxième atelier, je compte employer encore plus de personnes », fait-il ressortir.