La température de la surface de la mer monte progressivement dans la région
Une étude publiée la semaine dernière dans News 24, un média sud-africain, met en garde les gouvernements concernés contre l’éventualité grandissante que des cyclones très puissants de catégorie 5 sévissent dans notre région et en Afrique australe. Selon l’étude, la tendance climatique est en train de changer de manière dangereuse dans l’océan Indien. Les cyclones de catégorie 5 qui n’y existaient pas particulièrement avant 1994 deviennent plus fréquents parce que la température à la surface de la mer monte. Maurice, Rodrigues, La Réunion et les îles de la région se trouvant actuellement en pleine période cyclonique, les autorités locales auraient tout intérêt à ne pas négliger l’avertissement.
On doit l’étude publiée par News 24 à Jennifer Fitchett, une chargée de cours en géographie physique de l’université de Witwatersrand (Afrique du sud) qui a déjà été primée pour ses travaux. Elle a fondé ses recherches sur la base des données historiques de la National Oceanographic and Atmospheric administration (NOAA américaine). L’agence américaine elle-même a obtenu ses informations de nombreuses sources dont des registres tenus par des bateaux et des ports depuis les années 1800, des avions de reconnaissance à partir du siècle dernier et à partir de satellites de 1970 à ce jour.
Selon Fitchett, il a été établi que les régions Est, Ouest et Sud de l’océan Pacifique sont définitivement les plus exposées aux cyclones de catégorie 5 – définis généralement comme ouragans – comparées au régions sud du continent africain. Les statistiques montrent effectivement qu’une moyenne se situant entre 5 et 15 cyclones et tempêtes tropicales atterrissent annuellement sur les îles ou sur le sous-continent sud-américain. C’est beaucoup plus que sur l’Afrique australe. Néanmoins, le sous-continent africain reçoit la visite d’un cyclone de catégorie 5 après quelques années. La dernière fois qu’une tempête tropicale a évolué en pleine terre africaine remonte à février de l’année dernière. La tempête tropicale Dineo avait ravagé le Mozambique surtout avec des inondations. Mais de manière plus désastreuse, il faut remonter à 1994 quand le cyclone Dando avait semé la désolation dans la Grande Ile, tuant 5 personnes sur son passage et causant le déplacement forcé de milliers d’individus.
Fantala, le plus puissant à ce jour
Jennifer Fitchett rappelle qu’une tempête tropicale est nommée dès que des nuages prennent une forme concentrique et que les vents les accompagnant dépassent les 60 km/h. Ensuite, à mesure que le système évolue, il passe au grade de cyclone tropical lorsque les vents sont supérieurs à 120 km/h. La force des tempêtes et cyclones se mesure selon une échelle mise au point en 1965 par un ingénieur civil du nom de Herbert Saffir en association avec le climatologue Robert Simpson, d’ou la combinaison des noms Saffir Simpson.
L’échelle Saffir Simpson part de 1 point 1 à point 5 et tient compte de la vitesse des vents et de la pression barométrique. Le cyclone catégorisé point 1 est de petit diamètre (entre 50 et 100 km) avec des vents de 119 km/h au minimun. Le point 5 équivaut, pour le moment, à un cyclone très intense s’étendant sur un diamètre de 500 kilomètres avec des vents dépassant 252 km/h. Des débats ont été lancés s’il ne faudrait pas ajouter encore un 6e point à l’échelle tant ce genre de cyclone devient de plus en plus fort.
Évacuation recommandée des zones côtières
Selon les recherches de Jennifer Fitchett, c’est depuis 1994 – soit 70 ans après qu’un cyclone du même type s’était développé dans l’Atlantique nord – que les cyclones de catégorie 5 se forment également dans l’océan Indien. Selon la chercheuse, le tout dernier répertorié a été Fantala en avril 2016. Sur sa trajectoire Sud-ouest passant au nord de Madagascar, ce cyclone tropical avait heurté de plein fouet l’île seychelloise de Farquhar. La chance pour nos voisins dallons avait été que Fantala, de loin le plus puissant cyclone jamais enregistré dans le Sud-ouest de l’océan Indien, avait fait les dégâts relativement minimes (4.5 millions de dollars US quant même) et surtout, il n’y eut aucune perte humaine à déplorer. Par contre, deux ans plus tôt, en mars 2004, le cyclone catégorie 5 Gafilo laissa 250 morts et 300,000 sans-abris dans son sillage à Madagascar. Ses vents destructeurs avaient balayés la Grande île durant six jours. Il devait aussi couler un ferry.
La chercheuse de l’université Witwatersrand affirme qu’il faut s’attendre à d’autres cyclones catégorie 5 dans notre région parce que, avec les émissions de gaz à effets de serre, la température à la surface de la mer est en train de grimper. La température à la surface de la mer génère des cyclones lorsqu’elle atteint un minimum de 26.5° Celsius. Or, les statistiques compilées par la NOAA établissent qu’au cours des 30 dernières années, il y a eu une hausse progressive jusqu’à 29°, soit plus que suffisante pour l’intensification des systèmes tropicaux. Ainsi, depuis 1960, la température à la surface de l’océan Indien a augmenté de 0.3 degré. Qui plus est, selon les recherches toujours, les zones où la température s’échauffe ont tendance à s’élargir, voire à descendre à des altitudes plus basses que d’ordinaire. Avec pour résultât que des cyclones prennent maintenant naissance dans ses eaux qui étaient, autrefois, trop froides pour leur permettre de se développer.
Toujours selon Jennifer Fitchett, une des conséquences de l’expansion des zones d’échauffement propices à la formation de cyclones catégorie 5 est que ces cyclones arrivent à contourner le sud de Madagascar pour aller frapper directement les côtes mozambicaines. Or, en raison de son immense superficie (approximativement près de trois fois celle de la France), Madagascar avait jusqu’ici agi comme une barrière naturelle pour le continent africain. Les effets du changement sont alors dévastateurs pour les populations et les infrastructures non-seulement pour le Mozambique, mais aussi pour l’Afrique du sud à cause de la proximité de ces deux pays traversés par le fleuve Limpopo.
Dans sa conclusion, la chercheuse exhorte les gouvernements de la région à prendre des mesures pour parer au danger. Elle recommande fortement, entre autres, l’évacuation des habitants des zones côtières situées au niveau de la mer en raison de la menace de la montée de la mer. A bon entendeur.