Ils se sentent délaissés et disent ne plus obtenir de commandes pour leurs produits artisanaux depuis plus de six mois. Ces artisans enregistrés chez SME Mauritius envisagent de fait de manifester prochainement devant le bureau de l’organisme, à Port-Louis.
Gagnant sa vie grâce à ses produits artisanaux, qu’il livre dans les boutiques de SME Mauritius, Clency Doongour se dit inquiet pour son avenir. « Je n’obtiens aucune commande de SME Mauritius depuis plus de six mois. On me dit que mes produits ne sont “pas vendables” », avance l’artisan, qui exerce ce métier depuis plus de 25 ans. « Auparavant, j’obtenais une commande de 500 dodos par mois », dit-il. N’obtenant plus de commandes régulières, Clency Doongour dit aujourd’hui arriver difficilement à garder ses employés.
Selon lui, on lui reproche aussi que ses produits ne sont pas livrés à temps. « On ne trouvait même pas mes produits dans les magasins hors taxes. Ce n’est que lorsque j’ai posé des questions qu’on a placé mes produits », dit-il. Et d’affirmer que les produits d’autres artisans sont placés sur les étagères des boutiques de SME Mauritius aux dépens d’autres artisans, « pourtant dans le secteur depuis plusieurs années ». Clency Doongoor, qui est dans le business de la fabrication de dodos, explique pourtant que ses produits sont aux normes, disposant même d’un code-barres et, même, d’un hologramme afin de certifier leur authenticité.
Aujourd’hui, il dit craindre pour la survie de son entreprise et souhaiter « obtenir des commandes tous les mois, comme c’était le cas auparavant ». Il développe : « Je ne travaille plus et le nombre de produits importés sur le marché nous affecte davantage. » L’entrepreneur estime en effet que le marché est « inondé » de produits artisanaux venus de Chine, et qui se vendent à un prix inférieur par rapport aux produits locaux. « Le prix des produits locaux est légèrement plus élevé car les matières premières sont importées », explique-t-il.
Aussi, les produits importés, selon lui, « tuent » son métier. « Ce n’est pas normal qu’on imite nos produits et qu’on les fabrique en Chine pour, ensuite, les revendre à Maurice. Dans ce cas, SME Mauritius n’aurait pas dû exister », dit-il. D’après Clency Doongour, sa situation est devenue « intenable », répétant une fois encore que « d’autres entrepreneurs sont privilégiés » par rapport à lui. « On nous demande de livrer nos produits dans des magasins. Mais on ne peut pas faire cela », dit-il, sachant qu’il reçoit des commandes régulières pour être placées dans des boutiques spécialement dédiées à l’artisanat.
Marie Claire Pillain, qui coud des vêtements (jupes « sega », robes traditionnelles africaines…), fait la même constatation. « Je livrais mes produits dans les différentes boutiques mais depuis quelque temps, je ne reçois plus de commandes. Je ne sais pas à quelle porte frapper. À chaque fois que je pose des questions, on ne me répond pas », avance cette femme entrepreneur, au chômage technique depuis décembre 2017. « Je n’ai plus de commandes depuis. De temps en temps, j’obtenais des commandes pour concevoir 35 robes par mois, qui se vendaient dans les boutiques hors taxes. Mais maintenant, plus rien », dit-elle avec regret. Son erreur, selon elle, est de s’être trop braquée sur les commandes qu’elle obtenait car, « auparavant, j’obtenais des commandes régulièrement et je pouvais livrer mes produits partout ».
Depuis, Marie Claire Pillain ne peut plus faire appel aux trois personnes qui travaillaient avec elle à temps partiel. « Ce sont des mères de famille qui travaillaient quelques heures tous les jours. Mais j’ai dû leur demander de rester chez elles en attendant de nouvelles commandes », souligne-t-elle. Marie Claire Pillain dit avoir encore quelques robes en stock, espérant toujours recevoir des commandes. « Malheureusement, je n’ai rien reçu et je n’ai rien vendu en janvier », poursuit-elle, se demandant pourquoi ses produits ne sont pas vendus dans les boutiques de SME Mauritius.
Même si elle avoue « ne pas être tout à fait au courant » des changements qui s’opèrent dans le secteur de l’artisanat, cette artisane de 34 ans dit craindre pour son avenir. « J’ai quelques petits problèmes et l’un d’eux est l’absence de communication de la part de SME Mauritius », lance-t-elle. Elle garde néanmoins espoir, car elle dit avoir noté « quelques petits changements » depuis quelques semaines. « J’ai essayé de contacter SME Mauritius pour savoir quand le travail sera réellement lancé et on m’a dit d’attendre car des mesures vont être prises en faveur des artisans », mentionne-t-elle.
Étant dans le flou, elle dit être « au courant de ce qui se passe avec d’autres artisans ». Elle continue : « Ma période de livraison n’étant pas encore arrivée, je ne sais pas si je vivrais la même expérience que les autres. » Rejoignant les propos de Clency Doongour, la jeune femme, qui fabrique aussi des porte-clés et des souvenirs de Maurice, estime par ailleurs que les produits importés de Chine « nuisent aux artisans mauriciens », car « ils sont vendus moins cher et inondent le marché ».
Du côté de SME Mauritius, c’est une toute autre explication. « Il existe un problème au niveau de leurs produits. Ces artisans ont été formés pour innover leurs produits mais nous constatons qu’ils n’ont rien fait », explique une des sources auprès de cette instance.