Coupe Davis, « origine » des Bleus du football, politique gouvernementale française en matière de sport, ennui sur le Tour de France… Plus ou moins lourds, les sujets à « empoignades » n’ont pas manqué cette année. De la réforme de la Coupe Davis à l’« origine » des joueurs de l’équipe de France de football sacrés champions du monde, en passant par la réintégration de la Russie au sein de l’Agence mondiale antidopage (AMA) ou les nouvelles orientations de la politique du gouvernement français en matière de sport, l’année 2018 a été marquée par un certain nombre de débats et de polémiques, plus ou moins lourds, plus ou moins vifs. Tour d’horizon non exhaustif et forcément un peu subjectif aussi.
L’équipe de France et ses Africains
La polémique est partie d’Italie, au lendemain de la victoire des Bleus en finale de la Coupe du monde de football, mi-juillet. Des « champions africains mêlés à de très bons joueurs blancs ». C’est par ces mots que le Corriere Della Sera, quotidien le plus diffusé en Italie, a décrit l’équipe victorieuse, opposant couleur de peau, origines familiales et nationalité, et ouvrant la voie à des discours racistes, sur les réseaux sociaux notamment, où les joueurs français ont été désignés comme « des singes avec un ballon ». « Les Noirs ont gagné le Mondial », a également tweeté l’un des fondateurs de Podemos en Espagne, quand l’humoriste sud-africain Trevor Noah, présentateur de l’émission diffusée aux Etats-Unis « The Daily Show », déclarait que « l’équipe de France est l’équipe de substitution du continent africain ». Cette dernière intervention a conduit plusieurs basketteurs français évoluant aux Etats-Unis à mettre les choses au point. Nicolas Batum, par exemple, a rappelé que « tous on se bat et on joue pour la France car nous sommes nés ici, avons grandi ici, avons la fierté d’avoir la nationalité française ». En France, la polémique n’a pas véritablement trouvé matière à prolongement. L’affaire Benalla est venue tout écraser.
L’UEFA face aux grands (et riches) clubs de football
On ne peut pas dire que les nouvelles révélations des « Football Leaks », cette série d’enquêtes réalisées à partir de « plus de 70 millions de documents » par le consortium European Investigative Collaborations (ECI), aient provoqué de grands débats publics ou des polémiques. En tout cas pas dans le milieu du football. Pourtant, ces révélations offraient matière à interrogations. L’une d’elles pourrait être abruptement résumée : l’UEFA a-t-elle capitulé devant les grands clubs ? Les « Football Leaks » montrent, en tout cas, que l’instance européenne, face aux menaces des clubs les plus riches, a cédé à leurs exigences, que ce soit pour alléger les sanctions du fair-play financier (FPF), ou pour redessiner une Ligue des champions qui leur soit encore plus favorable. Rien n’a été paisible, cette année encore, au sein de la Fédération française de rugby (FFR).
Parce que le XV de France continue de perdre des matchs. Mais surtout parce que la présidence exercée, depuis décembre 2016, par Bernard Laporte suscite toujours des polémiques. A commencer par l’affaire de possibles conflits d’intérêts entre le président de la FFR et Mohed Altrad, président du club de Montpellier : les perquisitions, en janvier, au siège de la FFR, à Marcoussis (Essonne), ont encore accru les tensions.
La gouvernance Laporte à la Fédération de rugby
La manière dont le président met en place, à marche forcée, son propre système a suscité aussi de vives critiques. Le lourd déficit des comptes a provoqué des tensions : si M. Laporte a assuré « garantir que les finances sont et resteront saines et solides », ce bilan a suscité 25 % de votes contre lors de l’assemblée générale financière réunissant les dirigeants de club, début décembre. Florian Grill, président de la ligue régionale d’Ile-de-France et opposant a déclaré, y a vu « un vrai message sur la nécessité d’une gestion beaucoup plus rigoureuse ».
La réforme de la Coupe Davis
Pour les uns, il était urgent de « relooker » une vieille dame plus que centenaire, boudée par les meilleurs joueurs. Pour les autres, il s’agit d’un crime de lèse-monument historique. La refonte de la Coupe Davis, adoptée mi-août par la Fédération internationale de tennis (FIT), a fait couler beaucoup d’encre dans le monde du tennis. Pour relancer, selon elle, l’intérêt de la compétition, la FIT l’a vendue au groupe Kosmos, présidé par le footballeur Gerard Piqué : un partenariat sur vingt-cinq ans, supposé garantir 20 millions de dollars chaque année aux participants. L’épreuve sera condensée (phase finale d’une semaine réunissant dix-huit équipes, en clôture de la saison, sur terrain neutre). Les joueurs (et ex-joueurs) français ont été parmi les principaux contempteurs de cette formule, pourtant soutenue par le président la fédération française, Bernard Giudicelli. L’ex-capitaine de l’équipe de France, Yannick Noah, a évoqué un sacrifice « sur l’autel du pognon ». Si David Haggerty, le président de la FIT, assure que « beaucoup de joueurs ont l’air assez enthousiasmés », un certain nombre ont annoncé qu’ils ne disputeraient pas l’épreuve.
D’autant que l’ATP, l’instance qui régit le circuit, a fait savoir qu’elle organiserait sa propre coupe du monde à six semaines d’intervalle.
Les tenues en tennis
C’est l’Américaine Serena Williams qui a mis le feu aux poudres : à Roland-Garros, elle a joué vêtue d’une combinaison moulante sombre. « Ce n’est pas vraiment typique, mais qu’est-ce qui est typique ? Qui fixe les règles ? », s’est elle alors interrogée face aux premières critiques. « Je crois qu’on est parfois allé trop loin », a déclaré, fi n août, Bernard Giudicelli, le président de la Fédération française de tennis, annonçant la mise en place d’un code vestimentaire à Roland-Garros. Les critiques ont afflué contre ce qui a été perçu comme une tentative de contrôler et réglementer le corps des sportives. D’autant que, dans le même temps, la Française Alizé Cornet, fi n août lors de l’US Open, s’est vu infl iger un avertissement pour avoir remis son tee-shirt à l’endroit sur le court, laissant apparaître une brassière. Ce que le règlement interdit aux joueuses (mais pas aux joueurs). Alizé Cornet a toutefois jugé « les propos » de M. Giudicelli « sur Serena 10 000 fois plus pires que ce qui [lui] est arrivé ». Le circuit WTA (le circuit féminin) a, lui, décidé que le genre de tenue portée par Serena Williams (leggings) sera désormais autorisé.
La politique sportive française
L’Etat peut-il se décharger de la conduite de la politique sportive sur les fédérations ? Le monde du sport français a été brutalement confronté à cette question à la rentrée de septembre avec l’annonce, par le gouvernement, de la suppression des 1 600 postes de conseillers techniques sportifs (CTS). Ces postes ne seront certes pas totalement supprimés. Mais ces cadres, impliqués dans la vie des fédérations, vont perdre leur statut de fonctionnaires d’Etat, et il reviendra aux différentes fédérations d’en prendre la tutelle. Pourront-elles le faire ? Pas sûr qu’elles en aient toutes les moyens. « Les deux tiers des fédérations vont s’écrouler comme des châteaux de cartes », a dénoncé Philippe Bana, président de l’association des directeurs techniques nationaux. Cette décision survient alors qu’une agence nationale du sport, chargée de piloter le haut niveau et le développement des pratiques sportives, doit se mettre en place en 2019. A deux ans des Jeux olympiques de Tokyo, à moins de six ans de ceux de Paris, le sport français est donc sommé de se réinventer dans l’urgence. Le peut-il ? Le débat risque de ne pas retomber en 2019.
La réintégration des Russes dans l’AMA
« Flexibilité » et « pragmatisme » pour les uns. « Trahison », pour les autres. En décidant, le 20 septembre, de réintégrer l’Agence russe antidopage (Rusada), suspendue depuis novembre 2015, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a concrétisé le retour en grâce de la Russie dans le sport international moins de trois ans après les premières sanctions pour son système de dopage institutionnel. Cette décision a provoqué un déluge de critiques sur son indulgence supposée. La Russie n’a pas été satisfaite des conditions édictées par l’AMA, mais celle-ci a adapté ses demandes : alors qu’elle réclamait la reconnaissance officielle d’un dopage facilité par les services de l’Etat et l’accès direct aux secrets renfermés dans le laboratoire de Moscou, afin de pouvoir sanctionner les athlètes russes dopés, elle n’a eu ni l’un ni l’autre. Sa décision a été jugée « déroutante et inexplicable » par l’Agence américaine antidopage (Usada), dont le patron, Travis Tygart, a estimé qu’elle « porte un coup terrible aux athlètes propres dans le monde ». Au sein même de l’AMA, les critiques ont fusé. Sa vice-présidente, la Norvégienne Linda Helleland, qui a voté contre cette décision, a déclaré que celle-ci jetait « une ombre sur la crédibilité du mouvement antidopage ».
L’ennui sur le Tour de France
On ne va pas le nier, en juillet, suivre les étapes du Tour de France c’est aussi accepter qu’à un moment ou un autre, les paupières se fassent plus lourdes et que l’on pique du nez. C’est d’autant plus vrai ces dernières années que les étapes ont souvent été d’un ennui profond – particulièrement en montagne –, parce que cadenassées par une équipe : la Sky, de Christopher Froome et de Geraint Thomas. Cet été, cette petite musique de l’ennui a servi de bande-son quasi permanente sur le Tour. Avec sa question corollaire : comment en sortir ? Les organisateurs avaient bien essayé de jouer sur certains paramètres susceptibles de secouer cette torpeur : nombre de coureurs dans les équipes ramené de neuf à huit ; kilométrage réduit pour certaines étapes. Rien n’y a fait. Certains avancent la nécessité de supprimer les oreillettes. Ou encore les capteurs de puissance qui empêcheraient de courir « à l’instinct ». D’autres évoquent la mise en place d’un « salary cap » afin qu’une équipe (comme la Sky) n’écrase pas tout en recrutant les principaux talents. Le débat risque de rester entier en 2019. Tout du moins jusqu’en juillet, parce que la Sky quittera ensuite le peloton… Mais il n’est pas sûr que cela change grand-chose.
La VAR en football
L’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) a été lancée en grande pompe par la Fédération internationale de football (FIFA) lors de la Coupe du monde en Russie. Cet outil était réclamé par un certain nombre d’acteurs afin de mettre un terme aux polémiques liées aux décisions des arbitres. En France, la Ligue 1 l’a mise en place depuis le début de la saison 2018-2019. Et la Ligue des champions l’utilisera dès les huitièmes de finale, en février. A peine instauré, le dispositif a vite été contesté. Au Mondial, certains observateurs ont pointé une « épidémie » de penaltys au premier tour, dont bon nombre accordés après initiative des arbitres vidéo. Pourtant, en France, la direction nationale de l’arbitrage estime que les erreurs ont été divisées par trois d’une année sur l’autre. « La VAR est un très bel outil mais il faut que les arbitres se mettent à son niveau, afin qu’ils soient justes et homogènes dans leurs décisions », avance Frédéric Paquet, directeur général de Saint- Etienne. Les images ne font pas toujours surgir « la » vérité. Les problèmes d’interprétation demeurent.
La délocalisation des matchs de football
Le football européen a déjà décalé des horaires de matchs pour conquérir de nouvelles audiences et générer des recettes supplémentaires, en Asie par exemple. Va-t-il aller jusqu’à délocaliser certaines rencontres ? C’était le projet de la ligue espagnole (LaLiga), qui voulait faire jouer à Miami, en Floride, la rencontre prévue en janvier entre le FC Barcelone et Gérone. Après avoir divisé le petit monde du football espagnol durant tout cet automne, ce projet ne verra finalement pas le jour. Pour le moment. Si les directions des deux clubs y étaient favorables, le syndicat des joueurs, fi n septembre, y a mis son veto. La fédération espagnole s’est aussi montrée hostile. Cela n’empêche pas la ligue d’assurer que « dans les plus brefs délais, La Liga jouera un match officiel aux Etats-Unis ».