Des explosions, des boules de feu tombant du ciel, des torches humaines: témoins et rescapés du violent incendie de Dacca, qui a fait au moins 70 morts au cœur de la capitale bangladaise, ont décrit jeudi à l’AFP des scènes d’enfer.
« J’ai cru que le jour du Jugement dernier était arrivé. L’intensité du feu était telle que les pompiers n’ont rien pu faire les premières heures », témoigne Haji Minto, un habitant de Chawkbazar, dédale de ruelles encombrées et densément peuplées.
Mercredi soir, la vie suivait son cours normal et chaotique dans cette partie de la vieille ville. La rue était encombrée de rickshaws, voitures et camionnettes qui klaxonnaient furieusement. Des habitants faisaient leurs courses dans les boutiques ou dînaient au restaurant. Un groupe célébrait un mariage.
Soudain, vers 22H40 (16H40 GMT), le feu a éclaté. D’après les pompiers, l’incendie pourrait être parti d’une bonbonne de gaz dans un immeuble avant de se propager à toute vitesse aux bâtiments adjacents au contact de stocks de substances chimiques. Ces dernières, destinées à la fabrication de produits domestiques comme des déodorants, étaient illégalement entreposées au milieu d’appartements habités.
En quelques instants à peine, le quartier se transforme en un brasier d’une fureur inouïe.
« Les explosions étaient si fortes que c’était comme une guerre. Les barils chimiques explosaient dans les étages supérieurs et des boules de feu tombaient dans les rues. J’ai vu des corps qui brûlaient partout sur la route », raconte à l’AFP Haji Mohammad Salahuddin, un habitant du voisinage, grièvement blessé.
Mohammad Salim, 45 ans, rentrait de son travail à l’usine lorsqu’une série d’explosions l’a jeté à terre.
« Un autre homme est tombé sur moi. Tout son corps était en flammes. En courant me mettre en sûreté, j’ai entendu une chaîne d’explosions et vu une femme et un enfant brûlant dans un rickshaw », dit-il sur un lit d’hôpital de l’hôpital universitaire de Dacca, le corps brûlé à 24%.
La virulence de l’incendie a été telle que les pompiers ont mis plus de douze heures à en venir à bout. Leur combat contre les flammes a été ralenti par les difficultés d’accès au lieu du sinistre et le manque de réserves d’eau.
– Restes calcinés –
Sur les lieux du drame, les flammes ont laissé place jeudi matin à des scènes d’horreur et de désolation. Les restes calcinés de véhicules gisent sur la route. Des centaines de bombes de déodorant, soufflées par les détonations, sont éparpillées par terre.
Le portail d’un des immeubles touchés était verrouillé par une chaîne, une pratique de sécurité courante la nuit mais qui a empêché les habitants de s’enfuir.
« Nous avons trouvé 24 corps dans un coin d’un bâtiment et neuf autres dans une pharmacie, dont le rideau de fer était baissé. Ils ont pensé qu’ils survivraient en tirant le rideau de fer », rapporte le pompier Shariful Islam.
Les pompiers passent au peigne fin les étages carbonisés à la recherche de corps. Des centaines de personnes se sont précipitées à l’hôpital à la recherche de leurs proches disparus, mais la plupart des cadavres étaient tellement brûlés qu’ils étaient méconnaissables.
Chawkbazar est l’une des principales zones de commerce de la ville et ses immeubles tassés les uns contre les autres peuvent aussi servir d’entrepôts informels de biens et de produits chimiques.
« Nous avons mis (les propriétaires) en garde. Mais c’est tombé dans l’oreille d’un sourd. Vous pouvez vous faire pas mal d’argent en louant des étages d’immeubles pour stocker des produits chimiques », explique un résident qui a demandé à rester anonyme.
Les autorités ont lancé une enquête sur l’incendie et promis des mesures de rétorsion pour empêcher que des produits chimiques en grande quantité soient conservés dans des zones résidentielles.
Un incendie similaire, dans un immeuble habité où étaient stockés des produits chimiques, avait déjà frappé la capitale du Bangladesh en 2010 et fait quelque 120 morts.
À la suite de ce désastre, le Bangladesh avait lancé une campagne de répression contre le stockage de produits chimiques dans les zones résidentielles, mais les efforts pour en finir avec cette pratique dangereuse se sont relâchés ces dernières années.
« Nous aurons vite une solution permanente », a affirmé à l’AFP Obaidul Quader, ministre du Transport routier.