Depuis le 22 novembre, avec sa déclassification sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, le pigeon rose ou pigeon des mares a fait un pas de plus vers la survie. Son statut est passé d’endangered à vulnérable grâce aux efforts de la Mauritian Wildlife Foundation et le National Parks Conservation Service, entre autres. Scope s’est rendu à la Vallée de Ferney pour redécouvrir cet oiseau unique à Maurice.
Des roucoulements se font entendre ici et là, alors que l’on s’approche de la Ferney Field Station. Les feuilles s’agitent sur les arbres. En quelques battements d’ailes, un magnifique oiseau avec sa belle robe rose passe sur nos têtes pour regagner un autre arbre un peu plus loin. L’un après l’autre, les pigeons des mares se font voir. “Ils ne sont pas farouches, ils viennent tous les jours à partir de 11h”, confie Kathryn Smith, Pink pigeon field worker.
Certains marchent sur l’herbe alors que d’autres se posent sur les trémies de remplissage, installées dans ce qui sert de cour à la station. “Nous y mettons des graines de maïs et de blé au cas ils ne trouvent pas de quoi se nourrir dans la forêt. Leur alimentation se compose également de jeunes feuilles et de petits fruits. Certains semblent se nourrir davantage dans la forêt car on les voit revenir après plusieurs jours”, dit Kathryn Smith. Près de quarante pigeons roses se trouvent dans la vallée de Ferney. Une trentaine avait été relâchée l’année dernière et les femelles ont déjà donné naissance à sept petits.
Déclassification.
On peut avancer, sans risquer de se tromper, que sans le captive breeding initié dans les années 80, le pigeon rose aurait sûrement rejoint le dodo au panthéon des espèces disparues. À cette époque, il ne restait que douze oiseaux. Le projet a consisté à capturer les pigeons et à les aider à se reproduire, avant de les relâcher dans plusieurs forêts de l’île, comme à Ferney en 2017. Désormais, on peut en trouver également dans les endroits suivants : Pigeon Wood, Brise-Fer, Combo, Bel Ombre, Lower Black River Gorges, Pétrin, île aux Aigrettes et Ebony Forest à Chamarel. On dénombre entre 440 et 500 pigeons roses sur tout le territoire.
Cette déclassification du pigeon des mares, qui intervient 18 ans après la dernière, vient confirmer que Maurice sait sauver des espèces en danger. Le boa de l’île Ronde et le Gunther’s gecko ont également été déclassifiés récemment. La grosse cateau verte, le cardinal de Maurice et la chauve-souris de Rodrigues avaient connu le même succès. “Cette déclassification est l’aboutissement de beaucoup d’efforts et de sacrifices, commencés il y a 40 ans. Cela montre qu’on a la possibilité de sauver des espèces en danger”, souligne Nicolas Zuël, responsable du projet de conservation du pigeon des mares à la MWF.
Trois fois plus de mâles.
Ces résultats positifs sont le fruit d’un travail de fourmi étalé sur plusieurs années. Non seulement les acteurs de la conservation aident le pigeon à survivre, mais ils doivent également s’assurer qu’il ait un écosystème viable dans lequel vivre. Ainsi, les forêts sont repeuplées de plantes endémiques, à l’instar du bois poupard, du bois manioc, du bois pipe ou du bois d’olive, pour fournir des habitats et de la nourriture pour l’oiseau. Les conservateurs doivent également contrôler les prédateurs que sont les chats, les rats, les mangoustes et les singes. Les maladies sont également un facteur important : elles ont décimé beaucoup de pigeons au fil des années. Ce qui ralentit la croissance de la population, c’est le fait qu’il y ait trois fois plus de mâles que de femelles. “Si nous avions plus de femelles, la population aurait grandi plus rapidement”, dit Nicolas Zuël.
La route est cependant encore longue. La MWF et ses partenaires se sont fixé comme prochain objectif d’atteindre 600 pigeons des mares, ce qui mettrait la population dans une position encore plus confortable. Ce chiffre peut être atteint, mais cela passe inexorablement par de nouvelles relâches et un suivi strict de la population de pigeons des mares.