- « La déclaration d’Abou Dabi sur la fraternité humaine devra maintenant être diffusée, commentée et patiemment étudiée sur le fond », affirme-t-il
La récente visite du pape François aux Émirats Arabes Unis, durant laquelle il a rencontré le sultan Malik Ak-Kabil sur le delta du Nil ainsi que le cheikh Al Tayeb, recteur et grand imam de l’Université Al Azhar du Caire, « devrait interpeller tous les Mauriciens », selon Philippe Goupille, président du Conseil des Religions à Maurice. « Pour moi, la visite du pape François aux Émirats Arabes Unis est un événement majeur qui devrait interpeller tous les Mauriciens qui s’intéressent à la paix et à la justice sociale. Au-delà des relations entre le christianisme et l’islam, le pape François a rappelé les principaux axes sur lesquels se fonde le dialogue interreligieux. Ces principes peuvent aussi bien s’appliquer au dialogue entre christianisme et hindouisme, christianisme et bouddhisme, et même dans le dialogue avec ceux qui ne croient en rien », souligne le père Goupille.
Ce dernier estime que la rencontre du pape avec le grand imam d’Al-Azhaz a une portée historique. « Le pape et le grand imam ont signé une déclaration commune à Abou Dabi, qui est le fruit d’un travail en amont des théologiens chrétiens et islamiques et qui mérite d’être étudiée en profondeur. Ce document nous aide à prendre conscience des dangers qui nous menacent tous à ce moment important de notre histoire humaine », souligne-t-il.
Philippe Goupille a également attiré l’attention sur « les souffrances que connaissent tant d’innocents » dans le monde. « Ces souffrances ont atteint un tel niveau qu’il n’est plus possible de rester passif. D’autre part, l’économie mondiale est en crise dans la mesure où le président Trump, aux Etats-Unis, comme les problèmes autour du Brexit, en Europe, continuent à s’inscrire dans une politique d’individualisme et de repli sur soi qui s’opposent à nos convictions que la terre appartient à tous et qu’elle est “notre maison commune”. Le problème des migrants en Méditerranée vient nous rappeler douloureusement sur le fait qu’il faut passer de l’individualisme et du chacun pour soi à la solidarité planétaire », explique-t-il, tout en observant que ces problèmes peuvent avoir des conséquences pour Maurice.
D’ailleurs, dit-il encore, le pays « ressent déjà les effets de cette crise » internationale. « Nos clients traditionnels de France et d’Europe se sentent fragilisés et vont voyager de moins en moins. Cette crise mondiale impacte non seulement notre économie dans le tourisme mais aussi dans nos exportations. » Le pape François et le grand imam d’Al-Azhar soulignent que « l’humanité s’auto-détruit lorsque sa relation à Dieu se pervertit ». Selon eux, ce désordre mondial a deux causes : soit l’oubli de Dieu, qui engendre l’individualisme et l’indifférence, ou la corruption de l’idée même de Dieu, devenant une idole dont la défense justifierait toutes les violences. Dans leur déclaration commune, les deux chefs religieux lancent un appel pressant à tous de « cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle »
Pour le père goupille, le danger de la violence découle de fausses conceptions de la religion. « François et le grand imam ont dénoncé l’usage politique des religions. Ils ont le courage de dire que des groupes d’hommes de religion ont abusé, à certaines phases de l’histoire, de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion », souligne-til.
Au chapitre du développement du dialogue entre les religions à Maurice, le père Goupille affirme qu’il « partage la joie des jeunes lauréats, qui ont privilégié la culture de l’effort pour bâtir alors que nous sommes aussi en train de discuter sur le nombre de “crédits” pour faire la HSC ». Toutefois, déplore-t-il, « il n’y a rien dans les programmes d’études qui inviterait à étudier en profondeur les différentes religions qui forment notre tissu social, et surtout faciliter les mécanismes du dialogue ».
« Je me permets, en m’inspirant du pape François et de l’imam Ahmad, de proposer quelques orientations pour faciliter le dialogue : 1) L’amitié. L’imam Ahmad Al-Tayyib se laisse rejoindre par le pape François et accepte son amitié. 2) Le dialogue réciproque basé sur l’estime due à un autre croyant est le vaccin contre les gènes de la pathologie de la toute-puissance qui menace constamment l’inclination religieuse. 3) La plus grande richesse de l’homme est sa capacité de relation. En développant la relation avec les autres croyants, je fais primer la communion sur la division, la fraternité humaine sur la concurrence doctrinale. »
Le père Goupille souhaite que la déclaration d’Abou Dabi sur la fraternité humaine soit maintenant diffusée, commentée et patiemment étudiée sur le fond « afin que l’humanité forme une fraternité gardienne de la “maison commune” ». Et de conclure : « Que ferons-nous dans nos religions respectives pour encourager cet approfondissement d’un document qui est capital pour l’avenir de l’humanité et partant de notre pays ? »