Le président français Emmanuel Macron, pressé de trouver une sortie à la crise des « gilets jaunes » qui déstabilise le pouvoir, a commencé lundi sa réunion avec les partenaires sociaux et des responsables politiques, avant une déclaration cruciale dans la soirée pour tenter d’apaiser la colère.
M. Macron s’est réuni lundi à l’Elysée avec 37 personnes, dont le Premier ministre Édouard Philippe et 12 membres du gouvernement, les patrons des principaux syndicats et du patronat, ainsi que les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et des associations de collectivités locales.
« Dans ce moment grave que traverse la Nation », le président va consulter « l’ensemble des forces politiques, territoriales, économiques et sociales (…) afin d’entendre leurs voix, leurs propositions et avec pour objectif de les mobiliser pour agir », avait précisé dimanche le palais de l’Elysée.
Le président français, mutique ou presque depuis les violentes manifestations du 1er décembre et les scènes d’affrontements sous le célèbre Arc de triomphe, va sortir de son silence et s’exprimer à 19h00 GMT depuis l’Elysée.
Il va présenter « des mesures concrètes et immédiates », a assuré dimanche la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
Parmi les pistes évoquées figurent un coup de pouce au minimum vieillesse ainsi qu’une prime mobilité pour ceux qui utilisent la voiture pour se rendre à leur travail.
A peine 48 heures après la fin de la quatrième journée d’action des gilets jaunes, ce sera sans doute l’allocution la plus importante depuis le début du mandat du président (juillet 2017), car la mobilisation inédite et déterminée du mouvement populaire des « gilets jaunes » ne faiblit pas.
Ces Français issus des classes moyennes et populaires se disent excédés par la politique fiscale et sociale de son gouvernement qu’ils jugent injuste. Ils ont de nombreuses revendications pour plus de justice sociale, de pouvoir d’achat, de baisse de taxes, d’aide à la mobilité mais aussi une refonte du système politique. « Mea culpa »
Le mouvement est particulièrement défiant à l’égard des élites politiques et des partis traditionnels.
De son côté, M. Macron, désormais très impopulaire, a besoin de trouver une sortie de crise rapide pour apaiser la colère qui déchire le pays depuis plus de trois semaines. Pris à partie par de nombreux manifestants qui réclament sa démission, il est aussi confronté à la dégradation de l’économie française du fait des blocages des routes et des rassemblements.
Le recul tardif du gouvernement sur la hausse des taxes sur les carburants, revendication à l’origine du mouvement des gilets jaunes, ne les a pas apaisés.
« Au moins autant que sur les annonces pour améliorer les fins de mois, Macron est attendu sur son mea culpa à propos de ce qui a été perçu comme des marques d’arrogance et de mépris, tant à l’égard des classes moyennes et populaires que des corps intermédiaires », écrit lundi le quotidien Libération. « Tous ceux, en somme, qui n’auraient pas voulu comprendre que sa politique de réforme à la hussarde était la seule possible pour réussir la transformation du pays ».
Car la fracture semble profonde entre, d’une part, cette France qui a le sentiment de glisser vers la pauvreté et de ne pas être écoutée des élites et, d’autre part, le gouvernement d’Emmanuel Macron, régulièrement accusé d’être le « président des riches ».
Les « gilets jaunes » vilipendent notamment la suppression de l’impôt sur la fortune, y voyant un simple cadeau pour les plus riches.
Dès samedi, après les manifestations des gilets jaunes un peu partout en France, marquées par des heurts et des dégradations importants, le Premier ministre Edouard Philippe avait lâché du lest. « Le temps du dialogue est là » et « il faut désormais retisser l’unité nationale », avait-il dit.
« Pas bon pour l’attractivité »
Les inquiétudes montent aussi dans le pays sur l’impact économique d’une crise qui entre dans sa quatrième semaine et est très suivie à l’étranger.
Nombre de commerces ont préféré ne pas ouvrir à Paris et en province lors des derniers samedis de manifestations, un manque à gagner important en pleins préparatifs des fêtes de Noël.
Les troubles liés aux manifestations des « gilets jaunes » feront perdre 0,1 point de croissance à la France sur le dernier trimestre de cette année, a avancé lundi le ministre des Finances, Bruno Le Maire.
« Je vois l’impact que cela a sur l’étranger et cela n’est pas bon pour l’attractivité de notre pays », a-t-il souligné.
De son côté, peu de temps après les déclarations du ministre, la Banque de France a divisé par deux, à 0,2% contre 0,4% précédemment, le taux de croissance du PIB français qu’elle prévoit pour le quatrième trimestre.
Dimanche, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, un des derniers poids lourds du gouvernement issu de la gauche, avait jugé que M. Macron « doit fixer maintenant le grand cap » vers « un nouveau contrat social ».
« Il faut réformer mais aussi accompagner les gens vulnérables. On doit leur faire sentir que les efforts sont partagés », réclame l’économiste Philippe Aghion, qui a travaillé sur le volet économique du programme présidentiel.
© AFP