Le Pakistan doit libérer vendredi un pilote indien capturé cette semaine dans des combats aériens au Cachemire, un « geste de paix » à l’égard de l’Inde qui pourrait marquer un apaisement de la crise entre les deux puissances nucléaires.
La poussée de fièvre entre les deux frères ennemis d’Asie du Sud a vu cette semaine leurs avions de chasse respectifs pénétrer sur le territoire adverse pour la première fois depuis des décennies, suscitant l’alarme de la communauté internationale qui redoute un conflit ouvert. Cette montée de tensions est allée jusqu’à perturber le trafic aérien mondial.
L’étincelle est encore une fois partie de la région poudrière du Cachemire, pomme de discorde du sous-continent depuis le milieu du XXe siècle. L’Inde et le Pakistan revendiquent tous deux cette zone montagneuse à majorité musulmane et se sont déjà livré par le passé deux guerres à son sujet.
La remise du pilote est prévue au poste-frontière de Wagah, situé entre les grandes villes de Lahore (Pakistan) et d’Amritsar (Inde), en milieu d’après-midi (vers 10-11H GMT). Des milliers de personnes se rassemblaient déjà côté indien vendredi matin pour accueillir celui qui est célébré comme un héros dans son pays.
La libération du lieutenant-colonel Abhinandan Varthaman, annoncée jeudi par le Premier ministre pakistanais Imran Khan, a été présentée par Islamabad comme un « geste de paix » en direction de l’Inde.
Pour autant « notre désir de désescalade ne devrait pas être interprété comme une faiblesse » par le Premier ministre indien, le nationaliste hindou Narendra Modi, a-t-il averti.
New Delhi accuse de longue date son voisin de soutenir les infiltrations et la lutte armée dans la partie du Cachemire sous contrôle indien. Cette rébellion a durement frappé l’État indien lorsqu’un attentat suicide a tué au moins 40 paramilitaires le 14 février, attaque la plus meurtrière depuis le début de l’insurrection séparatiste en 1989.
Narendra Modi, qui cultive une image d’homme fort et briguera au printemps un second mandat, s’est alors retrouvé sous pression d’une opinion publique et de commentateurs réclamant vengeance.
L’armée indienne a mené mardi une « frappe préventive » contre ce qu’elle a présenté comme un camp d’entraînement en territoire pakistanais du mouvement islamiste Jaish-e-Mohammed (JeM), l’un des groupes armés les plus actifs dans la lutte contre New Delhi au Cachemire et qui avait revendiqué l’attentat contre les paramilitaires.
L’Inde n’avait pas procédé à une frappe aérienne contre son voisin depuis la guerre qui les avait opposés en 1971 autour du Pakistan oriental (aujourd’hui Bangladesh), à une époque où aucune des deux nations ne possédait encore l’armée nucléaire.
– Visage de la crise –
En réponse à cette incursion indienne, des avions de chasse pakistanais ont franchi mercredi la Ligne de Contrôle, ligne de cessez-le-feu hautement militarisée qui fait office de frontière entre les deux pays au Cachemire, et ont largué des bombes côté indien.
Dans les affrontements aériens qui ont suivi, l’armée pakistanaise a affirmé avoir abattu deux avions indiens et capturé un pilote. L’Inde de son côté a confirmé avoir perdu un avion et dit avoir détruit un avion pakistanais, ce qu’Islamabad a démenti.
Le Pakistan a diffusé des vidéos du pilote prisonnier, devenu instantanément le visage humain de cette crise au Cachemire, assurant l’avoir bien traité.
Le lieutenant-colonel Abhinandan Varthaman est aussitôt devenu un symbole dans son pays. Son visage était vendredi sur toutes les télévisions indiennes. Sur Twitter, le mot-dièse #WelcomeHomeAbhinandan était l’un des plus tendance du moment.
Ses parents se sont rendus tard jeudi en avion à Amritsar et ont été applaudis à bord de l’appareil par les autres passagers. « Regardez la façon dont il a parlé avec bravoure (sur les vidéos). Un vrai soldat (…) Nous sommes si fiers de lui », a déclaré à la presse indienne son père, lui-même un officier retraité de l’armée de l’air.
Pour l’analyste pakistanais Hasan Askari, la libération du pilote représente « un geste extraordinaire » d’Islamabad. « Normalement on ne renvoie pas les gens comme lui aussi rapidement ».
« Espérons que l’Inde répondra positivement et travaillera avec le Pakistan à la normalisation de la situation entre les deux pays », a-t-il ajouté, interrogé par l’AFP.
En raison de la crise, le Pakistan a fermé depuis mercredi son espace aérien, provoquant des perturbations de vols pour des milliers de voyageurs à travers le monde. Il pourrait le rouvrir vendredi à partir de 13H00 locales (08H00 GMT).
Au Cachemire même, des tirs d’obus étaient signalés des deux côtés de la Ligne de contrôle vendredi, selon des habitants et des responsables locaux.
@afp