Une seule année passée au Centre d’éveil de Caritas et les parents sont émerveillés devant la transformation notée chez leurs enfants. L’émotion est forte dans les 17 centres d’éveil à travers l’île lorsque les tout-petits, âgés de 2 à 3 ans, et leurs parents disent au revoir en fin d’année au personnel qui les a encadrés, car il faut laisser la place l’année suivante à un autre groupe d’enfants. Ce « centre d’éveil » n’est ni une école maternelle, ni une garderie. Il s’agit d’un espace d’activités destiné aux enfants issus des milieux pauvres pour leur préparation à la maternelle, histoire de s’assurer qu’ils démarrent sur de bonnes bases et avec confiance. Mais ce magnifique projet d’entraide de Caritas est confronté à sérieuses contraintes financières.
En cette période de Noël, où l’attention est centrée sur les enfants, nous nous sommes intéressés à ce programme d’accompagnement des enfants que propose Caritas depuis quelques années. L’idée a germé lorsque des volontaires de Caritas ont aperçu des enfants de moins de quatre ans errant dans les rues pendant la journée dans certains quartiers pauvres. Il y a eu d’abord une première expérience à Roche-Bois, à titre expérimental, au début des années 2000, mais faute de financement, le projet a été abandonné pour quelque temps, le temps de revoir la structure d’organisation et les sources de financement. Avec le soutien des professionnels dans le domaine de la petite enfance, Caritas a alors consolidé le projet et le premier Centre d’éveil a ouvert ses portes à Goodlands en 2005. Les résultats sont positifs et tangibles, d’où la décision de Caritas de faire bénéficier un plus grand nombre d’enfants en situation de pauvreté de ces activités.
Actuellement, on dénombre 17 centres d’éveil à travers le pays, accueillant chacun 25 enfants chaque année. Selon Caritas, environ 5 525 enfants ont fréquenté ces centres. « Ces centres se trouvent dans des poches de pauvreté et sont destinés aux bénéficiaires de Caritas », précise Mary-Anne Legallant, coordinatrice du projet.
« Nous avons constaté qu’une des causes de l’échec scolaire parmi les plus démunis est que la majorité des enfants n’ont pas été à la maternelle, soit pour des raisons financières, soit pour d’autres raisons », dit Mary Legallant. « Nous nous sommes dit qu’il faudrait encadrer ces enfants à la base et nous avons choisi les enfants de 2 ans et demi à 3 ans et demi pour les préparer à la maternelle », poursuit la coordinatrice.
L’année au centre d’éveil démarre le 15 janvier et prend fin 15 décembre. Les enfants s’y rendent tous les jours de 9h à midi. Et ne pensez pas qu’ils sont soumis là-bas à un programme scolaire rigide où on leur apprend à lire, à écrire et à compter. Chaque matin, à leur arrivée, ils reçoivent un petit-déjeuner et un déjeuner avant de rentrer chez eux.
Le programme couvre une large variété d’activités à la fois amusantes et éducatives visant leur développement intégral, et qui a aussi pour objectif de les rendre autonomes dans leurs mouvements.
Les activités proposées stimulent les capacités sensorielles de l’enfant et éveillent leurs capacités intellectuelles et physiques. Dans ces centres, les enfants apprennent à s’exprimer correctement et à réfléchir, mais aussi à discerner, à observer et à s’entendre avec les autres enfants. Les puéricultures et le personnel de soutien les encouragent à donner le meilleur d’eux-mêmes dans tout type d’activités, augmentant ainsi la confiance en eux-mêmes.
Les petits bénéficiaires évoluent dans un environnement agréable et se donnent à coeur joie dans les différentes activités. Ils apprennent aussi les règles d’hygiène, la discipline et d’autres valeurs, comme le partage, le respect de l’autre, le respect de l’environnement et la solidarité. Quand l’un d’entre eux bute sur un exercice, un autre vient à son secours…
Quel bilan font les responsables après ce parcours de dix ans ? « Les retombées sont positives. D’après ce que nous disent les parents et les puéricultrices, ce passage d’une année a fait beaucoup de bien sûr les enfants », affirme la coordinatrice des centres d’éveil. Dans le cadre des dix ans l’an dernier, Caritas a entrepris un sondage auprès des premiers bénéficiaires qui sont arrivés en secondaire et auprès de leurs parents. « Même si beaucoup de ces enfants n’ont pas de brillants résultats académiques, ils ont réussi à développer leur potentiel dans d’autres domaines.
Généralement, le programme de fête de fin d’année met en exergue le progrès accompli par les enfants. Je suis heureuse en voyant des enfants épanouis et qui sont aussi disciplinés. Ils arrivent à s’exprimer correctement et à chanter sans bafouiller devant une petite assistance », raconte Mary-Anne Legallant.
Des parents eux-mêmes affirment que ce passage au centre d’éveil a été bénéfique pour la croissance de leurs enfants et, surtout, aura facilité leur entrée à la maternelle et, plus tard, au primaire. « Ma fille était très timide et quand elle est arrivée au centre d’accueil, elle portait encore des couches. Me apre 2 semen dan sa sant-la, li finn debrouye par limem… Li finn al twalet tou sel e li finn aprann manze par li tousel. Li pa finn plere kan li finn rant dan maternel », témoigne une maman.
Par ailleurs, c’est toute la famille qui est intégrée dans ce concept de centre d’éveil puisque les parents bénéficient aussi d’un programme d’accompagnement, où ils obtiennent la formation et les outils nécessaires pour se prendre en main afin de sortir de leur situation de pauvreté. A ce sujet, une habitante d’Allée Brillant, à Floréal, explique : « Pendant que mes deux enfants étaient au centre d’éveil de Mangalkhan, j’ai eu la chance de suivre la formation de “Life Skills” dispensée par Caritas.
À l’époque, j’étais dans une situation difficile, car mon mari ne travaillait pas. La formation en “Life Skills” m’a permis de réaliser mon rêve de travailler avec des enfants. J’ai pu par la suite suivre un cours en “Early Childhood Day Care” offert par le MIE. Je suis aujourd’hui au service du centre d’éveil. »
Mais en cette fin 2018, les responsables de ce programme d’apprentissage pour les 2 à 3 ans sont visiblement inquiets devant les contraintes financières. « L’aide provenant du CSR a été réduite considérablement et nous devons dépendre des sponsors pour la survie du projet », indique la coordinatrice. Les dépenses mensuelles par enfant coûtent Rs 2 000. Aussi Mary-Anne Legallant lance un appel à la générosité des Mauriciens et des entreprises pour un soutien financier. « Nous sommes très prudents et toute aide financière est la bienvenue ! » lance-t-elle.
Les 17 centres d’éveil se trouvent dans les régions suivantes : Goodlands, Grand-Gaube, Solitude, Pamplemousses, Bois-Marchand, Roche-Bois, Baie-du-Tombeau, Cassis, Pailles, Cité Ste-Catherine (à Saint-Pierre), Bambous, Cité Mangalkhan, Cité Joachim (Curepipe), Batimarais, Souillac, Bel-Ombre, et Cité Barkly. Les responsables reconnaissent qu’il y a un besoin similaire dans d’autres régions du pays mais le manque de moyens financiers ne leur permet pas de donner suite à certains projets.