C’est dans un collège d’Etat qu’Adriano Lalande fera son entrée au secondaire aujourd’hui. Ce jeune garçon, issu d’une famille de sept enfants et qui a brillé aux examens de Primary School Achievement Certificate en décrochant 4 unités, fait non seulement la fierté de ses proches, mais aussi de son quartier, Cité Anoska, 16e Mille.
Les vacances sont déjà finies. Adriano Lalande, lui, n’est pas pour autant triste. Le jeune garçon n’a qu’une hâte : faire son entrée au collège. Cette nouvelle étape dans sa vie marquera aussi un passage important. Il sera enfin collégien. Demain, il sera admis en Grade 7 au Mahatma Gandhi SSS de Nouvelle-France. Sa mère, Christina Patricia, une femme de ménage, en est fière. A 11 ans, Adriano est le seul de sa famille à avoir atteint un tel niveau académique et le seul qui sera admis dans un collège d’Etat. De tous les enfants de la Cité d’Anoska, nous dit sa mère, qui ont participé à la première édition des examens du Primary School Achievement Certificate en 2017, Adriano serait aussi le seul à avoir obtenu 4 unités.
« Adriano a toujours été un élève appliqué dans ses études. Et ce depuis la Std I »,confie Christina Patricia. Lorsque ses enseignants de l’école gouvernementale curepipienne qu’il fréquentait ont noté son potentiel, il en ont fait part à sa mère. Adriano prend alors des leçons privées à l’école. Même s’il avait, dit-il, une préférence pour le français, il n’épargnait aucun effort pour exceller dans les autres matières. Son but était de décrocher une place en Grade 7 dans un « bon » collège, un pas déjà vers son rêve : devenir pilote d’avion. Mais, sans qu’il le réalise, Adriano a déjà accompli une partie du rêve de sa mère. En effet, la jeune femme qui a suivi sa mère lorsque celle-ci s’est installée à La-Pipe n’a jamais pu compléter ses études primaires. « A la mort de mon père, mon frère, qui avait alors 12 ans, et moi nous avions abandonné l’école. J’étais en Std V. J’avais 10 ans quand j’ai commencé à travailler pour venir en aide à ma mère », raconte Christina Patricia. A l’âge où elle aurait dû être en classe, Christina Patricia, elle, cueillait les feuilles de thé dans les champs dès l’aube. « Je me réveillais tôt pour être prête à 5h. Un camion nous récupérait et nous allions dans différents champs, là où il y avait du travail. Je touchais Rs 10 pour chaque kilo de feuilles de thé cueillies », se souvient-elle.
Contrairement à son frère, Christina Patricia n’a pu reprendre le chemin de l’école, car, après les champs de thé, elle prend de l’emploi dans une entreprise qui, à l’époque, fabriquait des sacs. Puis elle rencontre son premier mari, il a 26 ans et elle que 16. Le couple aura quatre enfants, âgés aujourd’hui de 21 à 13 ans, avant de se séparer. L’aîné et son frère, 17 ans, ont eu une scolarité chaotique. Quant à sa troisième, une ado, de 15 ans, elle rêve de mettre fin à ses études pour entamer des cours en hôtellerie. « Il n’en est pas question, pas avant ses examens de School Certificate », affirme Christina Patricia. Cette dernière explique que son fils de 13 ans a quitté l’école primaire sans être capable d’écrire son nom. « Li ena difikilte pou rekonet let », dit-elle. Si ses enseignants n’ont jamais évoqué la dyslexie, en revanche, poursuit Christina Patricia, ils ont toujours dit de lui « ki li pa konpran, li pa kapav aprann. » Ce n’est que depuis qu’il a été admis dans le secteur prévocationnel d’un collège privé que le jeune garçon est suivi de près par une enseignante. « Depuis », confie sa mère, « il sait écrire son nom ! »
Avec son salaire de femme de ménage et le revenu aléatoire de son compagnon, Christina Patricia confie qu’il n’est pas facile de trouver le matériel scolaire et uniformes nécessaires pour envoyer ses enfants à l’école. « Mais je crois dans l’éducation, je veux leur donner la possibilité de faire ce que moi je n’ai pu accomplir. Il y va de leur avenir », dit-elle. La mère de famille explique que dans les moments difficiles elle peut compter sur le soutien de ses proches pour l’aider à assurer la scolarité de ses enfants.